La Floride attire plus de 800 000 Québécois par année. Mais du nombre, peu partent vraiment préparés. Quoi faire pour éviter de devoir payer de l'impôt à l'Oncle Sam, pour éliminer les frais de tout genre sur vos cartes de crédit ou pour acheter la maison de vos rêves ? Afin de vous assurer d'un séjour sans tracas, voici cinq conseils avant de partir.
1 Vos jours sont comptés, comptez-les aussi
Il en est question depuis des années. Mais depuis le 30 juin dernier, les autorités canadiennes et américaines partagent les informations sur les entrées et sorties des citoyens sur leurs territoires respectifs.
Ainsi, plus que jamais auparavant, les Québécois désireux de séjourner une longue période en Floride devraient veiller à y rester un nombre de jours inférieur à la limite permise, en particulier s'ils espèrent échapper aux griffes du fisc américain.
L'Internal Revenue Code autorise les snowbirds à demeurer aux États-Unis jusqu'à 182 jours (six mois) par période de trois ans. Cette période de 182 jours doit être calculée ainsi : le nombre total de jours passés sur le territoire américain dans l'année courante (à titre d'exemple, hiver 2015), le tiers des jours passés aux États-Unis l'année précédente (2014) et le sixième de chaque jour de présence aux États-Unis l'avant-dernière année (2013). Si, au terme de ce calcul, vous obtenez une somme de plus de 182 jours, vous serez réputés américains sur le plan fiscal et devrez soumettre une déclaration de revenus à l'oncle Sam.
Pour éviter tout tracas, Marie-Claude Lebel, présidente et chef de la direction de NatBank, la filiale américaine de la Banque Nationale en Floride, recommande aux Québécois de tenir un registre détaillé de leurs allées et venues en terres américaines et de produire, au-delà du 122e jour, le formulaire 8840 («Closer Connection Exception Statement for Aliens») de l'Internal Revenue Service (IRS, agence fédérale des États-Unis responsable de la gestion et de l'inspection des obligations fiscales). Cela devrait vous permettre de prouver que vos liens sont plus forts avec le Canada qu'avec les États-Unis.
Après le 182e jour, les choses se compliquent passablement. L'avocat Shlomi Levy, du cabinet Altro Levy, recommande le formulaire 8833 («Treaty-Based Return Position Disclosure Under Section 6614 or 7701 (b)»), lequel peut au moins permettre d'éviter la double imposition - sur un même revenu - aux Canadiens qui seront demeurés trop longtemps au chaud.
Mais le plus simple reste sans doute de vous munir d'un calendrier. Comme vos jours sous le soleil sont maintenant mieux comptés par les autorités, vous avez tout avantage à les compter aussi.
2 À Rome, comme les Romains
Les grands voyageurs, habitués aux séjours de courte durée, n'y pensent pas toujours. Mais avant de vous installer pour une longue période en Floride, même seulement comme vacancier, il peut être judicieux de vous ouvrir un compte bancaire aux États-Unis et de vous munir d'une carte de débit et de crédit de la même institution financière.
«Ce n'est probablement pas nécessaire si vous comptez n'y séjourner que deux ou trois semaines. Mais au-delà d'un mois ou deux, l'effort en vaut probablement la peine», affirme Marie-Claude Lebel.
En plus de vous permettre de faire des chèques en dollars américains, comme les locateurs de résidences aux États-Unis l'exigent souvent, cette démarche vous permettra, poursuit-elle, d'économiser beaucoup en frais de retrait, de conversion et de transaction en tout genre, au guichet bancaire comme à l'épicerie.
Les clients de la Banque Nationale (Natbank) et de Desjardins (Desjardins Bank), par exemple, peuvent faire l'ensemble de ces démarches du Québec avant de partir, ce qui leur évitera tracas et délais une fois la frontière passée.
