Le passage de Sylvie Chagnon du privé au public ne s’est pas fait dans la facilité. L’ancienne vice-présidente régionale de la Banque Nationale accède au poste de vice-présidente au crédit et à la gestion des risques d’Investissement Québec en septembre 2008, au plus fort de la crise économique et en pleine campagne électorale québécoise. Elle doit revoir toutes ses façons de faire. « À mon premier comité de crédit, j’avais encore un regard de banque à charte. Je ne voulais autoriser aucun dossier, car c’était beaucoup trop risqué ! » se souvient-elle.
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Il faut dire qu’en cette période d’incertitude, la tendance était plutôt à la prudence. « À cette époque, les banques resserraient énormément leurs critères de crédit, alors que notre rôle, comme société d’État, était de venir en aide aux entreprises, explique Sylvie Chagnon. Le défi était d’aller à l’encontre du principe de gestion des risques bancaires, sans augmenter le risque ! » En même temps, Sylvie Chagnon a appris à travailler selon une dynamique complètement différente de celle du milieu bancaire : répondre aux sous-ministres, comprendre les objectifs gouvernementaux à atteindre et mettre en place les programmes pour y parvenir.
Il lui a fallu quelques mois pour prendre le défi à bras-le-corps, et au lendemain des élections, elle a proposé le programme Renfort qui vient en aide aux entreprises québécoises performantes. Aujourd’hui, elle se félicite de la réception favorable par le milieu des affaires de ce programme qui a contribué à aider le Québec à se sortir mieux que d’autres de la crise.
Une olympienne de la finance
À observer le parcours de Sylvie Chagnon, on ne peut douter qu’il s’agit d’une femme déterminée. Dès la fin de ses études, elle occupe le poste de directrice des comptes du service aux entreprises de BMO Groupe financier. Elle poursuit dans le financement commercial jusqu’en 1999, alors qu’elle accepte la responsabilité des succursales québécoises de la CIBC. « C’était un risque : habituellement, on migre plutôt des services aux particuliers vers les services commerciaux. Cependant, comme je n’avais jamais travaillé en succursale, cela m’a permis d’élargir mes expériences de travail et d’acquérir une vision d’ensemble du fonctionnement d’une banque », explique-t-elle.
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Cette détermination professionnelle n’est pas étrangère à son passé olympien de handballeuse. Ce n’est pas faute de détermination que Sylvie Chagnon n’a pas pu se présenter aux Jeux olympiques de Moscou, mais parce que le Canada avait décidé, cette année-là, de boycotter les JO de l’été 1980. Elle avait tout de même réussi à se classer au sein de l’équipe nationale de handball, le sport qui lui a appris l’esprit d’équipe, essentiel dans le domaine des finances. Mais c’est toujours contre elle-même qu’elle se mesure. Bientôt âgée de 52 ans, elle continue de courir les demi-marathons pour se dépasser. Un dépassement qu’elle tente de maintenir dans le milieu masculin au sein duquel elle évolue. « Dans les réunions, même si j’étais la seule femme, je n’ai jamais senti que j’étais perçue comme “une femme qui parle”, bien que j’aie parfois eu l’impression de devoir en faire plus que les autres pour prouver ma valeur », conclut la lauréate des prix Femmes d’affaires du Québec du Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ), dans la catégorie Cadre, dirigeante ou professionnelle, organisme public ou parapublic. Au final, cette attitude se sera avérée payante.
La personnalité qui l’inspire
Christine Lagarde et Hillary Clinton. « Les deux femmes ont évolué dans des secteurs très masculins où elles ont osé prendre des risques. Elles n’ont pas eu peur d’affirmer leurs opinions et elles ont montré qu’elles n’étaient pas des coquilles vides. Ce sont des femmes inspirantes aux parcours difficiles, qui ont fait l’objet de critiques et qui ont continué malgré tout, atteignant des sommets que beaucoup d’hommes rêvent d’atteindre. »
Son plus gros défi
« Proposer un plan innovateur allant à l’encontre des principes de gestion du risque bancaire pour soutenir les entreprises d’ici, et maintenir des emplois dans toutes les régions du Québec, en pleine crise financière. »
Le projet qui l’allume
« C’est d’améliorer les choses dans la société. Je m’investis dans plusieurs causes philanthropiques (Fondation québécoise du cancer, Jeunes musiciens du monde et CA de divers organismes). On se doit de redonner au suivant. C’est pour ça que je m’investis quand je suis capable de le faire. Ce sont aussi des cercles d’échanges qui sont stimulants intellectuellement. »
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