Déjà populaires aux États-Unis où ils gèrent plus de 10 milliards de dollars américains d'actifs, voilà que les conseillers-robots font lentement leur apparition au Canada. Une nouvelle tendance qui séduira peut-être une catégorie d'investisseurs, mais qui suscite son lot d'interrogations dans le milieu du service-conseil en finance.
Flavio Vani, président de l'Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), ne craint pas l'arrivée des conseillers-robots, mais il est perplexe face à ce phénomène encore nouveau. «Aujourd'hui, il existe toutes sortes de logiciels qui produisent des déclarations d'impôt. Pourtant, les comptables sont toujours là. Est-ce que l'apparition de ces logiciels sur le marché affectera les conseillers financiers ? J'en doute.»
Les conseillers-robots sont des programmes informatiques offerts en ligne. À l'aide d'algorithmes, ils évaluent les besoins des clients en tenant compte de leur âge, de leur tolérance au risque et de leurs objectifs financiers. Après quoi ils leur proposent un portefeuille de placements adapté et généralement constitué de fonds négociés en Bourse. Ils assurent ensuite le suivi et rééquilibrent le portefeuille de façon régulière afin de bien refléter la répartition des actifs établie au départ.
Le président de l'APCSF voit plutôt dans l'arrivée des conseillers-robots un incitatif pour la création d'un ordre professionnel. «De cette façon, on pourrait garantir notre produit et uniformiser la formation des conseillers financiers», précise-t-il. Il ajoute qu'un conseiller financier ne se limite pas à la gestion d'actifs. «Il y a d'autres aspects, la fiscalité, la sécurité, etc. On aura toujours besoin du contact humain.»
«On considère notre offre de service comme complémentaire. Les gens qui ont besoin d'un conseiller traditionnel ne vont pas changer pour autant leurs habitudes», souligne quant à lui Dave Nugent, chef des placements chez Wealthsimple Financial, qui propose depuis peu ce type de service en ligne.
M. Nugent n'aime pas l'expression conseillers-robots. «Une chose que l'on essaie de faire différemment, contrairement aux États-Unis, est de fournir la supervision d'un conseiller dédié à qui l'on peut s'adresser de vive voix au besoin», dit-il depuis Toronto. «On pense qu'allier la technologie au modèle financier traditionnel permet de dégager des économies qui, à leur tour, profiteront aux investisseurs en réduisant les frais de gestion.»Séduisants pour les jeunes investisseurs
La génération d'investisseurs âgée de 20 à 40 ans semble plus intéressée à ce service. Cette génération est plus à l'aise avec les nouvelles technologies et est attirée par les faibles coûts offerts, selon Neil Gross, directeur général de la Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR). «Les frais de gestion ont des effets majeurs à long terme. Ces nouveaux services sont certainement à prendre en considération. La grande question est de savoir si les services offerts seront de qualité.»
Le fondateur et éditeur du site Investisseurautonome.info, Marc J. Ryan, reconnaît qu'il y a un créneau pour ce produit, même s'il s'adresse davantage aux petits investisseurs débutants. «Si quelqu'un a déjà des connaissances, il devrait gérer lui-même, et sans frais, son portefeuille. Car, même à 0,5 %, ça commence à faire cher pour la valeur des conseils que l'on reçoit.»
De façon générale, les frais de gestion des conseillers-robots varient de 0,25 % à 0,60 %, selon les actifs du client. C'est davantage que les frais de gestion que paierait un investisseur autonome en négociant directement par l'entremise de son compte de courtage, mais moins que les frais d'un portefeuille de fonds communs de placements géré activement par un professionnel. Le minimum requis pour ouvrir un compte est généralement de 5 000 $.
Fabien Major, associé principal et fondateur de Major Gestion privée, reste impassible face à la menace robotisée. «C'est le même phénomène que les boîtes vocales qui, disait-on, allaient remplacer les réceptionnistes. Ce n'est pas arrivé.» Il voit là le prolongement de l'offre existante dans le domaine du courtage et le marketing du «do-it-yourself». «C'est une mode. Le seul danger que j'entrevois, c'est celui de donner l'illusion que c'est facile, qu'on peut simplement remettre l'argent de sa retraite à un robot.»
Le gestionnaire de portefeuille fait remarquer qu'il y a de plus en plus de cas complexes, notamment lors des phases de décaissement une fois à la retraite, et qu'il faut bien connaître les différents régimes d'épargne en vigueur. «S'il y a une menace, elle concerne les conseillers qui offrent un niveau de service minimal», dit-il.
> Les actifs globaux gérés par des conseillers- robots s’élèveront à 14 G$ US d’ici la fin de l’année, dont 83 % seront gérés aux États-Unis, estime la firme suisse MyPrivateBanking. Celle-ci évalue que d’ici cinq ans les actifs globaux sous gestion atteindront 255 G$ US. Source : MyPrivateBankingConseillers-robots : le Québec ne paie rien pour attendre
Il n’existe pas encore de service de conseillers- robots à proprement dit au Québec. Il y a bien sûr de nombreuses sociétés de courtage à es- compte en ligne, mais celles-ci sont plutôt destinées à l’investisseur autonome possédant de l’expérience. Ces sociétés ne gèrent pas activement l’actif des investisseurs.
Au Canada, les quelques entreprises qui offrent le service de conseillers-robots opèrent depuis peu en Ontario et en Colombie-Britannique, comme Nest Wealth Asset Management, WealthBar Financial Services et Wealthsimple Financial. Après l’Ontario et la Colombie-Britannique, la direction de Wealthsimple Financial étudie d’ailleurs la possibilité d’étendre ses activités dans le reste du Canada, au Québec notam- ment, où elle a entrepris des démarches admi- nistratives, selon Dave Nugent, gestionnaire de portefeuille et chef de la conformité.