REER 2012. 30, 40 ou 50 % d'actions ? La répartition des actifs entre les actions (ou les fonds d'actions), les obligations, les certificats de dépôt et les autres produits garantis influence plus le rendement d'un portefeuille que le choix des titres. Pourtant, plusieurs investisseurs y vont au pif. Quelques conseils pour remédier à la situation.
Oubliez la règle du pouce estimant à 100 moins votre âge la portion de votre portefeuille devant être investie en actions. La valeur de cette règle est grandement surestimée, s'entendent les six experts consultés. «C'est une règle farfelue, élaborée pour faciliter le travail des conseillers», résume Raphaël Hainault, planificateur à la Financière des professionnels.
La répartition d'actifs idéale dépend plus des caractéristiques et des besoins d'un individu que de son âge, et il n'y a pas de règle préétablie. Mieux vaut donc trouver celle qui vous convient plutôt que de copier celle de votre voisin.
Résistez également à la tentation de tout chambouler simplement pour réagir aux dernières turbulences du marché, à moins d'en perdre le sommeil. Vendre vos actions alors qu'elles ont déjà beaucoup perdu vous coûtera cher en rendement, sans que vous soyez assurés d'y gagner quoi que ce soit.
«Peu de gens réussissent à timer le marché», prévient Guylaine Dufresne, planificatrice financière à la Banque Laurentienne. La plupart des investisseurs ont plutôt tendance à sortir du marché quand il est déprimé et à y entrer trop tard, quand les cours ont déjà beaucoup remonté.
Prenez plutôt le temps de réfléchir à votre répartition d'actifs dans une perspective à long terme. Si vous réalisez que celle que vous avez en ce moment ne vous convient pas, par exemple parce que vous n'êtes pas aussi tolérant au risque que vous ne le croyiez, établissez un plan pour la modifier sur une certaine période plutôt qu'en catastrophe.
Connaître sa tolérance au risque, le vrai défi
Facile, quand ça va bien et que la Bourse multiplie les gains, de ne pas avoir peur. C'est autrement plus difficile quand les marchés se mettent à aller mal. Résultat : plusieurs investisseurs ont surestimé leur tolérance au risque pendant les années fastes de la Bourse et constatent maintenant qu'ils sont plus craintifs qu'ils ne le pensaient.
«Déterminer sa vraie tolérance au risque est la première chose à faire, et c'est la plus difficile», estime Nancy Paquet, vice-présidente, distribution aux conseillers à la Banque Nationale. Une fois cette étape franchie, établir la répartition d'actifs se fait facilement.
La question cruciale est donc : «Avec quel risque suis-je capable de bien dormir ?». Comme les décisions les plus coûteuses en ce qui a trait au rendement sont émotives, rien ne sert de se mentir.
Pour faciliter la réflexion, certains conseillers se réfèrent entre autres aux franchises d'assurance. Un client qui opte pour une franchise nulle ou très faible dans sa police d'assurance auto ou habitation est fort probablement peu résistant au risque.
D'autres planificateurs multiplient les chiffres pour bien cerner leur vis-à-vis. Un client qui jure de pouvoir vivre avec une chute boursière de 30 % peut fort bien grimacer à l'idée de perdre 60 000 $... ce qui correspond pourtant à 30 % de son portefeuille de 200 000 $.
De son côté, Raphaël Hainault privilégie une approche graduelle auprès des nouveaux clients afin d'éviter de les voir tourner le dos au marché. Cela lui donne le temps d'observer leur réaction lors des baisses boursières et, ainsi, de mesurer leur réelle tolérance au risque. Il établit donc une répartition d'actifs prudente au départ, puis accroît la pondération en actions si le client est à l'aise.
Car il ne faut pas oublier qu'un portefeuille qui n'est pas suffisamment investi en actions comporte aussi son lot de risques. «À long terme, si votre argent ne travaille pas assez, c'est vous qui allez devoir travailler», illustre Guylaine Dufresne, de la Banque Laurentienne.
Plusieurs questions à se poser
Les investisseurs ne mesurent pas à quel point leurs besoins varient de l'un à l'autre, constate Jean-René Ouellet, analyste principal, groupe conseil en portefeuille, Valeurs mobilières Desjardins. «Les clients se disent tous du type équilibré, pourtant ils ont des profils très différents.» Certains sont endettés, alors que d'autres comptent déjà un portefeuille important. Certains souhaitent acheter un chalet dans un avenir rapproché, alors que d'autres projettent de voyager à leur retraite. Pour établir sa répartition d'actifs, il faut se poser plusieurs questions, dont les suivantes.
Quel est mon projet ? «L'horizon de placement en dépend, beaucoup plus que de l'âge», explique Nancy Paquet. Les placements dans un REER ne prendront pas la même forme si l'investisseur compte les encaisser prochainement pour acheter une première maison ou s'il prévoit plutôt les laisser fructifier jusqu'à la retraite.
