Point de vue. Nous sommes en récession depuis maintenant près de trois ans, malgré des taux d'intérêt à court terme frôlant le zéro et des programmes de stimulation économique, dont l'impression d'argent par les banques centrales d'Amérique du Nord, de l'Europe et du Japon. Le chômage ne recule pas et la reprise demeure lointaine.
Entre-temps, la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Australie et d'autres pays parviennent à tirer leur épingle du jeu ! Pourquoi en est-il ainsi ?
On peut bien sûr accuser le surendettement des consommateurs, particulièrement en Amérique du Nord et, jusqu'à récemment, aux États-Unis, la construction résidentielle tous azimuts et les prix gonflés. Au Canada, les prix demeurent très élevés, mais baissent maintenant progressivement.
Aux États-Unis, après avoir boudé l'épargne pendant des années, les consommateurs ont changé de direction. Le taux d'épargne avoisine actuellement 6 %. Au Canada, le surendettement et la faiblesse de l'épargne perdurent. La nécessité d'épargner et d'assainir les bilans financiers retarde la reprise. Mais il y a plus.
Tous les pays mentionnés, sauf l'Australie, se distinguent en fait par leur main-d'oeuvre bon marché. Le revenu annuel par habitant en Chine est de 4 800 $ et, en Inde, de la moitié de cette somme. En Amérique du Nord, il oscille autour de 45 000 $. La plupart des activités manufacturières à prédominance de main-d'oeuvre quittent donc des pays où les salaires sont élevés pour aller dans des pays émergents.
Conjuguée au transfert des activités vers l'Asie et les pays à main-d'oeuvre peu coûteuse, l'appréciation du dollar canadien, qui est passé de quelque 0,70 à 1 $ US, a contribué à la fermeture progressive des usines encore capables de rivaliser avec leurs pendants américains. L'imposition élevée et la boulimie des gouvernements, ainsi que les programmes encourageant l'accès à la propriété et l'achat de voitures, par exemple, ont également des effets néfastes.
Par ailleurs, le niveau de scolarité de plus en plus élevé des pays émergents, dont les étudiants fréquentent les meilleures universités de l'Occident, menace notre supériorité technique, également affaiblie par la perte des activités manufacturières. Lorsqu'elles le peuvent, même nos sociétés internationales transfèrent leurs activités vers les pays à main-d'oeuvre bon marché. L'Occident a réagi en tentant de déprécier les monnaies (le billet vert par rapport au huard, à l'euro et au yen), mais cette approche ne règle pas le problème de la main-d'oeuvre et n'éloigne pas la récession.
À moins de vouloir perdre notre niveau de vie, nous devons agir afin de neutraliser l'effet du déséquilibre salarial, en passant du libre-échange au libre-échange équitable. Selon moi, il s'agit de la seule façon d'éviter d'autres années de recul pour l'Occident.