«On manque de neveux. Il va falloir sortir du cercle de la famille !» À la blague, Serge Loubier, président de Marquis Imprimeur, résume par cette image le défi que représente le recrutement de main-d'oeuvre pour l'entreprise de Montmagny, dans Chaudière-Appalaches. Le personnel a fortement augmenté (+ 124 %) de 2011 à 2012, à la suite de l'acquisition de deux imprimeries de Transcontinental, l'une à Sherbrooke (aujourd'hui fermée), l'autre à Louiseville, en Mauricie, qui compte 80 employés.
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Jusqu'à présent, les connaissances et le bouche à oreille permettaient de pourvoir un bon nombre de postes vacants. La formation faisait le reste. L'écrasante majorité du personnel professionnel a en effet été formée en interne sans que les individus soient qualifiés dans ce secteur d'activité initialement. Mais «on trouve ça de plus en plus difficile de recruter, surtout à Montmagny», reconnaît Serge Loubier. La petite municipalité compte quelque 12 000 habitants, près de la moitié des résidents de la MRC.
Marquis Imprimeur embauche principalement des conducteurs de presse, des plieurs, des coupeurs, des relieurs, des assembleurs. Le défi est particulièrement criant pour les superviseurs. Outre le personnel administratif, elle a aussi dans son giron une firme de mise en page et graphisme à Québec, Marquis Interscript, qui emploie une trentaine de personnes (surtout des graphistes).
Si le recrutement est encore possible à Louiseville, il devient difficile à Montmagny. L'entreprise est allée jusqu'à offrir des aides au déménagement, et elle avait obtenu des conditions avantageuses sur les hypothèques pour inciter des employés de l'imprimerie de Sherbrooke que Marquis Imprimeur a fermée à venir travailler à Montmagny. Peu de personnes ont fait le déplacement.
Cliquez ici pour consulter le dossier PME: Forces d'attractionRecruter jusqu'en Europe
«Aujourd'hui, on se tourne vers l'Europe. Déjà, un Français a rejoint nos rangs et ça se passe très bien. La formation est bonne, les équipements sont les mêmes, on parle la même langue», énumère Serge Loubier. Marquis Imprimeur envisage de solliciter les programmes d'accompagnement au recrutement international du gouvernement pour pourvoir une partie de ses postes vacants. Une trentaine - tous sites confondus - ont été ouverts en 2014, mais tous n'ont pas été pourvus.
«On a l'impression d'avoir tout essayé ici. Les écoles ne nous donnent pas assez de candidats. Il faut dire que le secteur de l'imprimerie n'est pas très sexy pour les jeunes. Pourtant, le marché est bien là et il ne va pas disparaître», affirme le président de Marquis Imprimeur, qui a fait évoluer ses services de façon à devenir un «guichet unique» pour les éditeurs en offrant notamment la version numérique des livres qui y sont imprimés.
Les employés sont intéressés aux bénéfices de l'entreprise grâce au versement d'une partie du dépassement de la marge bénéficiaire prévue quand c'est le cas. «On a même négocié avec la FTQ le droit d'augmenter de 20 % le salaire d'entrée des professionnels, car sinon, une fois formés, les jeunes partaient ailleurs où c'était mieux payé», raconte Serge Loubier. L'entreprise est consciente que «le plus motivant pour un employé, c'est de savoir qu'il peut avoir un cheminement qui lui permettra d'améliorer sa condition». Elle met beaucoup l'accent sur la formation, qu'elle a mieux structurée. «Avant, on faisait beaucoup de formation par nous-mêmes, mais nous avons eu récemment une expérience très intéressante avec la Commission scolaire du Chemin-du-Roy, à Louiseville», rapporte le président. Des formateurs ont rédigé un manuel pour chaque nouvel équipement utilisé et ont formé des travailleurs expérimentés de l'entreprise. Les machines ont ensuite été conduites par quatre employés au lieu de deux pendant trois mois, de façon à ce que les jeunes soient formés à leur fonctionnement. Un maillage en partie payé par des subventions gouvernementales.
Cliquez ici pour consulter le dossier PME: Forces d'attractionDevenir employeur de choix
Serge Loubier ne pense pas que d'être en région soit une difficulté insurmontable en ce qui concerne le recrutement. «Ici, le sentiment d'appartenance et la fierté de participer à un projet commun qui fait vivre la communauté sont très forts, ce qui nous assure un très bon taux de rétention», estime le président, dont les bureaux de vente sont installés à Montréal et qui se rend très régulièrement dans tous les lieux où l'entreprise est implantée.
Une force pour assurer la croissance importante de Marquis Imprimeur dans un secteur souvent perçu comme en perte de vitesse. «Nous occupons un marché de niche dans l'impression de livres. On peut imprimer 300 titres différents par semaine», décrit Serge Loubier. L'entreprise a quelque peu diversifié ses activités en rachetant une société d'impression d'albums pour finissants et d'agendas scolaires et en développant depuis deux ans le marché de l'impression de brochures d'entreprise et de catalogues. Elle a pris un virage stratégique en multipliant ses services numériques.
Mais «l'essentiel de notre croissance vient des États-Unis, qui sont encore un marché embryonnaire pour nous, alors que nous avons une position mature au Québec», constate le président de Marquis Imprimeur, qui a également un bureau de vente à Paris où les activités devront aussi être accrues à l'avenir. Aux États-Unis, le chiffre d'affaires est passé de 400 000 $ à 8 millions en 2,5 ans.
Les perspectives de croissance sont importantes. Le défi : avoir suffisamment de main-d'oeuvre compétente pour assurer le rythme. Le prochain projet de Marquis Imprimeur pour se donner toutes les chances d'attirer les meilleurs talents : devenir employeur de choix. «C'est un label qui demande des investissements importants qui amélioreront encore le traitement de nos employés, explique Serge Loubier. Ce label signifie que nous sommes prêts à faire beaucoup pour nos employés, que notre entreprise en est une où il est agréable de travailler.» De quoi attirer les talents.
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