Le Canada doit rapidement proposer des mesures pour libéraliser les secteurs couverts par la gestion de l'offre au pays (lait, oeufs, volaille) dans les négociations de libre-échange du Partenariat Transpacifique (TPP), affirme l'ambassadeur américain au Canada, Bruce A. Heyman.
La gestion de l'offre repose sur trois piliers: la planification de la production pour répondre à la demande canadienne en lait, en oeufs et en volaille; le contrôle des importations grâce à des tarifs douaniers élevés (de 200 à 300 %); la mise en place de politiques couvrant les coûts de production des agriculteurs.
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) tolère ce système, mais elle interdit par contre au Canada d'exporter du lait de vache, puisqu'il bloque les importations de lait.
En entrevue avec Les Affaires, l'ambassadeur a souligné qu'il était minuit moins une, et qu'Ottawa devait présenter des offres concrètes, visiblement irrité que le Canada ne l'ait pas encore fait et que le ministre du Commerce international Ed Fast reproche aux Américains de négocier cet accord dans les médias.
«Si vous ne voulez pas négocier dans la presse, il faut le faire à la table des négociations», lance Bruce A. Heyman, un ancien dirigeant régional de Goldman Sachs aux États-Unis, qui est ambassadeur au Canada depuis un peu plus d'un an.
Questionné à savoir s'il est réaliste qu'Ottawa présente des offres affaiblissant la gestion de l'offre alors que le pays est officieusement en campagne électorale, l'ambassadeur a déclaré qu'il ne le savait pas. Il a toutefois ajouté que chaque pays doit mettre de l'eau dans son vin pour arriver à un accord final.
«Je ne sais pas ce que le premier ministre [Stephen Harper] va faire, et je ne sais pas ce que les négociateurs [canadiens] vont faire, mais là, c'est le temps de le faire», dit-il.
Les pourparlers du TPP regroupent 12 pays: le Canada, les États-Unis, le Mexique, le Pérou, le Chili, le Japon, la Malaisie, Singapour, Brunéi, le Vietnam, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces pays regroupent 800 millions d'habitants et totalisent 40% du PIB mondial.
Les négociateurs des 12 pays se rencontrent du 24 au 27 juillet à Maui, Hawaï. Et une réunion des ministres du commerce international est prévue du 28 au 31 juillet.
Dans un récent article du Globe and Mail, un ministre japonais a soulevé la possibilité qu'une entente soit conclue sans la participation d'un ou de deux pays. Il n'a pas nommé le Canada, mais des sources affirment qu'il le ciblait.
Un accord sans le Canada?
Refusant de mentionner un échéancier précis, l'ambassadeur Heyman affirme qu'il faut conclure cette entente de libre-échange «le plus vite possible». Il a aussi indiqué qu'il ne pouvait pas imaginer que le Canada ne fasse pas partie de l'entente finale.
«C'est trop important pour ses deux partenaires dans l'ALÉNA», affirme-t-il.
Le Canada n'est pas le seul pays à avoir un système de la gestion de l'offre en agriculture pour protéger ses producteurs. Ni le seul où les consommateurs paient un prix plus élevé au détail.
Plusieurs pays possèdent un tel système, notamment les États-Unis pour le sucre, selon une analyse l'Union des producteurs agricoles (qui défend la gestion de l'offre au Canada) effectuée en août 2014 pour le compte de Les Affaires.
Aux États-Unis, les quantités de sucre vendues à des fins de consommation humaine par les transformateurs de betterave sucrière et de canne à sucre sont plafonnées par des quotas.
Ces derniers garantissent 85 % de la consommation intérieure aux producteurs américains. Un programme prévoit d'affecter les excédents de sucre à la production d'éthanol afin de soutenir les prix du sucre.
En entrevue, l'ambassadeur a préféré ne pas discuter spécifiquement de ce système.
Outre les États-Unis, l'UPA a identifié des systèmes semblables au nôtre, notamment au Japon (riz), en Norvège (lait), en Islande (lait), en Ukraine (sucre) et en Israël (lait, oeufs).
Le Brésil n'est pas en reste. Ce grand exportateur de produits agricoles (soya, maïs, etc.) soutient une variété de produits agroalimentaires en limitant leur prix au détail, de sorte que le riz importé, entre autres, est plus coûteux sur les tablettes d'épicerie que le riz produit au Brésil.