Stéphane Beaucage, pdg d'Agro-100, garde un souvenir amer du mois de mars 2009. Alors que la saison des ventes de fertilisants agricoles produits par l'entreprise de Saint-Thomas prenait son envol, le représentant des ventes pour le marché ontarien, nouvellement embauché, a remis sa démission sans préavis. Conséquence : les ventes d'Agro-100 en Ontario, qui représentaient 10 % des revenus de l'entreprise, ont diminué de moitié cette année-là. Une situation que l'entrepreneur de la PME lanaudoise s'est juré de ne plus jamais revivre.
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«J'ai constaté qu'il ne suffisait pas d'embaucher des gens au poste de représentants des ventes, mais qu'il me fallait trouver des solutions pour dénicher des employés de qualité afin de pourvoir adéquatement ces postes clés», raconte Stéphane Beaucage. Ces postes stratégiques pour la PME sont au nombre de sept actuellement. Ils sont essentiels pour développer de nouveaux marchés à l'exportation au Mexique, en Amérique latine et en Afrique.
Depuis cinq ans, l'entrepreneur est convaincu que la recette pour recruter les bons éléments passe par le développement de l'image de marque de l'entreprise. «J'ai constaté que le nom de l'entreprise se retrouvait très souvent dans l'ombre des produits que l'on fabrique. Si les agriculteurs pouvaient nommer nos fertilisants, peu d'entre eux savaient que c'était nous, Agro-100, qui les fabriquions», dit l'entrepreneur.
Faire rayonner sa marque
La PME, fondée en 1990 par Jean-Marc Harnois, se spécialise dans la recherche, la fabrication et la mise en marché d'intrants agricoles de haute technologie qui valorisent l'utilisation des matières résiduelles fertilisantes, tels des résidus de cimenterie et de fours à chaux. L'entreprise, qui possède deux usines à Joliette et à Batiscan, compte 35 employés, dont une vingtaine à temps plein. L'équipe est composée d'agronomes, de chimistes, d'ingénieurs industriels et de techniciens agricoles. «En développant de nouveaux marchés, il sera possible d'augmenter les heures de travail de la dizaine d'employés saisonniers embauchés pour la période de production de mars à juin», indique M. Beaucage, devenu pdg de l'entreprise en 2010.
Pour mousser son image, Agro-100 a commencé par s'offrir des publicités dans les journaux locaux qui rejoignent la clientèle agricole. L'entreprise a aussi augmenté le volume de son logo sur l'étiquetage de ses produits. De plus, pour accroître le rayonnement de sa marque, elle a fait appel à la firme de relations publiques Cohn & Wolfe.
«Voilà un bel exemple d'entrepreneur qui a compris que le recrutement de son personnel constitue une activité stratégique pour l'évolution de son entreprise», soulève Laurent Vorelli, président de Propulsion RH, une firme de consultation et de coaching en ressources humaines. Les entreprises, dit-il, qui font l'effort de développer leur image de marque réussissent parallèlement à promouvoir leur marque employeur.
Semer auprès des étudiants
Une image de marque qu'Agro-100 met au point également sur les bancs d'école. Depuis quatre ans, l'entreprise participe à des journées carrières dans les facultés des sciences de l'agriculture des universités Laval et McGill ainsi qu'à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe. «J'ai fait fabriquer un kiosque aux couleurs de l'entreprise. Je suis sur place pour présenter aux étudiants notre environnement de travail, pour leur communiquer les valeurs de l'entreprise et, surtout, j'en profite pour faire ressortir l'aspect innovateur de nos produits», mentionne M. Beaucage.
Agro-100 travaille d'ailleurs en collaboration avec la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval pour élaborer de nouvelles formules fertilisantes. Le produit ProCure, qui agit contre le fléau de la gale commune dans les cultures de pommes de terre au Québec, en est un exemple.
