CAPE TOWN - Chaque jour un peu plus sûrs d’eux par rapport à leurs vis-à-vis européens de tradition vinicole plus ancienne, les producteurs de vin d’Afrique du Sud cherchent à s’affirmer davantage.
Nulle manifestation de cette volonté n’est plus visible que le cas des producteurs de chenin blanc, cette variété de cépages originaire de la vallée de la Loire, en France, mais dont 53 % de la production mondiale provient aujourd’hui d’Afrique du Sud. Les Français ne détiennent plus que 27% de sa production.
« Si nous travaillions davantage ensemble, nous pourrions faire de très grandes choses », soutient Bruwer Raats, propriétaire de Raats Family Wines, un vignoble de la région de Stellenbosch, en Afrique du Sud.
Autrefois surtout vendu en vrac, le chenin blanc est le cépage le plus cultivé (17 % de la production) en Afrique du Sud, loin devant le cabernet sauvignon (11 %) dans le rouge, ou le colombard (11 %) et le chardonnay (7 %) dans le blanc.
À tel point que l’Association des producteurs de chenin blanc d’Afrique du Sud regroupe à elle seule une centaine de membres, tous de la province de Western Cape, la région la plus australe du pays, certainement l'un des plus développés du continent.
Une notoriété à gagner
Le hic, déplore Ina Smith, présidente de l’Association des producteurs de chenin blanc d’Afrique du Sud, est que malgré leur importance, les producteurs de Chenin d’Afrique du Sud ne profitent ni de la renommée ni de la notoriété de leurs concurrents français sur les marchés internationaux.
« Les gens vont boire un Château de la Loire [nom fictif], ou tout autre vin blanc de la Vallée de la Loire, sans savoir que ce qu’ils boivent en réalité est du chenin blanc. Si on leur demandait, la plupart d’entre eux ne choisiraient jamais de chenins blancs d’Afrique du Sud. Pourtant, c’est la même chose ! Vous et moi le savons… Mais pas la plupart des consommateurs, explique Bruwer Raats, un important producteur de chenin blanc (Raats Original et Old Vine) et de cabernet franc (Raats Dolomite et Raats Family Red Jasper). Il faudrait trouver le moyen d’aider les consommateurs à faire le lien. »
Observatrice aguerrie de l’industrie, l'ancienne responsable des achats de la Société des alcools du Québec (SAQ), Jessica Harnois, devenue animatrice, sommelière indépendante et présidente de la société Vins au féminin, explique que le problème des producteurs de chenin blanc n’est pas propre à l’Afrique du Sud, mais à tous les pays dits du « Nouveau Monde ».
Problème commun au « Nouveau Monde »
Ces derniers font face à une concurrence établie de longue date, qui s’est dotée au fil de centaines d’années d’appellations d’origine contrôlée (AOC) s’appuyant non pas sur le type de cépage utilisé, mais sur des régions géographiques particulières. Ainsi, aussi réussi soit-il, un vin blanc produit à base de chenin d’Afrique du Sud ne pourra jamais se réclamer de la vallée de la Loire.
Faute de pouvoir utiliser ces AOC pour des raisons évidentes, les producteurs dits du Nouveau Monde décident souvent de mettre le nom du cépage de l’avant (comme le malbec en Argentine, le carmenere au Chili, le tannat en Uruguay, ou le chenin blanc en Afrique du Sud), plutôt que leur région d’origine, comme on le fait en France (Bourgogne, Beaujolais, etc.)
Cette particularité propre à l’industrie vinicole oblige les nouveaux venus à redoubler d’efforts pour se tailler une place dans le cœur des amateurs de tout vin qui a déjà une longue histoire en Europe, reconnaît Mme Harnois. Ainsi, à défaut de pouvoir facilement compter sur leurs liens de parenté, le plus facile est sans doute de faire valoir leurs différences.
Car différences de goût il y a, confirme Mme Harnois. Quel est le meilleur ? La question entraîne une réponse tout en nuances... « Tout est une question de goût. On connaît le goût, la signature des vins de la Loire. On dit qu’il est racé, explique la sommelière. En Afrique du Sud, la tradition est moins longue. On cherche encore son identité. Il est soit très sucré, ou très sec. Mais clairement, ce sont des vins qui méritent tous d’être découverts. »
Notre journaliste s’est rendu en Afrique du Sud à l’invitation de la WOSA, l’association des producteurs de vin d’Afrique du Sud.
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