Depuis la mi-2011, le dollar canadien est particulièrement volatil comparativement à la devise américaine. Après un sommet de 1,06 dollar américain atteint en juillet dernier, il est descendu sous les 94 cents américains en octobre, pour tutoyer la parité (1,01 dollar américain) à la toute fin de février. La question est maintenant de savoir si sa récente appréciation va se poursuivre, ou non. La réponse de Desjardins : non, le huard devrait bientôt se replier…
De fait, la parité actuelle ne serait que le fruit d’une «fausse embellie», «les probabilités d’une dépréciation du dollar canadien restant élevées à court terme», d’après une note d’Hendrix Vachon, économiste sénior, de Desjardins Études économiques.
Une illusion, alors? «Ce rebond semble avoir été stimulé par une nouvelle baisse des tensions en zone euro parallèlement aux interventions accrues de la Banque centrale européenne. Étant donné que le principal enjeu en zone euro dans les trimestres à venir reste la mise en place de réformes structurelles pour redresser durablement les finances publiques, il est probable que les tensions financières vont remonter», explique la note. Et d’ajouter : «L’humeur des investisseurs pourrait également être mise à rude épreuve, si les statistiques économiques commençaient à moins dépasser les attentes».
Ce n’est pas tout! «Rien n’indique non plus que les banques centrales étrangères puissent rapidement réaccélérer l’accumulation de réserves en devises. De telles réserves sont souvent constituées lorsque les entrées de capitaux menacent de créer de la surchauffe économique ou de déstabiliser les taux de change. Or, la faiblesse prévue de l’économie mondiale ne sera pas propice au retour d’importantes entrées de capitaux vers les pays qui ont l’habitude d’engranger des réserves. Il serait également étonnant de voir le solde du compte courant canadien s’améliorer rapidement, faute d’une demande étrangère soutenue.»
Résultat? «La prévisible dépréciation à venir ne devrait toutefois pas être majeure, à moins d’une forte accentuation des tensions financières et des inquiétudes économiques. Le huard pourrait donc encore donner l’illusion qu’il plafonne près de la parité avec le billet vert», indique M. Vachon.
Explications économétriques
Entrons un peu dans les détails pour mieux saisir les mécanismes économiques qui sont ici en jeu. Comme le souligne la note de Desjardins, lorsqu’on analyse l’évolution quotidienne du taux de change canadien en fonction de ses principaux déterminants à l’aide d’outils économétriques, on constate que leur influence sur la devise varie dans le temps. Un exemple : la corrélation entre le dollar canadien et les prix du pétrole. Celle-ci a diminué récemment. Un premier décalage est survenu au début de 2011, lors du Printemps arabe, puis un second avec la hausse des tensions politiques entre l’Occident et l’Iran. «Le dollar canadien serait donc moins réactif aux mouvements des prix du pétrole lorsque ceux-ci sont expliqués par des facteurs affectant l’offre», indique M. Vachon.
Idem, la sensibilité aux taux d’intérêt serait très variable dans le temps. Quand on regarde de près les mouvements journaliers de la Bourse américaine, et en particulier ceux de l’aversion au risque des investisseurs, on découvre que la sensibilité aux taux d’intérêt s’est, elle, accrue. «L’évolution récente du taux de change canadien aurait donc été moins guidée par les prix du pétrole, mais davantage par l’écart de taux d’intérêt avec les Etats-Unis», poursuit l’économiste.
Enfin, la théorie économique suggère que lorsque le solde commercial d’un pays s’améliore au point de dégager un surplus, le taux de change doit progressivement s’apprécier pour ramener l’équilibre. Même si le solde canadien du commerce de marchandises s’est amélioré en seconde moitié de 2011, cet argument n’est pas suffisant pour justifier une appréciation du dollar canadien, selon Desjardins Études économiques.
En fait, il faut regarder l’ensemble des transactions commerciales réalisées avec le reste du monde, dont le portrait global est donné par le solde du compte courant. Celui-ci inclut non seulement le solde du commerce de marchandises, mais aussi ceux des échanges de services et des revenus d’investissement. «À cet égard, le portrait reste négatif pour le dollar canadien, car le solde du compte courant est largement déficitaire et ne montre pas de réel signe d’amélioration», est-il affirmée dans la note.
Pour toutes ces raisons, Desjardins considère que l’évolution du huard par rapport au billet vert pourrait être la suivante durant les prochains trimestres : 1,02 au deuxième trimestre (T2) de 2012 ; 1,00 au T3 ; 1,00 au T4 ; 0,99 au T1 de 2013 ; 0,98 au T2 ; 0,98 au T3 ; et 0,97 au T4.