La hausse anticipée des taux d'intérêt aura inévitablement des répercussions sur les titres à revenu fixe et les actions versant un généreux dividende. Des experts proposent sept placements pour stimuler le rendement de votre REER.
La grande majorité des économistes et des analystes croient que les taux d'intérêt continueront d'augmenter en 2014. Au plancher depuis la crise de 2008, les taux sont dans un «processus de normalisation», estime Michel Doucet, vice-président, Groupe conseil en portefeuille de Desjardins marché des capitaux. «Cela devrait durer de 12 à 18 mois, explique en entrevue le gestionnaire de portefeuille et économiste. On pourrait revenir aux niveaux d'avant la crise de 2008, soit plus de 4 % pour les obligations américaines de 10 ans.»
Sylvain Ratelle, vice-président et stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, pense lui aussi que les taux poursuivront leur remontée cette année. Le rendement exceptionnel des Bourses américaines en 2013 annonce une embellie économique propice à un tel scénario. «Le marché boursier est dans l'anticipation, dit-il. Quand le cours des actions monte, l'économie suit généralement. Les taux d'intérêt pourraient même progresser plus rapidement que ne le prévoient les investisseurs.»
S'il y a consensus quant à la direction, prédire le rythme est moins évident. En 2013, le taux des obligations 10 ans du gouvernement américain, le titre le plus souvent utilisé comme baromètre du marché obligataire, est passé de 1,7 % à 3 %. La majeure partie de cette progression a été faite en deux mois seulement, soit en mai et en juin. «La hausse, ce n'est pas grave si elle se fait lentement, nuance M. Ratelle. Le risque est davantage lié à la vitesse du changement qu'au changement en soi.»
Obligations : favorisez le court terme
La valeur des portefeuilles de titres à revenu fixe risque de s'éroder, tandis que les nouvelles émissions verseront de plus généreux intérêts. La valeur des obligations fluctue dans le sens inverse des taux d'intérêt. Autrement dit, les obligations se déprécient lorsque les taux montent, et vice versa.
Dans ce contexte, tous les experts interrogés par Les Affaires favorisent les obligations à court terme (cinq ans et moins), peu importe l'émetteur. Notons que plus l'échéance d'une obligation est rapprochée, moins elle est sensible aux variations des taux d'intérêt.
Autre recommandation qui fait l'unanimité : nos intervenants suggèrent d'adopter la stratégie de la «roulette». Selon ce principe, vous répartissez également vos achats entre des titres de 1 an, 2 ans, 3 ans, 4 ans et 5 ans. Vous les gardez jusqu'à l'échéance. Lorsque l'obligation de 1 an expire, vous en achetez une de 5 ans. Ainsi, vos titres «roulent» et vous maintenez toujours des obligations à échéances diversifiées.
D'ailleurs, les deux fonds négociés en Bourse de revenu fixe présentés dans le texte de la page i-3 (ci-contre) adoptent cette stratégie. «L'idée, c'est de profiter graduellement de la hausse des taux d'intérêt en renouvelant régulièrement ses obligations échues par des titres qui procurent un meilleur rendement», résume M. Ratelle.
Dans ce contexte, les obligations municipales représentent une avenue prudente qui offre un meilleur rendement, note M. Doucet. «Depuis la crise de 2008-2009, l'écart entre le rendement des obligations municipales et celui des obligations du Québec est intéressant», explique le portefeuilliste.
Du côté des obligations de sociétés, Jacques Maurice, administrateur et conseiller principal en gestion de patrimoine chez ScotiaMcLeod, aime les débentures convertibles en actions. Ces titres d'emprunt versent des intérêts supérieurs à la dette des gouvernements. De plus, comme le titre est convertible, la valeur de la débenture peut s'apprécier davantage si celle de l'action augmente. «Faites attention à la qualité des débentures que vous choisissez, car les émetteurs sont souvent de petites entreprises, prévient le conseiller. Les grandes sociétés y font peu appel, puisque cela dilue leur capital. Il faut donc être à l'aise avec l'entreprise qu'on choisit.»
Les fonds de placement immobiliers seront désavantagés
Les actions de dividende, pour leur part, risquent de perdre de leur lustre si les titres d'emprunt versent des intérêts plus alléchants. Pour cette raison, Steve Belisle, analyste chez Investissements Standard Life, considère que les fonds de placement immobiliers, les services publics, les exploitants de pipelines et les sociétés de télécommunications sont plus à risque de souffrir d'une hausse des taux d'intérêt.
