C'est l'homme à imiter. Warren Buffett a inspiré des générations d'investisseurs qui veulent s'enrichir en achetant de solides sociétés prospères à long terme. Alors que se tient ce week-end la grand-messe des actionnaires de Berkshire Hathaway, voici les choix de quatre gestionnaires de portefeuille qui tentent de suivre les traces de l'oracle d'Omaha.
Stéphane Préfontaine
Stéphane Préfontaine, président de Préfontaine Capital, tente d'imiter la stratégie de Warren Buffett en achetant lorsque les gens «ont peur» et en vendant lorsque les investisseurs font preuve d'excès d'optimisme. Par prudence, il tente de conserver une marge de sécurité afin de se protéger contre les imprévus.
Dans cet ordre d'idée, le gestionnaire de portefeuille trouve que l'heure est propice à la patience. Même si on lui a demandé de nous parler d'actions qu'il avait sur son écran radar, il rappelle que l'encaisse peut parfois être une option attrayante. «La valeur des principaux actifs, que ce soit les obligations, les actions ou l'immobilier, est gonflée artificiellement par une impression massive d'argent par les principales banques centrales, explique-t-il. Il s'agit d'une expérimentation monétaire d'une envergure telle qu'il n'y a pas de précédent dans l'histoire. On ne peut pas exclure un scénario d'effets secondaires graves et subits. Je ne dis pas que c'est certain, mais on ne peut pas dire que ça n'arrivera pas.»
Le gestionnaire croit ainsi que le moment est bien choisi pour surpondérer l'encaisse d'un portefeuille. «Le temps est bon pour étudier, analyser, accumuler des connaissances et élargir son cercle de compétences», ajoute-t-il.
Il note que la Bourse subit une correction en moyenne tous les trois à quatre ans. Depuis 1930, la Bourse de New York a reculé de plus de 20 % à 26 reprises. Une baisse de cette ampleur n'a pas été vue depuis la crise financière de 2008, bien qu'on en soit passé près avec un recul de 18 % en 2011.
Fastenal
Même si M. Préfontaine surpondère l'encaisse, il trouve encore des occasions dans le marché, dont Fastenal (Nasdaq, FAST, 41,79 $ US), un distributeur de pièces industrielles et de constructions non résidentielles. La société possède 2 700 magasins, 14 centres de distribution et 48 500 machines distributrices sur les lieux de production de ses clients. «Sa force réside dans un service à la clientèle supérieur, une connaissance pointue de ses marchés et un réseau de distribution très efficace», explique-t-il.
Le gestionnaire estime que le bénéfice comptable de l'entreprise et ses flux de trésorerie progresseront de près de 10 % annuellement. Le titre devrait ainsi s'apprécier à un rythme comparable. Ce à quoi s'ajoute un rendement de dividende de 2,5 %.
Scott Davis, de Barclay's, trouve pour sa part qu'à 22 fois les bénéfices de 2015, le titre est cher. «La société devra enregistrer de forts revenus et marges pour justifier cette évaluation», dit l'analyste qui prévoit que l'année sera plus difficile, ce qui limitera le potentiel de gains.
M. Préfontaine reconnaît que le titre de la société de Winona au Minnesota «n'est pas une aubaine», mais il juge qu'il «s'échange à un niveau acceptable». Le titre, qui fait du surplace depuis trois ans, est déjà bien moins cher que ne l'était son ratio cours/bénéfice, ayant passé de 32 à 22 fois au cours de cette période. «Le marché se demande comment Fastenal composera avec la concurrence d'Amazon, poursuit le gestionnaire. Cependant, son expertise dans son créneau fait en sorte que la société se démarquera bien de la concurrence. D'ailleurs, en raison de sa bonne réputation, elle peut maintenant vendre ses marques de distributeur à des marges plus élevées.»
L'opinion des analystes est partagée sur l'attrait du titre. Des 15 qui le suivent, ils sont 6 à en recommander l'achat, 8 à suggérer de le conserver et un seul à recommander la vente.
