Le huard vole vers une tempête parfaite. La devise canadienne a touché un creux de six mois face à sa contrepartie américaine vendredi, plombée par la faiblesse des matières premières, un déficit commercial inattendu et de solides données économiques américaines.
Vers 13 heures, la devise glissait de près de 0,9% à 88,81 cents américains. Selon Bloomberg, le huard a touché son plus bas face au dollar américain depuis le 21 mars dernier.
Plusieurs facteurs jouent en défaveur du huard, explique Mathieu D’Anjou, économiste principal au Mouvement Desjardins.
D’un, la balance commerciale du Canada a enregistré un déficit-surprise de 610 millions de dollars en août, tandis que les analystes attendaient un excédent de 1,6 milliard de dollars, a annoncé vendredi Statistique Canada. «On s’attendait à un certain ressac, mais les données ont été pires que prévu», explique l’économiste. Celui-ci nuance toutefois le résultat: lorsqu’on analyse en détail, on s’aperçoit que ce sont les exportations qui ont remonté et ainsi contribué au déficit, ce qui est moins inquiétant.
Un autre facteur qui plombe le huard est la faiblesse généralisée des matières premières, prépondérantes pour l’économie du pays. L’or a notamment effacé tous ses gains de l’année, plongeant sous les 1200$US pour la première fois en 2014.
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Comme les autres matières premières libellées dans la devise américaine, les cours du pétrole brut ont souffert du renforcement du dollar puisqu'ils en deviennent plus coûteux pour les acheteurs munis d'autres devises. Le Brent a glissé jusqu'à 91,48$US le baril, son plus bas niveau depuis le 28 juin 2012.
Dans un même temps, le dollar américain a continué de se renforcer après la publication des données sur l’emploi au sud de la frontière, observe M. D’Anjou.
Le taux de chômage aux États-Unis est tombé sous la barre des 6% pour la première fois depuis juillet 2008. La création de 248 000 emplois a relancé le débat sur une hausse plus rapide des taux d'intérêt. «Les très bonnes données de l’emploi aux États-Unis ont donné une nouvelle impulsion au dollar américain. Étant donné que l’économie américaine envoie des signes encourageants, on s’attend à ce que la Réserve fédérale resserre sa politique monétaire avant l’Europe et le Japon», explique l’économiste.
Prévisions à la baisse
Prévisions à la baisse
Au cours des dernières semaines, plusieurs économistes ont récemment ajusté leur prévision à l'égard du huard et voient la devise canadienne terminer l'année sous la barre des 90 cents américains. L’équipe d’économistes de Desjardins se montrait plus optimiste que plusieurs de leurs homologues.
«On voyait le huard finir l’année autour de 93 cents américains. Nous le voyons aujourd’hui terminer à 92 cents américains. Cela dit, la hausse du dollar américain n’ira pas en ligne droite», dit M. D’Anjou.
Craig Wright, économiste en chef de la Banque Royale, a indiqué à la mi-septembre qu’il voyait le huard finir l’année à 0,87$US et s’établir à 0,85$US en 2015.
Sal Guatieri, économiste en chef de BMO Marchés des capitaux, avait aussi prévu récemment que le dollar devrait poursuivre sa glissade pour atteindre 0,88$ cents US en 2015.
Le discours tenu par la Banque du Canada n’a pas contribué à apporter un appui à la devise. «Malgré de bonnes données publiées récemment [remontée de l’inflation, par exemple], les dirigeants de la Banque ont maintenu un ton prudent», note M. D’Anjou. Comme une première hausse des taux d’intérêt ne surviendra pas avant la deuxième moitié de 2015, les investisseurs favorisent la devise américaine.
Avec les données d'AFP