Renato Anzovino, vice-président et gestionnaire de portefeuille de la Société de gestion Heward, mise sur le potentiel de croissance du dividende plutôt que sur le rendement de la distribution au moment de l'achat. «Ainsi, bénéfices et dividendes augmenteront, contrairement aux sociétés matures qui ont un bénéfice stable.»
Les fonds de placement immobiliers sont particulièrement désavantagés, affirme M. Belisle. Reconnues pour leur généreuse distribution, ces sociétés ont un rythme de croissance faible. De plus, il leur coûtera plus cher pour se financer si elles empruntent à des taux plus élevés.
Par contre, les financières seront avantagées par la montée des taux d'intérêt, dit Steve Belisle. Les assureurs en profiteront plus rapidement que les banques. Ses assureurs favoris sont l'Industrielle Alliance (Tor., IAG) et Manuvie (Tor., MFC). «Ce sera plus long pour les banques, car elles renouvelleront graduellement leur portefeuille de prêts hypothécaires», estime-t-il.
La crainte que les ménages canadiens lourdement endettés soient incapables d'absorber une hausse des taux hypothécaires représente une ombre pour le système bancaire canadien. «Je ne suis pas inquiet de la qualité du crédit, répond M. Belisle. Ce qui me préoccupe davantage, c'est la diminution de la croissance du portefeuille de prêts.»
Ce ralentissement amène l'analyste à préférer les banques qui ont des activités à l'étranger ou qui développent d'autres secteurs, comme la gestion de patrimoine. Les institutions financières favorites de M. Belisle sont la Banque TD (Tor., TD) et la Banque Scotia (Tor., BNS).
FONDS ISHARES DE L'INDICE ARISTOCRATES DE DIVIDENDES CANADIENS (TOR., CDZ)
Deux de nos intervenants recommandent ce Fonds négocié en Bourse (FNB), qui reproduit l'indice Aristocrates de dividendes canadiens S&P/TSX. Pour être comprises dans l'indice, les sociétés ayant une capitalisation boursière supérieure à 350 millions de dollars doivent avoir augmenté leur versement annuel durant au moins quatre des cinq dernières années.
«Ce qui est intéressant avec ce fond, c'est qu'on peut mettre la main sur des sociétés qui sont dans les premières années d'une plus longue période d'augmentation, explique Stéphane Martineau, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Marché des capitaux. Le rendement du dividende des sociétés qui le composent n'est pas nécessairement le plus élevé, mais il s'agit généralement d'entreprises qui ont le potentiel d'augmenter leur dividende régulièrement.»
Les entreprises ayant ce profil mènent généralement des activités stables, ajoute Sylvain Ratelle, vice-président et stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. En retournant de l'argent à leurs actionnaires, les membres du conseil d'administration expriment leur confiance à l'égard du potentiel de croissance de l'entreprise.
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LES «CHIENS» DU DIVIDENDE
Pour dénicher des dividendes à l'étranger, Stéphane Martineau, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Marché des capitaux, propose deux FNB qui ont un concept semblable dans deux régions différentes. Le premier, ALPS International Sector Dividend Dogs (NY, IDOG), investit dans les marchés des pays développés. Le second, ALPS SDOG (NY, SDOG), est composé de sociétés américaines.
Les deux fonds s'inspirent de la théorie des «Dogs of the Dow», qui suggère d'investir dans les titres du Dow Jones offrant le meilleur rendement du dividende. Les deux fonds détiennent 50 actions chacun. Ils sont équipondérés, c'est-à-dire que tous les secteurs d'activité ont un poids égal. Tous les secteurs contiennent cinq titres qui représentent chacun 2 % de l'actif sous gestion. Cette répartition donne l'avantage de ne pas se trouver trop concentré dans les secteurs qui versent traditionnellement de plus généreux dividendes.
«Mon favori est l'IDOG, car les marchés des pays développés s'échangent à un ratio cours/bénéfice plus modeste», dit le vice-président de l'équipe Leblanc Martineau St-Hilaire chez Desjardins Marché des capitaux. Selon la prévision moyenne de Bloomberg, le S&P 500 se négocie à 15,24 fois les bénéfices de 2014, par rapport à 13,86 pour l'indice des pays développés (hors Canada et États-Unis) MSCI EAFE.
OBLIGATIONS CONVERTIBLES DE COMINAR
Pour aller chercher des revenus plus élevés du côté des titres à revenu fixe, les obligations de sociétés convertibles en actions sont une avenue intéressante, surtout dans les comptes non imposables, dit Jacques Maurice, administrateur et conseiller principal en gestion de patrimoine, ScotiaMcLeod. Parmi les titres sur le marché, il trouve que les débentures convertibles de série E de Cominar sont attrayantes.
