Qui n'a jamais pensé à la vente à découvert pour gonfler le rendement de son portefeuille lorsque les marchés baissent ? Le hic : la vente à découvert est interdite au sein du régime enregistré d'épargne-retraite (REER). Oui, mais des possibilités méconnues existent...
La vente à découvert consiste à emprunter à un courtier un titre qu'on ne possède pas pour le vendre. Si le prix baisse, vous pouvez racheter l'action meilleur marché et réaliser un gain en empochant la différence. En revanche, si le prix augmente, vous devez racheter le titre à un cours plus élevé et perdez ainsi de l'argent.
Cette stratégie permet de tirer profit d'un mouvement baissier des marchés, ce qui peut être associé à de la spéculation. Elle peut aussi être utilisée comme une assurance : les investisseurs peuvent protéger leurs positions acheteurs en les compensant par des positions vendeurs.
La vente à découvert revêt de multiples avantages, mais comporte son lot de risques. Cela justifie le fait que les autorités l'interdisent dans le REER.
«En théorie, un investisseur qui vend un titre à découvert s'expose à des pertes illimitées si le prix de l'action vendue monte, car il n'y a pas de limite à la hausse d'un titre», dit Martin Noël, président de Corporation financière Monétis et gestionnaire du site lesoptions.com.
Comme le cours ne peut baisser sous zéro, le potentiel de gain est limité. Vous pouvez donc perdre un montant supérieur à votre investissement, mais vous pouvez au mieux réaliser un gain de 100 % si l'entreprise met fin à ses activités, prévient le courtier en ligne Disnat.
La vente à découvert est prohibée dans le REER, mais deux solutions de rechange existent : l'achat d'options de vente et les fonds inversés.
1 Les options de vente (put)
Depuis le 27 février 2004, l'Agence du revenu du Canada reconnaît les options de vente sur actions, sur devises et sur indices comme des placements admissibles au REER.
Une option de vente donne à l'acheteur le droit - et non l'obligation - de vendre l'actif sous-jacent (une action, un indice, une devise, etc.) au vendeur de l'option au plus tard à la date d'échéance et à un prix déterminé.
Une option de vente joue donc exactement le même rôle que la vente à découvert. «Elle permet de spéculer sur la baisse d'un titre ou du marché, ou de couvrir les positions longues en portefeuille», explique M. Noël.
Un des principaux avantages des contrats d'options par rapport aux transactions menées sur le marché des actions est le puissant facteur d'amplification (effet de levier) qu'offrent les options lorsque l'investisseur prévoit correctement la fluctuation future des cours, note la Bourse de Montréal dans une fiche descriptive.
En effet, l'investissement dans une stratégie d'option ne correspond qu'à la prime payée, tandis que la vente à découvert nécessite le maintien d'une marge minimale dans votre compte. La différence dans les montants mis en jeu justifie une forte différence de rendement entre les deux stratégies.
Les acheteurs d'options de vente ont également l'avantage de ne courir que des risques limités par rapport à ceux qui achètent des actions. «La perte maximale que les acheteurs d'options de vente peuvent subir correspond au prix payé, et le gain maximal qu'ils peuvent réaliser correspond au prix d'exercice moins le coût de l'option», dit Martin Noël.
En payant la prime du contrat, l'acheteur d'options de vente se dégage de toute autre obligation financière, contrairement au vendeur à découvert d'actions.
Bien que l'achat d'options de vente soit permis, Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille affilié à la Banque Nationale, dit n'avoir jamais vu un investisseur en détenir pour protéger une position longue au sein du REER .
Dans une optique de couverture de positions longues, les investisseurs ont plutôt tendance à vendre des options d'achat, remarque-t-il. «Mettre en place une stratégie d'options d'achat couvertes [vente d'options d'achat et détention du titre sous-jacent] est similaire à une stratégie d'options de vente de protection [achat d'options de vente et détention du titre sous-jacent]», dit le gestionnaire.
Si un investisseur pense qu'un titre fera du surplace, voire baissera, et que ses prédictions se réalisent, alors l'option ne sera pas exercée et il encaissera les primes des options vendues. Il réduit ainsi sa perte sur sa position longue en portefeuille.
