Si la transaction avec Yamana Gold et Agnico Eagle est approuvée par les actionnaires, Sean Roosen et son équipe feront de la nouvelle Osisko une entreprise de redevances et de streaming - une activité qui a la cote en ces temps difficiles pour le secteur aurifère.
La future société, qui pourrait s'appeler Osisko Royalties, demeurerait dans le secteur aurifère, mais son terrain de jeu serait la planète entière, pas seulement le Québec.
«Les royautés [redevances] que nous tirerons de la mine Canadian Malartic nous donneront une bonne base pour bâtir une entreprise encore plus grande que celle que nous connaissons maintenant», a dit le combatif pdg d'Osisko lors d'une récente entrevue accordée à Les Affaires au siège social de la minière à Montréal.
En vertu de la transaction avec Yamana Gold et Agnico Eagle, Osisko Royalties recevra des redevances de 5 % sur toutes les onces d'or produites par la mine Canadian Malartic. Cela représente de 25 000 à 30 000 onces par année durant toute la durée de vie de la mine, calcule M. Roosen. À cela s'ajoutent des redevances de 2 % sur le reste du portfeuille d'exploration canadien actuel d'Osisko ; 100 % du projet mexicain Gerrerro, plus des liquidités de 155 millions de dollars. Selon l'évaluation actuelle, la nouvelle Osisko vaut environ 575 M$ et bénéficiera de revenus annuels d'au moins 30 M$. Des flux de trésorerie «solides et réguliers», fait valoir M. Roosen.
Grâce à cet argent, Osisko Royalties pourra acquérir des droits de redevances appartenant à des minières en quête de financement ou encore acheter des parts de production de métaux de sociétés en train de développer une mine et qui ont, elles aussi, besoin de financement. C'est ce qu'on appelle le streaming.
Osisko Royalties ressemblerait donc, en plus petit, à Franco-Nevada (qui tire 70 % de ses revenus annuels de redevances minières et 30 % du streaming), Silver Wheaton ou Royal Gold, les stars actuelles de cette stratégie financière. Ces sociétés ont connu un bon parcours boursier ces dernières années : elles ont profité de la hausse du cours des métaux précieux sans pâtir de la croissance des coûts de production. Leurs structures sont légères : leurs coûts de fonctionnement sont limités à une équipe de géologues et quelques financiers. Elles disposent de portefeuilles diversifiés géographiquement et d'une bonne encaisse. Leur principal risque se situe au chapitre des revenus, en cas de baisse des volumes de production.
Mais le nombre de sociétés du genre augmente sans cesse. Osisko Royalties aura donc de la concurrence. Au Québec, Mines Virginia fait dans le même modèle. Cette dernière est toutefois avant tout une société d'exploration, dotée d'une forte équipe d'explorateurs, tandis que la force de l'équipe de Osisko Royalties résidera dans son expertise financière.
Les mines dans le sang
En entrevue, Sean Roosen montre qu'il n'est pas du genre à se laisser abattre par le fait qu'il vient de perdre le contrôle d'un joyau de 4 milliards de dollars. «Je joue avec les cartes que j'ai reçues», philosophe cet homme qui a commencé sa carrière comme mineur, voilà 33 ans, à l'âge de 17 ans. Et en bon entrepreneur, il se retrousse les manches pour bâtir la future Osisko Royalties, qu'il entend diriger avec la même équipe, formée de Bryan Coates, son expert en finances, et de John Burzynski, son géologue. Luc Lessard, lui, assurera la transition à la direction.
En attendant, Sean Roosen doit vendre la transaction avec Agnico Eagle et Yamana Gold aux investisseurs. «Cela se passe plutôt bien», raconte-t-il. Cette offre, dit-il, est assez simple : les actionnaires reçoivent de l'argent comptant et des actions de trois sociétés : la nouvelle Osisko, qui recevra des redevances, et deux autres sociétés, Agnico Eagle et Yamana Gold, «dont les titres sont assez liquides», estime-t-il. L'entente, répète-t-il, est «ce qui pouvait arriver de mieux dans les circonstances».
À ce sujet, Sean Roosen ne se prive pas de dénoncer l'environnement réglementaire canadien, «qui favorise les prédateurs et décourage les sociétés en croissance. Je n'ai pas toute la solution à ce problème, mais il faut en revoir les règles, notamment celles entourant l'évaluation d'une offre d'achat qui est à mon avis trop courte».
«Comment se fait-il qu'aux États-Unis, le royaume du capitalisme, les conseils d'administration puissent jouer un rôle plus visionnaire pour protéger les intérêts à long terme de leurs entreprises ? Il est naturel pour une entreprise de recevoir des offres d'achat non sollicitées, mais il devrait être possible pour les actionnaires de voir grandir celles dans lesquelles ils ont cru.»
La fin de la saga ?
La vente d'Osisko à Yamana Gold et à Agnico Eagle a été élaborée à la suite d'une tentative de prise de contrôle non sollicitée d'Osisko par le géant minier Goldcorp, de Vancouver, le 13 janvier. C'est la troisième proposition soumise aux actionnaires. En fait, Goldcorp aura fait pas moins de cinq tentatives pour prendre le contrôle d'Osisko.
Sommes-nous à la fin de cette saga ? «Je ne sais pas», répond Sean Roosen en s'esclaffant. Et si Goldcorp tentait maintenant d'acheter Agnico Eagle, comme le suggérait un analyste indépendant il y a quelques jours ? «Si cela arrive, j'offrirai mes services comme consultant à Sean Boyd [le pdg d'Agnico Eagle]», répond-il du tac au tac.
+ 47 % - Plus-value obtenue par Osisko, par rapport à l'offre non sollicitée originale de l'aurifère Goldcorp, de Vancouver, si on exclut la hausse de 8 % des titres de son industrie pendant la surenchère.
La nouvelle Osisko c'est...
- Une redevance minière nette de 5 % de la mine Canadian Malartic
- Une encaisse de 155 M$
- De futures redevances des propriétés Kirkland, Hammond, Pandora et Odyssey
- D'autres propriétés dans la zone aurifère Guerrero, au Mexique