Fastenal (Nasdaq, FAST)
+ 84 % Croissance du bénéfice par action¹
+ 65 % Croissance des revenus¹
François Rochon
Comme Warren Buffett, François Rochon, président de Giverny Capital, cherche des entreprises aux fondements solides qui ont un avantage concurrentiel durable. Il profite des difficultés «temporaires» de trois entreprises pour acheter leurs actions à un bon prix.
Precision Castparts
Les difficultés des produits de Precision Castparts (NY, PCP, 205,16 $ US) dans l'industrie gazière offrent une occasion d'acheter son titre à un bon prix, selon le président de Giverny Capital.
La société de Portland, en Oregon, fabrique des pièces mécaniques pour le secteur aérospatial ainsi que pour des turbines industrielles au gaz. Il y a trois ans, la société a acheté les activités de pièces d'aérostructures et de composants industriels de la longueuilloise Héroux-Devtek pour 300 millions de dollars. «La société est bien gérée et domine son marché, commente le gestionnaire de portefeuille. La direction utilise judicieusement ses capitaux, fait de bonnes acquisitions et maintient ses coûts bas.
Le consensus des analystes est également réparti entre les optimistes et les prudents. Des 24 qui suivent le titre, 12 en recommandent l'achat et 12 suggèrent de le conserver. Robert Spingarn, de Credit Suisse, fait partie de la moitié des analystes qui conseillent de conserver le titre. Il émet un cours cible de 202 $ US. Pour l'instant, M. Spingarn n'est pas en mesure de dire si la prime sur le titre est justifiée, étant donné les difficultés de l'entreprise. Il attendra la publication des résultats en mai pour voir si Precision Castparts mérite une meilleure évaluation. Le titre s'échange à 16,2 fois le bénéfice prévu de 2015.
Union Pacific
La pression «temporaire» sur les revenus d'Union Pacific (NY, UNP, 108,12 $) ouvre la porte aux actionnaires pour acheter le titre à 19 fois les bénéfices de 2015. «La force d'Union Pacific, c'est sa situation de quasi-monopole, commente M. Rochon. Cela lui donne la capacité d'augmenter ses prix.»
Mis à part la Burlington Northern and Santa Fe Railway (BNSF), le transporteur ferroviaire d'Omaha (la ville de M. Buffett) a peu de concurrents dans l'Ouest américain, affirme-t-il. D'ailleurs, Warren Buffett lui-même s'intéresse à l'industrie, puisqu'il a acheté le BNSF pour 26,5 milliards de dollars américains en novembre dernier.
La très grande majorité des analystes partagent cet enthousiasme. Ils sont 24 à émettre une recommandation d'achat sur Union Pacific, comparativement à 7 qui suggèrent de conserver le titre.
LKQ
La société de recyclage de pièces automobiles LKQ (Nasdaq., LKQ, 25,58 $ US) est plombée par l'appréciation du dollar américain qui dévalue ses revenus générés en Europe et par la baisse du prix de la ferraille.
À 18,5 fois les bénéfices de 2015, M. Rochon estime que le titre de l'entreprise de Chicago est «attrayant». «La société nous a habitués à une croissance annuelle de 20 à 25 %. Elle ne devrait faire que 12 % cette année ; c'est correct.»
La très grande majorité des analystes partagent l'avis de M. Rochon. Ils sont 11 à émettre une recommandation d'achat, par rapport à seulement 2 recommandations «conserver» et une «vendre».
Precision Castparts (NY, PCP)
+ 85 % Croissance du bénéfice par action
+ 75 % Croissance des revenus
Union Pacific (NY, UNP)
+ 108 % Croissance du bénéfice par action
+ 41 % Croissance des revenus
LKQ (Nasdaq, LKQ)
+ 121 % Croissance du bénéfice par action
+ 173 % Croissance des revenus
Alain Robitaille
L'une des façons de s'inspirer du style de Warren Buffett est de chercher des entreprises qui ont un avantage concurrentiel et vendent des produits et services «essentiels à l'humain», suggère Alain Robitaille, gestionnaire de portefeuille du Groupe Robitaille, chez Desjardins Marché des capitaux.