«Si on pense que le titre n'augmentera pas, pourquoi garder cette position en portefeuille ?» interroge M. Plante. De plus, les stratégies d'options d'achat couvertes sont souvent mises en place pour des titres peu volatils [dont le prix ne fluctue pas beaucoup]. Or, la valeur d'une option est établie en fonction de sa volatilité, souligne l'expert. Par conséquent, les primes encaissées ne seront que peu élevées.
2 Les FNB inversés
Un fonds négocié en Bourse (FNB) à rendement inverse vise à fournir quotidiennement le résultat inverse à celui de l'indice ou du cours d'une marchandise, explique Horizons Fonds négociés en Bourse, principal manufacturier de FNB inversés au pays, dans sa brochure «Pourquoi vendre à découvert ? Achetez inverse !». Ces fonds peuvent aussi être assortis d'un effet de levier décuplant les rendements. Par exemple, un effet de levier de 2 signifie que le rendement de votre fonds correspond au double de celui de l'indice ciblé, par exemple.
Admissibles au REER, les FNB inversés offrent la possibilité de mettre en place une stratégie reproduisant celle de la vente à découvert. «Ils procurent à l'investisseur qui veut se prémunir contre une baisse de cours (ou en tirer parti) les mêmes avantages qu'une vente à découvert, mais présentent deux avantages par rapport aux autres stratégies courtes : les pertes ne peuvent dépasser le montant investi à l'origine et le risque est limité à la valeur actuelle du placement», selon Horizons.
Raymond Kerzérho, président du comité d'investissement et directeur de la recherche de PWL Capital, qualifie ces produits de «FNB exotiques». Tout comme la vente à découvert ou l'achat d'options de vente, acheter un FNB inversé présente plusieurs risques, notamment ceux liés à l'effet de levier et à la réplication.
Cimon Plante donne en exemple un investisseur qui détient un FNB inversé avec un effet de levier de 2. «Supposons que nous avons investi 100 $ dans ce fonds. Les gens pensent que, si un indice perd 1 % en deux jours, leur fonds leur procurera un rendement de 2 % sur la même période. Mais ce n'est pas le cas.»
Un FNB inversé réplique l'inverse du rendement d'un indice pour une journée. Rien ne garantit que la réplication soit exacte si vous investissez au-delà d'une journée.
Par exemple, si l'indice monte de 10 % le premier jour, le FNB grimpera de 20 %, ce qui portera sa valeur à 120 $. Le deuxième jour, si l'indice baisse de 10 %, la variation de l'indice sur deux jours sera de - 1 %. Le fonds, lui, perdra au final 20 % de sa valeur, pour s'établir à 96 $, soit un recul de 4 % en deux jours.
«Avec un FNB inversé à effet de levier, il faut clôturer sa position tous les soirs et la rouvrir le lendemain matin», prévient M. Plante.
Si vous vendez et rachetez votre fonds tous les jours, cette activité sera assimilable à de la spéculation sur séance (day trading), pour l'Agence du revenu du Canada. Vous serez donc considéré comme exploitant d'une entreprise.
Pour investisseurs avertis
Ces stratégies sont à éviter dans le REER, croit François Têtu, vice-président et conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins. «Pour les FNB inversés, les graphiques montrent tous que les rendements suivent une courbe descendante. Ce n'est pas que le produit en soi est mauvais, mais c'est du court terme ! Quant aux options de vente dans une optique de protection, cela demande un suivi étroit .»
Les stratégies baissières sont donc plus appropriées hors du REER, estiment les experts. «Si ces stratégies sont mises en place hors REER, un investisseur peut utiliser une perte en capital pour diminuer un gain imposable. Ce qui est impossible dans le REER», note M. Plante.
Il faut garder à l'esprit qu'un REER est avant tout un outil de planification de la retraite. Comme le dit Warren Buffett : «À la Bourse, il y a deux règles fondamentales à respecter. La première est de ne pas perdre, la seconde est de ne jamais oublier la première.»