Bien qu'elles aient publié il y a à peine deux semaines de bons résultats trimestriels, supérieurs pour la plupart aux attentes des analystes, les banques canadiennes suscitent peu d'enthousiasme auprès des investisseurs.
En effet, seule la Banque Nationale (Tor., NA, 53,01 $) s'est vraiment démarquée à la suite de l'annonce de ses résultats, le titre gagnant plus de 6 %. Les titres des autres banques se sont appréciés de 1 % à 2 %, sauf celui de la Banque de Montréal, qui a perdu environ 3 %.
Pourquoi cette appréciation plutôt limitée du cours des actions ? Cela tient surtout à la provenance des bénéfices, répondent les gestionnaires consultés par Les Affaires.
Les prêts aux particuliers, le secteur le plus important des activités des banques canadiennes, ont augmenté de 3 % à 4 % par rapport au même trimestre de l'année précédente, tandis que les prêts aux entreprises ont bondi de 6 % à 8 %, relate Claude Boulos, gestionnaire de portefeuille et associé chez Selexia. Sans être mauvais, ces résultats n'ont rien d'exceptionnels. Ce sont les résultats des secteurs de la gestion de patrimoine et des opérations sur les marchés financiers qui ont propulsé les bénéfices, grâce à des augmentations qui ont varié de 15 % à 30 %, selon les banques.
Ces secteurs pourront-ils répéter de telles performances ? Certains gestionnaires en doutent. Étant surtout constituée de revenus d'honoraires, la croissance des bénéfices en gestion de patrimoine est tributaire de l'augmentation des actifs sous gestion, mais aussi de la valeur de ces actifs, explique Denis Durand, associé chez Jarislowsky Fraser. «Pas surprenant que ces revenus augmentent de 20 % ou 30 %, car cela reflète la hausse des marchés boursiers au cours de la dernière année, dit-il. Ces performances se répéteront-elles ?»
Quant aux activités sur les marchés financiers, les deux ou trois derniers trimestres ont apporté beaucoup d'eau au moulin pour les banques, là encore grâce à la bonne tenue des Bourses. «Nous avons assisté à un grand nombre de nouvelles émissions d'actions et d'obligations par les sociétés et les gouvernements, ainsi que de nombreuses transactions de fusions et acquisitions», note M. Durand.
Chez RBC Marchés des Capitaux, l'enthousiasme à l'égard des titres bancaires diminue parce que ceux-ci se sont beaucoup appréciés. «Depuis le début de l'année, les cours des actions des banques ont augmenté plus rapidement que les prévisions de bénéfices», explique Darko Mihelic, analyste de RBC.
La médiane du ratio cours/bénéfice mesuré en fonction des bénéfices de la prochaine année est de 11,9 fois, comparativement à 10,3 fois il y a à peine 8 mois, estime-t-il. Cela rend les titres de banques moins intéressants, d'autant que les hausses de prévisions des bénéfices proviennent principalement du secteur des marchés financiers, toujours à la merci d'un renversement possible de tendance des Bourses, estime l'analyste de RBC.
Avantage aux assureurs
Parce que les cours actuels reflètent bien la performance des principaux facteurs de croissance des banques, la firme de gestion Selexia tend à les sous-pondérer dans ses portefeuilles, explique Claude Boulos.
Mais c'est aussi parce qu'il existe présentement de meilleures solutions de rechange dans le secteur financier canadien, soit les sociétés d'assurance et les firmes de gestion de patrimoine, selon l'expert.
Les investisseurs peuvent privilégier les assureurs pour deux raisons, ajoute Denis Durand. D'abord, parce que leur évaluation boursière est plus basse que celle des banques. Ensuite, parce qu'ils profiteront de la hausse des taux d'intérêt qui devrait s'amorcer en 2015.
Les banques resteront tout de même un bon investissement. «À moins d'un sérieux revirement de l'économie, elles devraient offrir aux investisseurs le rendement annuel à long terme du marché boursier, soit de 8 % à 10 %, y compris les dividendes d'environ 4 %», dit Claude Boulos.
La Nationale victime de son succès
En raison de la récente poussée du cours de l'action de la Banque Nationale, certains analystes se montrent maintenant plus prudents pour les prochains trimestres. C'est le cas de Kevin Choquette, analyste chez Credit Suisse, qui réduit sa recommandation à «sous-performance» pour l'institution québécoise.
Depuis le 21 août, soit juste avant la publication des résultats trimestriels, l'action de la Banque Nationale s'est appréciée de 7 %, soit 6 % de plus que l'ensemble des autres banques. Depuis le début de l'année, elle a gagné 21 % par rapport à 16 % pour le groupe des institutions financières.
La Banque Nationale étant plus petite et plus régionale que les cinq autres grandes banques canadiennes, son titre s'est toujours négocié au rabais comparativement au groupe. Mais cet escompte est maintenant à son plus bas, estime Kevin Choquette. Son ratio cours/bénéfice est présentement égal à 94 % de celui du groupe, tandis que la médiane historique est de 86 %. «Comme la banque n'a atteint une telle évaluation que 5 fois au cours des 10 dernières années, nous croyons que le titre se butera à une certaine résistance au cours actuel», dit-il.
Par ailleurs, grâce à des acquisitions dans l'ouest du pays dans le secteur de la gestion de patrimoine, la banque québécoise est plus diversifiée sur le plan géographique, note Denis Durand. «C'est elle qui montre la plus forte croissance de toutes les banques dans ce secteur, ce qui justifie de moins en moins un escompte sur le prix de l'action.»