John Deere
Le constructeur de tracteurs de ferme John Deere (NY, DE, 88,49 $ US) fait partie des entreprises dont les produits sont «essentiels à l'humain». Dans son industrie, John Deere domine son secteur et parvient même à vendre ses produits plus chers que les concurrents, constate M. Robitaille, qui compare l'attrait de la marque à celle de Harley-Davidson pour les adeptes de motos. Le titre se négocie à 16,5 fois les prévisions de bénéfices de 2015.
Joel Tiss, de BMO Marchés des capitaux, reconnaît que la société de Moline, en Illinois, est très bien gérée, même dans les moments difficiles. Le contexte est cependant défavorable pour le secteur agricole, et cette faiblesse pourrait se poursuivre jusqu'en 2016, prévient-il.
M. Tiss fait partie des 11 analystes qui recommandent de conserver le titre. Ils sont sept à émettre une recommandation d'achat et sept autres à en suggérer la vente.
M. Robitaille, pour sa part, se range du côté des optimistes et se concentre sur les perspectives à long terme. «Je ne sais pas si les tracteurs rouleront au carburant ou à l'énergie solaire dans 10 ans, mais on en aura besoin pour effectuer les tâches agricoles, c'est certain», ajoute le gestionnaire de portefeuille de l'Abitibi.
Warren Buffett fait d'ailleurs le même pari. La firme Berkshire Hathaway a acheté une participation de 17,1 millions d'actions au cours du quatrième trimestre 2014. La firme Cascade, de Bill Gates, est également actionnaire. Leur présence est rassurante pour les petits actionnaires, selon M. Robitaille.
AutoNation
Le concessionnaire de voitures AutoNation (NY, AN, 65,05 $ US) se démarque de ses concurrents en offrant les modèles des différents constructeurs, affirme M. Robitaille. Cela lui permet de ne pas souffrir si un modèle est plus populaire qu'un autre.
Le gestionnaire de portefeuille constate que la société de Fort Lauderdale, en Floride, a racheté «énormément d'actions» au fil des ans. «Elle est très disciplinée avec ses capitaux lorsqu'elle achète de nouvelles concessions. Sinon, elle rachète des actions.»
La très grande majorité des analystes restent cependant sur les lignes de côté. Des 14 qui suivent le titre, 11 émettent une recommandation «conserver», tandis qu'un seul en suggère l'achat et deux en recommandent la vente.
Jarden
L'acquéreur de marques Jarden (NY, JAH, 53,21 $ US), de Boca Raton en Floride, est une entreprise qui reproduit en quelque sorte la philosophie de Warren Buffett, constate M. Robitaille. «Lorsqu'elle fait des acquisitions, elle garde la direction en place, un peu comme le fait M. Buffett, explique-t-il. Ses cibles d'achat sont toujours complémentaires à ce qu'elle fait. Elle n'effectue pas de diversification à outrance.»
Le portefeuille de marques de Jarden contient notamment les fabricants d'articles de plein air Coleman et de petits électroménagers Oster. «Les marques qu'elle détient occupent souvent la première ou la deuxième place de leur créneau», constate M. Robitaille.
M. Robitaille aime le fait que la société soit capable de croître à un rythme régulier. «En 1993, elle avait des revenus de 200 M$ US ; ceux-ci atteignent maintenant 8 G$ US. Elle génère beaucoup de liquidités qu'elle utilise très bien.»
À l'inverse d'AutoNation, les analystes sont très majoritairement dans le camp des acheteurs, même si le titre se négocie à 19 fois les bénéfices de 2015. Sur 18, ils sont 16 à en recommander l'achat.
John Deere (NY, DE)
+ 86 % Croissance du bénéfice par action
+ 29 % Croissance des revenus
AutoNation (NY, AN)
+ 124 % Croissance du bénéfice par action
53 % Croissance des revenus
Jarden (NY, JAH)
109 % Croissance du bénéfice par action
38 % Croissance des revenus
Barry Schwartz
L'un des grands enseignements de Warren Buffett est d'essayer de trouver des entreprises dont les activités seront toujours pertinentes dans plusieurs années, pointe Barry Schwartz, vice-président, Baskin Financial Services. Le gestionnaire de portefeuille torontois choisit trois titres qui résisteront bien aux modes.
