Même s'il fait aujourd'hui face à toute une commande, difficile de présumer de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas pour David Baazov.
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Derrière la poker face de David Baazov
L'ascension de David Baazov au sommet de l'industrie mondiale des jeux de hasard en ligne est un véritable conte de fées moderne. Lorsque son père, Joseph Baazov, arrive à Montréal, il n'a absolument rien. Juif orthodoxe d'origine géorgienne, il s'était établi en Israël, où David est né, avant d'arriver à Montréal. Il parvient néanmoins à envoyer ses enfants dans une école privée juive à Montréal. David Baazov, surdoué, s'y ennuie.
Lorsque, à l'âge de 16 ans, David Baazov décide qu'il perd son temps au Collège Dawson, son paternel l'expulse de la maison familiale, après quoi le jeune homme doit se débrouiller dans la rue, a dévoilé le magazine Forbes. Débrouillard, David Baazov réussit après quelques semaines à louer un appartement grâce au permis de conduire d'un de ses frères.
À l'époque, deux de ses frères sont déjà dans le domaine des affaires. La légalité de leurs activités est toutefois douteuse. Ceux-ci sont en effet impliqué dans différentes entreprises ayant fait l'objet de procédures entamées par la Saskatchewan Securities Commission et la Federal Trade Commission aux États-Unis, pour des affaires de fraudes téléphoniques au milieu des années 1990. Alors que les entreprises devaient vendre des services informatiques, Incentive International, notamment, aurait arnaqué des personnes âgées en leur faisant croire qu'elles avaient gagné un prix et qu'elles devaient payer des frais pour en prendre possession.
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Rien n'indique que David Baazov marche dans leurs traces lorsque, en 1997, il cofonde sa première entreprise avec Benjamin Ahdoot, aujourd'hui responsable du développement des affaires internationales d'Amaya. Initialement baptisée Escomptes-Pak, l'entreprise fait dans la vente de coupons rabais, mais les deux associés se réorientent ensuite vers la vente d'ordinateurs et renomment leur entreprise Vortek Systèmes.
La vente d'ordinateurs lui sourit durant quelques années, mais la perte d'un important contrat aux mains d'un concurrent le pousse à se remettre en question. Constatant que la vente de matériel informatique était un cul-de-sac, David Baazov se lance dans la fabrication de tables de poker électronique en 2004. Désormais, le jeune homme offrirait à ses clients - désormais des casinos et des bateaux de croisière - autant les ordinateurs que les logiciels roulant sur ceux-ci.
La croissance de l'entreprise, toutefois, provient des acquisitions réalisées par Amaya. Direct, David Baazov a pour modus operandi de multiplier les démarches auprès de cibles potentielles de toutes sortes, mais de ne pas s'éterniser dans les discussions. «Nous avions eu des discussions sur ce que nous pourrions faire tous les deux, mais j'ai fini par vendre à une autre entreprise», relate Stephen A. Crystal qui, lorsque Baazov a pris contact avec lui en 2007, était pdg de TableMax. Si les discussions avec Stephen A. Crystal n'ont pas abouti, Baazov a toutefois réussi à gonfler la croissance d'Amaya grâce à pas moins de six acquisitions, dont l'ampleur grandissait d'une fois à l'autre.
«David Baazov a de la vision ; ceux qui croisent son chemin ont le choix entre se joindre à lui ou le voir se rendre là où il veut aller sans eux», lance Neil Johnson qui, en 2012, a aidé David Baazov à réaliser l'acquisition de Cryptologic pour 35,8 M$ US. Celui qui était alors banquier pour Canaccord Genuity s'en souvient comme d'une transaction complexe, qui aurait très bien pu déraper. «C'était une société inscrite à trois Bourses différentes, la transaction devait se faire entièrement en espèces, et lorsque l'offre a été annoncée, il y avait un important actionnaire qui ne nous appuyait pas et qui aurait pu surenchérir. Malgré tout, David croyait dur comme fer qu'il allait gagner.»
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Quelques semaines plus tard, David Baazov prenait l'avion pour aller rencontrer l'actionnaire récalcitrant en personne. L'actionnaire, jusqu'alors hésitant, s'est rangé derrière l'offre de Baazov et, quelque mois plus tard, la transaction était conclue. Avec l'acquisition de Chartwell en 2011, cette transaction transformait Amaya, alors surtout connue pour ses tables de jeu électroniques et sa solution de loterie par messages textes adoptée par des gouvernements africains, en une société de jeux en ligne. Les deux transactions n'étaient rien par rapport à celles qui s'en venaient.
En 2012, l'acquisition de l'américaine Cadillac Jack ancre fermement l'entreprise dans le créneau manufacturier. Aujourd'hui toutefois, Amaya cherche à se départir de Cadillac Jack. «Il est brillant et extrêmement opportuniste, soutient Neil Linsdell, d'Industrielle Alliance, un des premiers analystes à couvrir le titre d'Amaya. [...] Il voit des occasions qui avaient échappé à tout le monde.»
Le grand coup
Même si David Baazov vient à peine de boucler une transaction majeure, son appétit n'a pas diminué. En 2013, il veut prendre une bouchée d'une taille inédite, approchant cette fois le géant Rational Group qui, contrairement aux précédentes cibles d'Amaya, était une machine à imprimer de l'argent. Ses propriétaires, Isai Scheinberg et son fils Mark, ne le prennent pas au sérieux.
David Baazov, toutefois, ne cesse de les relancer. Lorsque le régulateur du New Jersey rejette l'application de Rational Group pour une licence en raison de l'association d'Isai Scheinberg à l'entreprise, le ton des propriétaires change. Cependant, le problème du financement de la transaction, au terme de laquelle la grenouille Amaya a avalé le boeuf Rational Group, demeure entier. Avec l'appui du fonds d'investissement Blackstone, David Baazov réussit à financer la transaction grâce à une émission d'actions de 2 G$ et des emprunts bancaires de 2,9 G$. Le niveau de risque assumé par les acteurs institutionnels est inédit dans le créneau des jeux de hasard en ligne. «David Baazov est dans la ligue majeure pour ce qui est de faire un montage financier complexe, soutient l'avocat Morden Lazarus. Il est une étoile pour les fonds d'investissement américains, car il a livré la marchandise dans le passé.» Même s'il fait aujourd'hui face à toute une commande, difficile de présumer de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas pour David Baazov.
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