En raison des taux d'intérêt faméliques des dernières années, plusieurs investisseurs se sont tournés vers des titres à dividendes pour obtenir un meilleur rendement de leurs investissements. Au moment où les Bourses atteignent des sommets et à l'aube d'une hausse des taux d'intérêt, y a-t-il encore des actions qui offrent une plus-value permettant de contrer cette hausse projetée ? Les Affaires a demandé à quatre gestionnaires de portefeuille de partager leurs choix de titres canadiens à dividendes, tous secteurs confondus.
Les choix d'Alexandre Legault, v.-p. et gestionnaire de portefeuille chez Allard Allard et Associés
Banque Toronto-Dominion (Tor., TD, 55,70 $)
Des six grandes banques canadiennes, c'est le titre de la TD qui semble le plus prometteur aux yeux d'Alexandre Legault, d'Allard Allard et Associés. «L'action de la TD se négocie légèrement en dessous de sa moyenne historique des bénéfices prévus. Ce n'est pas cher compte tenu de la hausse des marchés», explique-t-il. Le vice-président et gestionnaire de portefeuille aime aussi la diversification des revenus de la banque d'un point de vue géographique. «Les deux tiers des revenus proviennent du Canada et le reste, des États-Unis. La TD est bien positionnée pour profiter de la reprise au sud de la frontière.» Les revenus d'intérêt représentent près de 60 % des revenus totaux de la deuxième institution financière en importance du Canada. M. Legault y voit un incitatif supplémentaire d'acquisition du titre dans le contexte d'une éventuelle hausse des taux. «Les dépôts ont crû beaucoup au cours des dernières années. Les banques paient peu sur ces dépôts. Si, par exemple, les hypothèques ou les obligations cinq ans augmentent, les banques vont se trouver à emprunter pas cher et à prêter beaucoup plus cher. Donc, leurs marges d'intérêt augmenteront et, conséquemment, leurs bénéfices aussi», résume-t-il. Il rappelle par ailleurs que le dividende de la TD a connu une belle croissance d'environ 11 % par année depuis le début des années 2000. «C'est une banque qui hausse régulièrement ses dividendes.» L'action de la Banque TD offre en ce moment un rendement de 3,6 %.
Val. bours. : 103,05 G$ | Dividende : 2,04 $
Financière Manuvie (Tor., MFC, 21,96 $)
Pour son second choix, le gestionnaire reste dans le secteur financier, mais se tourne vers le secteur de l'assurance avec la Financière Manuvie. Il trouve particulièrement encourageante la forte croissance de l'actif sous gestion de l'entreprise torontoise. Celui-ci est passé de 599 à 691 milliards de dollars en une année, soit une augmentation de plus de 15 %. Il constate que l'équipe de direction a été capable d'attirer l'actif de nouveaux épargnants, mais surtout celui des fonds de retraite à cotisations déterminées, pour lesquels elle a bâti des plateformes de gestion. «Plus d'actifs, c'est très bon, car cela représente un levier extraordinaire. Une fois que la structure est en place, gérer un dollar de plus ne représente pas un gros coût marginal. C'est un plus pour la profitabilité de l'entreprise», dit-il. Le gestionnaire voit aussi comme une bonne nouvelle une future hausse des taux d'intérêt. «Quand les taux d'intérêt baissent, le passif d'une société d'assurance grossit. À l'inverse, quand les taux d'intérêt augmentent, le passif diminue. Un dollar de demain vaut soudainement beaucoup moins qu'un dollar d'aujourd'hui, ce qui est fort positif dans leur modèle d'entreprise.» M. Legault aime également comment se répartissent les revenus de l'assureur sur le plan géographique entre l'Asie (30 %), les États-Unis (42 %) et le Canada (28 %). Il juge le titre sous-évalué en Bourse, compte tenu de la moyenne historique de son cours/bénéfice de plus ou moins 15, soit passablement plus élevé que son présent ratio à environ 12. «Le dividende de Manuvie a connu une croissance du dividende de 8 % en moyenne par année depuis 2000, et ce, malgré une baisse en 2008, lors de la crise. Si les résultats sont au rendez-vous, je ne serais pas surpris qu'il y ait une hausse prochaine du dividende.» À son cours actuel de négociation, l'action offre un rendement de 2,9 %.