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La PME vient de s'associer au Cégep régional de Lanaudière à Joliette, qui offre la technique de gestion et technologies d'entreprise agricole. En plus de fournir des produits fertilisants aux étudiants, l'entreprise invite les futurs techniciens à venir visiter ses usines. Agro-100 contribue aussi financièrement à la construction de nouvelles serres au cégep. «Une association qui améliore notre visibilité», souligne M. Beaucage. En effet, l'entreprise n'éprouve désormais plus aucune difficulté à recruter ses trois stagiaires d'été.
Toutes ces alliances avec le milieu académique sont des stratégies de recrutement saluées par l'expert en ressources humaines, Laurent Vorelli. «S'associer à des établissements scolaires peut être très bénéfique pour le recrutement. Surtout pour les PME qui évoluent dans des secteurs où la main-d'oeuvre qualifiée est rare.»
Qualité des candidats améliorée
Agro-100 récolte là où elle sème. L'entreprise de Lanaudière a opéré un virage à 180 degrés en matière de recrutement de ses représentants aux ventes. «Lorsqu'on affiche des postes, on continue de recevoir de 10 à 50 candidatures. À la différence que la qualité des dossiers des candidats est aujourd'hui supérieure à celle qu'on recevait il y a cinq ans. C'est le jour et la nuit», signale Stéphane Beaucage. Ces candidats ont désormais, au minimum, une formation collégiale en agriculture. Un facteur non négligeable pour bien maîtriser le langage agricole nécessaire afin de vendre les produits fertilisants.
Sans vouloir dévoiler son chiffre d'affaires, l'entrepreneur fait savoir que ces efforts de recrutement sont palpables en matière de distribution. Grâce à l'arrivée de ses nouvelles recrues aux ventes, le réseau est passé de 50 à près de 250 distributeurs.
Trois entrevues, trois avis
Pour le moment, Agro-100 utilise un procédé rotatif d'entrevues pour effectuer sa sélection. «Nous avons mis en place un processus de trois entrevues qui s'effectuent avec différentes personnes. De cette façon, le comité d'embauche dispose de trois avis sur les capacités du candidat à remplir les fonctions visées et à s'acclimater à l'environnement ainsi qu'aux valeurs de l'entreprise. Le choix du candidat se fait par consensus.»
Les conditions salariales n'ont jamais fait partie des éléments clés d'attraction sur lesquels voulait miser la PME. «Nous offrons des conditions similaires aux autres entreprises qui emploient des représentants. Rien pour se démarquer. Là où on est convaincu de se démarquer, c'est par notre réputation innovante et nos possibilités d'exportation», affirme M. Beaucage.
Et sur cet aspect, l'entrepreneur n'a pas tort. «Les PME doivent se méfier de ces candidats qui acceptent un emploi uniquement pour la rémunération. Si un candidat accepte le poste pour le salaire seulement, il partira dès qu'un autre employeur lui présentera une offre plus attrayante», avertit Jonathan Plourde, chasseur de têtes pour la firme Alexander Hughes.
Enfin, Agro-100 s'est vue octroyer, en 2014, la certification Employeur Remarquable du Bureau de normalisation du Québec. Ce processus de certification portait sur 68 pratiques de travail liées à la motivation du personnel de l'entreprise. Moins d'une trentaine d'organisations au Québec ont obtenu cette certification.
Avis d'expert
« L’entreprise a su se prendre en main, elle a bien réagi pour régler son problème de recrutement. Même Services Canada reconnaît désormais que les cv et les entrevues ne suffisent plus pour dénicher et reconnaître les meilleurs candidats. Il faut maintenant que la PME gère l’activité que ces actions génèrent. Elle aurait donc tout avantage à utiliser des outils d’analyse de recrutement pour mieux identifier ses perles rares. » – Martin Foster, directeur principal de Groupe Prévision Succès
PME : savoir se réinventer
Série 2 de 7. Cette série montre la réalité des PME québécoises au moyen d'exemples de réussite inspirants. Pour chacun d'eux, elle propose une analyse des stratégies mises en place et des résultats obtenus.
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