Le coupon de 100 $ de débenture a été émis en janvier 2010 à un taux annuel de 5,75 %. Il arrive à échéance en juin 2017. Sur le marché, le coupon s'échange à 104 $ au moment d'écrire ses lignes. Après des gains de 4 %, le rendement de la distribution est de 5,5 %. Chaque coupon de 100 $ d'obligation donne un droit de conversion en quatre parts, soit un prix de 25 $ par action. L'action de Cominar (Tor., CUF.UN) se négocie à 18,55 $.
«C'est une possibilité double d'avancer, explique Jacques Maurice. L'investisseur a la certitude d'obtenir son capital à la clôture de l'obligation, mais il peut aussi aller chercher une plus-value.»
D'ici à l'échéance, l'investisseur a trois possibilités. Il peut laisser échoir son obligation, la vendre avant l'échéance et obtenir un gain en capital, ou la convertir en actions de Cominar.
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TRANSFORCE (TOR., TFI)
L'expansion du commerce de détail en ligne représente une avenue de croissance pour l'action et le dividende de TransForce, croit Renato Anzovino, vice-président et gestionnaire de portefeuille de la Société de gestion Heward. L'action du courriériste et transporteur montréalais donne un rendement du dividende de 2,4 %.
M. Anzovino aime la division de livraisons de colis qui profite de l'augmentation des envois à domicile consécutifs au commerce en ligne. «C'est une tendance forte. Par exemple, Amazon a récemment commencé à vendre de la nourriture à ses clients.»
La division des services spécialisés est moins rentable, note le gestionnaire de portefeuille. Il s'attend à ce que la direction s'en départisse pour réinvestir dans des activités plus rentables.
FONDS INDICIEL ISHARES D'OBLIGATIONS DE SOCIÉTÉS 1-5 ANS (TOR., CBO)
Ce fonds négocié en Bourse respecte deux recommandations de Sylvain Ratelle, vice-président et stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. D'abord, il investit dans les obligations à court terme, moins sensibles aux variations des taux d'intérêt. Ensuite, il ne détient que des titres de dettes d'entreprises, que M. Ratelle recommande de surpondérer par rapport aux obligations gouvernementales.
Le fonds achète les titres inscrits au sous-indice DEX des obligations à court terme d'entreprises de 1 à 5 ans. L'échéance moyenne pondérée est de 2,79 ans. «Avec la hausse, l'argent obtenu des obligations arrivées à échéance sera réinvesti à des taux plus élevés», explique-t-il.
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UN FNB D'ACTIONS PRIVILÉGIÉES
Pour les actions privilégiées, Stéphane Martineau, de Desjardins Marchés des capitaux, investit dans le FNB BMO échelonné actions privilégiées S&P/TSX (Tor., ZPR). Le fonds est également réparti (équipondéré) entre des titres dont l'échéance est de 1 à 5 ans. «On est donc bien diversifié sur la roulette des échéances.» Le rendement du dividende a été de 4,93 % au cours des 12 derniers mois. Il comprend des titres d'emprunt comme ceux de la Banque de Montréal, Enbridge et Fairfax.
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CANADIAN ENERGY SERVICES (TOR., CEU)
En plus d'offrir un rendement du dividende de 3,5 %, l'action de Canadian Energy Services (CES) pourrait progresser de 50 % au cours des 12 à 18 prochains mois, grâce à son fort potentiel de croissance aux États-Unis, croit Steve Belisle, analyste chez Investissements Standard Life.
L'entreprise, qui conçoit des procédés chimiques et techniques pour l'exploitation des puits de pétrole, a peu de concurrence, selon l'analyste. «Puisque ce secteur n'est pas une priorité pour les grandes sociétés pétrolières diversifiées, CES réussit à gagner facilement des parts de marché, ajoute-t-il. Son équipe est très forte en R-D.»
Au début de 2013, l'entreprise a acquis la firme Mega Fluids Mid-Continent, d'Oklahoma. Elle est ainsi en bonne posture pour gagner des parts de marché chez nos voisins du Sud comme elle l'a fait au Canada. «Un gain de seulement un point de pourcentage en part de marché générerait beaucoup de croissance, puisque la société est encore très petite aux États-Unis, explique l'analyste. De plus, nous croyons qu'elle peut aller en chercher davantage.»