Val. bours. : 43,26 G$ | Dividende : 0,62 $
Les choix de Keith Farrant, gestionnaire de portefeuille et analyste chez Claret
AG Growth International (Tor., AFN, 52,29 $)
Cette société de Winnipeg est un leader dans la production d'équipements agricoles. Elle est notamment présente dans la machinerie portable et stationnaire pour le convoyage et l'entreposage de grains. Elle compte des installations au Canada, aux États-Unis et en Europe. Pour justifier son choix, Keith Farrant mentionne d'abord la qualité de l'équipe de gestion, qui est aux commandes de l'entreprise depuis ses débuts en 1996. La moitié du chiffre d'affaires provient des États-Unis, et le reste, du Canada et de l'étranger. En 2013, les ventes à l'international représentaient 23% des ventes totales de l'entreprise, par rapport à 5% en 2007. Ce segment de marché est encore appelé à se développer, ce qui stimulera la croissance d'AG Growth International, estime M. Farrant. «Elle s'installe actuellement au Brésil, un des cinq pays les plus populeux de la planète, où le marché de l'équipement agricole est quasi inexistant.» Selon le gestionnaire, cette croissance anticipée devrait permettre de soutenir le dividende actuel et de l'accroître de façon progressive. «Le titre, sans être une aubaine, est à un bon prix d'entrée. Et il s'accompagne d'un dividende qui offre un rendement intéressant de 4,6 %.»
Val. bours. : 689,65 M$ | Dividende : 2,40 $
Supremex (Tor., SXP, 4,40 $)
Le gestionnaire de portefeuille chez Claret suggère également le titre à petite capitalisation de Supremex, un manufacturier montréalais et distributeur d'enveloppes génériques et personnalisées. «C'est le plus grand joueur dans ce domaine au Canada et le troisième en Amérique du Nord», explique Keith Farrant. Il convient qu'une partie du modèle d'entreprise de Supremex provient d'un secteur d'activité plutôt mature et en légère décroissance - un rythme de déclin qu'il établit à 3 % par année. Qu'à cela ne tienne, le gestionnaire aime les perspectives de croissance qu'offre leur nouveau secteur d'activité lié au commerce électronique. «Je suis persuadé que leur offre dans ce créneau va venir pallier la baisse du chiffre d'affaires de leurs activités traditionnelles. L'entreprise est bien positionnée aux États-Unis pour développer ce secteur d'activité en forte croissance.» Le bilan financier de la société lui plaît aussi. Elle a réduit de moitié sa dette au cours des deux dernières années tout en annonçant des hausses successives du dividende. «J'aime la marge de manoeuvre dont elle dispose, à la fois pour augmenter le dividende, faire de petites acquisitions et réduire sa dette, qu'elle pourrait même éliminer dès l'an prochain», résume M. Farrant. À son cours actuel, le titre offre un rendement de 4,5 %.
Val. bours. : 126,50 M$ | Dividende : 0,20 $
Les choix de Carl Bayard, gestionnaire de portefeuille chez Hexavest
Rogers Communications (Tor., RCI.B, 43,10 $)
L'approche d'Hexavest en est grande partie anticonformiste, aux dires d'un de ses gestionnaires de portefeuille, Carl Bayard. Ce style de gestion consiste à privilégier des titres de valeur qui sont sous-évalués pour profiter d'un éventuel rebond du cours. Elle s'applique aussi aux secteurs d'activité dévalués. Ses recommandations suivent donc la même logique. L'un des choix de Carl Bayard s'est porté sur Rogers Communications. Le titre du câblodistributeur et géant médiatique ontarien a traîné la patte cette année. Les rumeurs autour de l'arrivée d'un quatrième acteur national dans le secteur des télécommunications ont peut-être contribué à alimenter ces fluctuations, selon M. Bayard. Il trouve ces appréhensions exagérées. «En matière d'abonnés à un service sans fil, Rogers demeure le plus important joueur. Si l'industrie du cellulaire ne connaît pas les poussées de croissance d'antan, elle a tout de même de bonnes années devant elle», mentionne-t-il. Des trois grandes entreprises de télécommunications au Canada, Rogers est celle qui a connu dans les derniers mois la plus grande défaveur de la part des investisseurs. Le gestionnaire de portefeuille ne serait pas étonné de voir Rogers renverser la vapeur par rapport à ses concurrents, Telus et BCE. À son cours actuel, il pense qu'il s'agit là d'une occasion d'achat intéressante. Le titre offre actuellement un rendement du dividende de 4,4 %.
