La vente en ligne est un modèle d'entreprise de plus en plus présent dans l'industrie québécoise du meuble. Elle pose toutefois plusieurs défis techniques, en plus d'exiger du doigté dans les relations avec les détaillants.
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Fondées en 1940 et 1948, respectivement, South Shore et Bestar se sont résolument lancées dans le commerce en ligne, mais avec des modèles assez différents.
Bestar, une entreprise de Lac-Mégantic qui compte 135 employés, fait d'ailleurs office de pionnière à cet égard, puisqu'elle s'est lancée sur Internet dès 1997.
«Au départ, ce sont nos clients américains, comme Staples et Sam's Club, qui avaient lancé leur site Web et nous sollicitaient pour qu'on y vende certains de nos produits», explique le vice-président exécutif Martin Tardif.
«Nous avons commencé lentement. Nous ne faisions pas de produits destinés spécifiquement à la vente en ligne.»
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Tout repenser
La situation a bien changé. L'arrivée des importations chinoises, une menace pour la survie de Bestar, a poussé l'entreprise à revoir son plan d'affaires au début des années 2000. Pas question toutefois de concurrencer leurs propres clients en vendant directement à des particuliers. Les ventes de Bestar se font par l'intermédiaire de sites de détaillants comme Costco, Staples et Walmart, pour ne nommer que ceux-là.
Le premier défi, selon M. Tardif, a été d'accepter de se renouveler et de foncer dans cette nouvelle orientation stratégique. Une fois la décision prise, il a fallu surmonter d'autres obstacles. «C'était comme démarrer une nouvelle entreprise. Il fallait repenser la logistique, notamment les livraisons», dit le vice-président.
Bestar a dû tenir compte des règles des transporteurs quant aux dimensions, au poids, etc. C'est au moment même du développement d'un produit que ces règles s'imposent, afin de créer des produits facilement livrables.
Il a fallu aussi adapter la production à la fabrication de nombreux petits lots, plutôt qu'à celle de lots de 1 000 ou 1 500 produits. Cela a entraîné des investissements importants. Au cours des 10 dernières années, près de 10 millions de dollars (M $) ont été investis dans des technologies et procédés plus propices à ce type de production, rapporte Martin Tardif.
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Bestar ne regrette pas de s'être lancée sur Internet, une décision qui a donné de bons résultats. Après une année 2013 difficile, marquée par la tragédie ferroviaire qui a coûté la vie entre autres à un de leurs employés et à de trop nombreux parents et amis des autres travailleurs, l'entreprise devrait connaître une croissance d'environ 7 % en 2014.
Mais Bestar reste à l'affût des changements. «Ça bouge vite sur Internet, dit Martin Tardif. Pendant un temps, les acheteurs peuvent vouloir surtout des livraisons rapides, et puis tout d'un coup c'est la variété ou un autre critère qui devient important. Il faut être constamment prêt à suivre les consommateurs.»
L'avenir est en ligne
Le fabricant Meubles South Shore, de Sainte-Croix, dans Lotbinière, est un acteur important dans l'industrie du meuble au Québec. Il compte plus de 600 employés au Québec, 200 au Mexique et 50 aux États-Unis. L'exportation représente environ 85 % (80 % aux États-Unis et 5 % au Mexique) d'un chiffre d'affaires qui a maintenu une croissance annuelle moyenne de 10 % au cours des trois dernières années.
Au début des années 2000, en raison de l'augmentation des coûts du transport causée par la hausse des prix du pétrole, de l'arrivée des importations chinoises et de la hausse du dollar canadien, les dirigeants de South Shore s'interrogeaient sur l'avenir de l'entreprise. Avec raison, selon Torsten Lihra, gestionnaire, transfert de connaissances, chez FPinnovations. «South Shore fait des meubles prêts à assembler, souligne l'expert en personnalisation de meubles en bois. Ce sont des meubles livrables dans de petites boîtes, facilement transportables. C'est exactement le marché qui était visé par les exportateurs chinois.»
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South Shore effectue alors un virage à 180 degrés. Les ventes en ligne, qui ont commencé en 2004, ne seraient pas seulement un complément, elles remplaceraient les ventes réalisées par l'intermédiaire des détaillants. Dorénavant, 85 % des ventes de South Shore sont conclues directement avec les particuliers, et 15 %, par l'entremise de détaillants.
En 2004, le commerce en ligne en était à ses balbutiements. L'entreprise a dû faire son propre apprentissage. «Même les consultants dans ce domaine étaient rares», se rappelle le président Jean Laflamme. Au départ, les dirigeants voyaient le site Internet comme un gros catalogue numérique. Ils ont vite compris que c'était beaucoup plus complexe que cela. Vendre sur Internet a changé beaucoup d'aspects dans la production.
South Shore a dû apprendre à fabriquer de petits lots, plutôt que des commandes volumineuses. Il faut aussi produire et livrer très rapidement aux domiciles des acheteurs. Quant à la livraison, elle est si complexe que l'entreprise a désormais un laboratoire accrédité par les principaux transporteurs afin de s'assurer que les emballages sont conformes à leurs exigences.
Elle a également développé un programme qui mise en partie sur les métadonnées pour anticiper les commandes futures de ses clients. Elle utilise un progiciel de gestion qui fournit des quantités imposantes d'information sur les tendances et qui facilite l'analyse des commandes enregistrées au cours de semaines équivalentes pendant l'année en cours ou les années précédentes. Ces données sont croisées, validées et analysées par les employés des ventes et de la planification de la production. À ces métadonnées s'ajoutent d'autres éléments dont il faut tenir compte, comme le lancement d'un nouveau produit dont la performance ne paraît pas encore dans les données portant sur les achats passés.
«La méthode est en constante amélioration, mais ce sont ces types de données qui nous permettent d'augmenter notre offre de produits et d'accélérer la sortie de nos inventaires de produits finis, dit M. Laflamme. Mieux comprendre l'utilisateur final est un aspect crucial pour nous, de même que le service après-vente et le développement de nouveaux produits».