Les investisseurs du monde entier ont tendance à concentrer leurs placements, notamment les actions, dans le marché de leur propre pays. Cette préférence nationale existe pour plusieurs raisons pratiques et psychologiques : certains investisseurs préfèrent garder leurs placements près de chez eux parce qu'ils n'ont pas confiance dans les devises étrangères, il peut y avoir des coûts plus élevés et des restrictions associés au placement à l'étranger, et le traitement fiscal préférentiel accordé aux actions locales les rend plus attrayantes pour les investisseurs locaux. Un autre élément important de la préférence nationale est la tendance qu'ont les investisseurs à entretenir des sentiments positifs à l'égard du pays et des sociétés qu'ils connaissent bien.
Toutefois, concentrer vos placements REER dans les actions canadiennes pourrait occasionner des risques supplémentaires à votre portefeuille. En termes de capitalisation boursière, le Canada représente environ 4 % du marché boursier mondial, et nous avons une surpondération importante dans les secteurs des services financiers, de l'énergie et des matériaux. Par conséquent, quand nous concentrons le gros de nos investissements sur le Canada, non seulement nous ignorons 96 % des occasions que présente le reste du monde, mais nous négligeons aussi certains secteurs sous-représentés dans ce pays comme les soins de la santé, la technologie de l'information et les produits de consommation.
Ce manque de diversification mondiale dans un portefeuille de placements peut poser de graves risques si notre pays essuie des revers économiques, comme l'a démontré la chute rapide du prix du pétrole que nous connaissons depuis quelque temps, qui a eu un impact négatif majeur sur le rendement des actions canadiennes; l'Indice composé S&P/TSX a perdu plus de 2 % au cours de la période de six mois qui s'est terminée le 31 décembre 2014, alors que l'Indice MSCI Monde a gagné 7,7 %.
La surpondération habituelle d'actifs canadiens à laquelle se livrent les investisseurs de ce pays est partiellement héritée des règlements imposés jadis par le gouvernement canadien. Jusqu'au mois de février 2005, la règle sur le contenu étranger empêchait les investisseurs canadiens de placer plus de 30 % de leurs comptes de retraite enregistrés dans des titres étrangers. Introduite en 1971, la règle sur le contenu étranger était un moyen de soutenir le développement des marchés financiers canadiens. La limite initiale avait été fixée à 10 % des actifs en portefeuille, et ce chiffre est passé à 20 % en 1994 et 30 % en 2001.
Cette règle empêchait les investisseurs particuliers et les régimes enregistrés de retraite d'investir plus que la limite prescrite du portefeuille dans des actifs extérieurs au Canada. Les investisseurs qui voulaient acquérir une participation aux titres étrangers dépassant la limite autorisée devaient le faire par le biais de produits dérivés qui étaient souvent plus chers et comportaient des risques supérieurs à ceux des produits qui investissaient directement dans les titres étrangers.
L'élimination de la règle sur le contenu étranger le 23 février 2005 fut une grande nouvelle pour les investisseurs canadiens détenteurs de régimes de retraite à imposition différée. Cela signifiait que les investisseurs particuliers et institutionnels n'avaient plus besoin de concentrer leurs placements de retraite dans des titres canadiens, et que leurs comptes à imposition différée pouvaient désormais consister en actifs non canadiens s'ils le souhaitaient.
On s'attendait à ce que l'élimination de la règle sur le contenu étranger amène les investisseurs à augmenter significativement leurs placements dans les titres étrangers. Toutefois, ce changement ne s'est pas produit. Plus de dix ans après l'abrogation de cette règle, la plupart des actifs placés dans des régimes de retraite à imposition différée sont toujours fortement investis dans des titres canadiens.
Il relève d'une étude mondiale sur la répartition d'actifs menée par Towers Watson que la participation moyenne aux actions canadiennes d'un régime institutionnel canadien de pension par rapport au nombre total d'actions était de 30 % en 2013. Bien que ce chiffre représente une baisse considérable par rapport aux 60 % de 2002, il représente néanmoins une surpondération majeure aux marchés boursiers locaux. Du côté des particuliers, chez ceux qui ont accès à un plan d'épargne-retraite de leur employeur et qui ont choisi d'investir dans un des fonds préemballés à échéancier ou à risque cible, les deux étant des options de placement populaires pour les REER collectifs, l'affectation moyenne aux actions canadiennes est d'environ 36 %.
Ces chiffres montrent que bien que les investisseurs canadiens, particuliers aussi bien qu'institutionnels, aillent chercher des occasions de placement à l'extérieur du Canada, leurs portefeuilles comportent encore une surpondération importante au marché boursier canadien. Malgré la présence de certaines occasions de placement excellentes au Canada, les investisseurs canadiens pourraient vraiment profiter d'une diversification de leur portefeuille à l'étranger.
La répartition d'actifs pour les comptes enregistrés ne devrait pas se faire en vase clos, puisqu'un REER ne représente qu'une partie du plan général de placement d'un investisseur. Le processus qui consiste à déterminer quels actifs devraient être détenus dans quels types de comptes pourrait avoir un énorme impact sur le rendement global d'un portefeuille. En règle générale, on détient les actifs qui ont un traitement fiscal moins favorable (revenu fixe) dans un compte non imposable ou enregistré et ceux qui bénéficient d'un traitement fiscal favorable (actions) dans des comptes imposables. Toutefois, les actions étrangères ne jouissent pas du même traitement que les actions canadiennes. De plus, les retraits fiscaux à la source pour les fonds d'actions étrangers varient selon la structure du fonds.
Décider de la répartition des actifs entre comptes enregistrés et non enregistrés est un processus complexe et très individualisé pour lequel il n'y a pas de solution unique. Le taux d'imposition d'un individu, le type de titres qu'il possède, le traitement fiscal différent de chaque type de titre, la structure des fonds de placement et la taille du portefeuille jouent tous un rôle dans la démarche consistant à déterminer quelle catégorie d'actifs et quels types de titres ou de fonds détenir dans des comptes imposables et non imposables.
La stratégie de répartition d'actifs d'un investisseur devrait être le moteur de toutes les décisions en matière de localisation d'actifs. Et une stratégie de localisation d'actifs devrait être adaptée à la situation particulière de l'individu concerné, afin que sa stratégie de répartition d'actifs puisse être exécutée d'une manière fiscalement efficiente.