Quel est mon objectif ? Un investisseur visera probablement la préservation du capital s'il a un capital d'un million pour prendre sa retraite dans deux ou trois ans, alors que celui qui n'a que 150 000 $ mais le même rêve cherchera peut-être à maximiser son rendement potentiel.
Quel est mon état de santé ? «Les gens sous-estiment leur espérance de vie, tout comme ils ne calculent pas tous les coûts médicaux qu'ils sont susceptibles de débourser», prévient Lawrence Kryzanowski, professeur de finance à l'École de gestion John-Molson, de l'Université Concordia. Bien difficile de répondre à cette question, mais une analyse de votre état de santé et de vos antécédents familiaux aidera.
Combien vais-je décaisser périodiquement ? «Ça détermine si vous pouvez avoir des actifs moins liquides comme de l'immobilier ou de l'or», dit M. Kryzanowski. Il faut aussi tenir compte de la taille du portefeuille, souligne Bruce Kent, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez RBC Dominion valeurs mobilières. «Les clients fortunés peuvent vivre avec une plus grande volatilité puisqu'ils ont assez de revenus, par exemple avec les dividendes, pour s'assurer des liquidités suffisantes.»
Quels seront les rendements ? Établissez des scénarios réalistes du rendement que pourront vous procurer, à long terme, les actions et titres à revenu fixe de votre portefeuille.
Pourrai-je retourner travailler ? Certains professionnels, par exemple les avocats ou les médecins, peuvent travailler plus longtemps pour compenser un rendement moindre, tandis que d'autres travailleurs doivent obligatoirement prendre leur retraite passé un certain âge. «Ça influence le niveau de risque qu'on peut prendre», explique M. Kryzanowski.
Pas de magie
Vous avez de beaux projets, mais réalisez que vous n'êtes pas assez tolérants au risque pour dégager les rendements nécessaires ? «Ça ne donne rien de vivre avec des oeillères, il faut faire des choix», conseille M. Ouellet. Soit vous décidez de travailler plus longtemps, soit vous épargnez plus, soit vous acceptez d'avoir moins de revenus à la retraite.
QUATRE EXEMPLES DE RÉPARTITION D'ACTIFS
Jeune trentenaire épargnant pour sa retraite
Nancy Paquet, de la Banque Nationale, suggère d'axer sur les actions et de limiter la portion de revenu fixe à 20 % ou moins du portefeuille. «À condition que le REER ne serve pas à acheter une maison, parce que l'horizon ne sera alors pas le même.»
Raphaël Hainault, de la Financière des professionnels, propose de commencer avec 30 ou 40 % du portefeuille en actions et d'augmenter cette proportion si l'investisseur réagit bien aux fluctuations de marché. «Un jeune dentiste, par exemple, peut aller jusqu'à 100 % en actions s'il comprend et accepte les risques de la Bourse.»
Guylaine Dufresne, de la Banque Laurentienne, recommande d'avoir au moins la moitié de son portefeuille dans des actifs de croissance, que ce soit des actions ou des fonds d'actions. «Les plus audacieux peuvent aller jusqu'à 70 %.»
En milieu de carrière
M. Hainault, de la Financière Banque Nationale suggère un portefeuille investi de 50 à 70 % en actions. Certains investisseurs, toutefois, deviennent plus craintifs à mesure que leurs actifs et leurs pertes potentielles en dollars croissent. «Quelqu'un de très frileux peut avoir jusqu'à 80 % de son portefeuille en obligations, mais il doit accepter d'épargner plus pour s'assurer un bon revenu à la retraite.»
À la retraite avec un portefeuille autonome
Jean-René Ouellet, de Valeurs mobilières Desjardins, recommande 65 ou 70 % en obligations et 30 ou 35 % en actions. «La répartition d'actifs doit évoluer avec l'investisseur. Un individu ne devrait donc pas avoir la même pondération à la retraite qu'en début de carrière.»
Guylaine Dufresne conseille de calculer les revenus nécessaires pour les trois à cinq années à venir et de sécuriser cette portion dans des placements garantis. Pour la balance du portefeuille, elle suggère de conserver 25 à 30 % en actions. «Même à la retraite, une partie des actifs doit continuer à travailler activement.»
À la retraite bénéficiant d'un important régime de retraite
Si l'investisseur est tolérant au risque et qu'il jouit d'un régime de retraite solide, il peut investir jusqu'à 60 % de son portefeuille autonome en actions, estime Mme Dufresne. «Parfois c'est principalement pour laisser un héritage à ses enfants.»
80 % Un portefeuille très agressif peut aller jusqu'à 80 % en actions, juge Jean-René Ouellet, de Valeurs mobilières Desjardins. «Mais ce n'est vraiment pas pour la majorité des gens.» Aller au-delà de ce pourcentage n'est pas justifié à ses yeux.
(Texte d'origine 22 octobre 2011)