3 Au cas où... la préqualification
Vous n'êtes pas encore certain de vouloir acheter une résidence en Floride. Mais vous ne fermez pas la porte à cet objectif non plus. «Tout dépendra en fait des occasions qui se présenteront», vous dites-vous, soucieux de ne pas vous mettre trop de pression.
Très bien. Encore faut-il pouvoir profiter de l'occasion si la maison de vos rêves s'offre à vous comme sur un plateau d'argent, prévient Sylvie Gagné, directrice du développement des affaires de Desjardins Bank, filiale du Mouvement Desjardins.
De fait, «sans attestation de preuve de fonds ou de capacité de produire un chèque pour le dépôt "de bonne foi", comme le veut la pratique d'une banque américaine, vous courez le risque de voir la maison vous filer entre les doigts», dit Mme Gagné. Entre un acheteur américain, prêt à procéder rapidement, et un Canadien mal préparé, n'offrant aucune garantie, la plupart des vendeurs préféreront vendre au premier.
En conséquence, la spécialiste conseille à ses clients de prendre soin de se soumettre aux procédures de qualification à la banque et de se munir des lettres de preuve de fonds nécessaires en anglais avant même de quitter le Québec pour la Floride. Rien bien sûr ne vous obligera à acheter. Mais si l'offre inespérée se présentait, vous seriez au moins prêt à en profiter.
4 Actifs importants : un mandat, ça presse !
Même si le pire peut survenir, le risque qu'il se produise vraiment augmente avec le temps. Ainsi, plus vous passerez de temps à l'extérieur du Québec, plus il vous sera nécessaire de vous y préparer. En Floride, les testaments signés au Québec ont force de loi. Mais il en va tout autrement des procurations générales ou des mandats en cas d'inaptitude que possèdent souvent au Québec les conjoints prévoyants.
Avant un long séjour en Floride, Marie-Claude Lebel, présidente et chef de la direction de Natbank, conseille toujours aux Québécois de se munir de documents importants comme une procuration générale ou un mandat en cas d'inaptitude qui respectent les normes américaines. De tels documents pourraient changer les choses lorsque vos proches doivent prendre rapidement des décisions à votre place, en cas de coma par exemple.
«Moins vos actifs sont importants, moins cette démarche est nécessaire. Mais à partir du moment où vous êtes propriétaire d'une résidence en Floride, c'est un must», estime Mme Gagné, de Desjardins Bank. En particulier si vous n'êtes pas marié, puisque les États-Unis ne reconnaissent pas les conjoints de fait.
Des cabinets d'avocats américains (les notaires n'existent pas en Floride) ou canadiens, spécialisés en droit transfrontalier, sauront vous aider. Peu importe le professionnel choisi, Me Shlomi Levy conseille de s'assurer que ces documents préparés pour la Floride ne viendront pas plus tard révoquer ou invalider les autres procurations ou mandats signés précédemment au Québec.
5 S'assurer, un geste essentiel
C'est d'une telle évidence qu'il serait illusoire d'insister grandement sur l'importance de se munir d'une assurance capable de couvrir vos frais médicaux si un accident de santé se produisait pendant votre séjour en Floride.
Sauf exception, il est vrai que les Québécois restent couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) jusqu'à une limite d'absence du pays de 182 jours par année. Par contre, dans la plupart des situations, les services de santé reçus pendant cette période ne seront remboursés qu'en partie seulement.
Ainsi, la RAMQ ne vous remboursera que 16 $ des quelque 75 $ que pourrait vous coûter une simple visite chez un médecin omnipraticien en Floride. De même, sur une facture évaluée à 26 000 $ pour une hospitalisation de trois jours en Floride à la suite d'une crise cardiaque, la RAMQ ne remboursera que 735 $, laissant la différence de 25 265 $ à la seule charge du patient.