Goldman Sachs
Goldman Sachs (NY, GS, 199 $ US) fait partie des sociétés immortelles, selon lui. «Si elle a survécu à la crise financière de 2008, je crois qu'elle peut résister à tout», avance M. Schwartz. «C'est une entreprise qu'on ne peut pas copier, ajoute-t-il. Vous pourriez ouvrir 200 cafés demain si vous trouvez quelqu'un d'assez fou pour vous prêter le capital. Par contre, tout l'argent du monde ne vous permettra jamais d'acheter l'expertise de cette banque d'investissement américaine.»
Si vous êtes dans le camp des optimistes en ce qui concerne l'économie américaine, Goldman Sachs est susceptible de profiter de l'embellie chez nos voisins du Sud, ajoute le gestionnaire de portefeuille. À 10,5 fois les bénéfices de 2015, le titre est peu cher, d'autant plus que la société génère de «solides» flux de trésorerie lui permettant de retourner de l'argent à ses actionnaires.
La majorité des 32 analystes restent cependant sur les lignes de côté. Ils sont 9 à émettre une recommandation d'achat, 20 à suggérer de conserver le titre et 3 préfèrent s'en départir.
Saputo
Barry Schwartz aime Saputo (Tor., SAP, 53,21 $). «La famille Saputo est fortement engagée à créer de la valeur pour les actionnaires. L'entreprise familiale est la première dans les marchés qu'elle occupe, note-t-il. Elle utilise judicieusement son capital lorsqu'elle procède à des acquisitions. Elle a régulièrement augmenté son dividende.»
Le titre est cependant coûteux, ce qui fait hésiter bien des analystes qui reconnaissent la force de l'entreprise montréalaise. Le titre de Saputo s'échange à 23 fois les prévisions de bénéfices pour 2015. «Avec son multiple à un sommet historique, les perspectives ne justifieraient pas un rebond du titre», commente Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD. Il émet une recommandation «conserver» et propose une cible de 36 $.
«Le titre s'est toujours échangé à prime, mais ça vaut le prix, défend M. Schwartz. Les gens vont continuer à consommer des produits laitiers dans 10 ans, et je crois que Saputo deviendra un acteur international encore plus important.»
Visa
Avec l'expansion du commerce en ligne, Visa (NY, V, 68,13 $ US) est promise à un bel avenir. Barry Schwartz anticipe que le marché de l'émetteur de cartes de crédit pourrait doubler d'ici 10 ans. Le paiement électronique a un potentiel de croissance au détriment de l'argent comptant. L'avantage du modèle d'entreprise est que ce sont les banques qui prennent le risque de crédit. Visa ne fait que percevoir une redevance sur les transactions, rappelle le gestionnaire de portefeuille.
Les bénéfices de l'entreprise de San Francisco ont aussi l'avantage d'être corrélés avec l'inflation. «Lorsque les prix s'élèvent, les montants perçus en redevances suivent la même trajectoire», explique M. Schwartz.
À 25 fois les bénéfices de 2015, le titre est coûteux. Cela n'empêche pas la majorité des analystes d'émettre une recommandation d'achat. Des 42 analystes interrogés par Bloomberg, 32 émettent une recommandation d'achat, par rapport à 10 qui suggèrent de le conserver.
Goldman Sachs (NY, GS)
+ 28 % Croissance du bénéfice par action
- 12 % Croissance des revenus
Saputo (Tor., SAP)
+ 56 % Croissance du bénéfice par action
+ 59 % Croissance des revenus
Visa (NY, V)
+ 132 % Croissance du bénéfice par action
+ 57 % Croissance des revenus
¹ La croissance du bénéfice par action et des revenus de tous les titres présentés a été calculée sur une période de cinq ans. Source : Bloomberg