Pour éviter un tel cauchemar, capable de miner en quelques semaines les économies de toute une vie, tous les conseillers recommandent l'achat d'une bonne protection d'assurance médicale. Différents produits sont conçus à l'intention particulière des snowbirds. Desjardins vient de lancer par exemple une nouvelle assurance voyage annuelle qui ne requiert de fournir qu'un questionnaire médical tous les quatre ans.
À ceux qui comptent quitter plus de 182 jours dans une même année civile et souhaitent s'assurer de continuer à être couverts à leur retour, la Régie conseille de l'en informer avant leur départ au moyen d'un formulaire («Départ temporaire du Québec») prévu à cette fin. La RAMQ vous confirmera par lettre, s'il y a lieu, le maintien de votre droit au régime d'assurance maladie du Québec.
Révolu, le temps des aubaines
L'époque où il était possible de dénicher en Floride des copropriétés de deux chambres valant 200 000 $ US pour la modique somme de 50 000 $ US est terminée.
«Le marché a bel et bien repris depuis deux ans. Le prix des habitations augmente de 10 % à 22 % par année», soutient Sylvie Barrette, agente immobilière chez Century 21 sur le territoire de la Gold Coast depuis 14 ans.
L'indice du prix des maisons de l'agence Federal Housing Finance Agency pour la région de la Floride a remonté de 20 % depuis deux ans (voir notre graphique).
Les augmentations sont plus élevées pour les propriétés situées aux abords de la mer. Malgré cette hausse, Mme Barrette soutient que les prix restent respectables. Les Québécois peuvent encore trouver des propriétés dotées de deux chambres à partir de 150 000 $ US à distance raisonnable de la plage, soit une quinzaine de minutes.
En fait, ajoute-t-elle, il est encore possible de trouver une copropriété avec deux chambres pour environ 60 000 $ US à 100 000 $ US. «Mais à ce prix, les copropriétés se trouvent à 45 minutes de l'océan Atlantique», dit l'agente immobilière.
Elles sont situées pour la plupart dans des communautés très restrictives. Nos seulement sont-elles réservées aux personnes de 55 ans et plus, mais la location des habitations y est interdite.
En outre, ces habitations se trouvent généralement loin des terrains de golf. «Bref, ce n'est pas du tout le genre de produit qu'apprécie la clientèle québécoise», soulève l'agente immobilière qui sera présente au Salon Québec Floride présenté à la Place Bonaventure, du 19 au 21 septembre.
Malgré les prix à la hausse et le repli du dollar canadien par rapport à la devise américaine, le marché immobilier de la Floride continue de susciter l'intérêt des Québécois. «Et encore plus à l'approche du temps froid», dit Mme Barrette.
Des occasions pour les rénovateurs
Pour sa part, Mélanie Kimpton, agente immobilière chez Douglas Elliman Real Estate, est d'avis qu'il y a toujours de bonnes aubaines, notamment dans le secteur de Fort Lauderdale. Pourvu que vous soyez un investisseur apte à mener des travaux de rénovation.
«Plus de la moitié du parc immobilier résidentiel de Fort Lauderdale a été construit dans les années 1950 et 1960. Plusieurs demeures vendues entre 300 000 $ US et 500 000 $ US ont besoin d'amour. Un peu comme cela a été le cas des propriétés sur le Plateau-Mont-Royal dans les années 2000 à Montréal», souligne Mme Kimpton qui sera, elle aussi, de passage au Salon Québec Floride. Avant de s'établir à Fort Lauderdale il y a deux ans, elle travaillait justement dans ce secteur de Montréal.
«Les investisseurs entrepreneurs en construction peuvent aisément réaliser, ici, une plus-value d'au moins 20 % à 30 % sur leur investissement en moins de six mois», soutient l'agente Kimpton. Elle donne en exemple une résidence récemment achetée à 325 000 $ US. Après des rénovations de 125 000 $ US, la demeure inscrite à 625 000 $ US est en voie d'être vendue. Un produit qui intéresse les Américains en quête d'une maison clés en main.