Val. bours. : 17,34 G$ | Dividende : 1,92 $
Transcontinental (Tor., TCL.A, 18,58 $)
Comme autre choix, le gestionnaire de portefeuille se tourne vers le propriétaire du journal Les Affaires, Transcontinental. Il se dit impressionné par l'équipe de direction qui a bien navigué face aux vents contraires d'une économie qui a fait la vie dure à des secteurs d'activité comme l'impression et l'édition de journaux. «Il faut penser, par exemple, qu'un Quebecor World a complètement disparu en 2008, alors que Transcontinental a su bien tirer son épingle du jeu.» Carl Bayard souligne aussi la capacité de l'entreprise à se réinventer. «Elle a fait l'achat d'un fournisseur d'emballages [Capri Packaging] aux États-Unis. Ça va les positionner dans un créneau d'activité d'où, à mon avis, proviendront les futures acquisitions.» Le gestionnaire de portefeuille mentionne également le bilan financier de l'entreprise comme un incitatif. «Leurs résultats démontrent bien que, malgré de grands défis structurels de leur industrie, ils réussissent à générer de bons flux de trésorerie.» Même si le titre a déjà bien performé cette année, Carl Bayard estime qu'il recèle encore une plus-value. «L'entreprise vient de hausser le dividende de 6 %.» Le titre offre un rendement du dividende de 3,6 %.
Val. bours. : 1,18 G$ | Dividende : 0,68 $
Les choix de Ryan Crowther, gestionnaire de portefeuille chez Placements Franklin Templeton
Fonds de revenu Enbridge (Endbridge Income Fund Holdinds) (Tor., ENF, 38,87 $)
Ryan Crowther est l'un des deux gestionnaires du Fonds canadien de dividendes Franklin Bissett. Leur fonds détient le titre d'Enbridge sous deux formes : l'entreprise d'origine et le Fonds de revenu, dans lequel, de façon directe ou indirecte, Enbridge détient une participation de 67,3 %. Créé en 2010, ce dernier titre a récemment été ajouté au fonds géré par Ryan Crowther et fait partie de ses principaux placements avec un poids de plus de 4 %. Le gestionnaire de portefeuille a vu d'un bon oeil l'annonce de restructuration d'Enbridge et le transfert de ses activités de pipelines canadiens de liquides (évalués à 17 G$) au Fonds de revenu Enbridge. «Cela est venu renforcer les perspectives de croissance que nous envisagions. Cette restructuration aura des retombées positives pour les deux entités», juge M. Crowther. Pour lui, le titre de la société de Calgary possède tous les attributs qu'il recherche pour son fonds : de solides actifs à long terme, une équipe de gestion aguerrie, de bons états financiers et des flux de trésorerie qui assurent le paiement d'un dividende régulier et croissant. Le gestionnaire trouve le prix du titre toujours très attrayant, même s'il est en hausse depuis un an. «Nous estimons qu'il se négocie actuellement en dessous de sa réelle valeur.» Il prévoit une hausse du dividende de 10 % par année d'ici 2018. Le titre Fonds de revenu Enbridge offre présentement un rendement de 4 %.
Val. bours. : 2,73 G$ | Dividende : 1,56 $
WSP Global (Tor., WSP, 43 $)
Comme pour le Fonds de revenu Enbridge, la performance du Groupe WSP Global, autrefois appelé Genivar, a suscité l'intérêt de Ryan Crowther. «C'est une entreprise qui a crû considérablement dans la foulée d'acquisitions importantes. Centrée exclusivement au Canada auparavant, elle a su bien se diversifier et s'exporter», mentionne-t-il. Le gestionnaire de portefeuille constate que le récent achat de Parsons Brinckerhoff a généré beaucoup de croissance pour la firme de génie-conseil montréalaise. «Nous accordons beaucoup d'importance aux flux de trésorerie dans nos évaluations de titres. Nous pensons que la société en génère de très bons et qu'elle sait bien déployer cet argent.» Malgré la hausse du titre au cours des derniers mois, le gestionnaire de portefeuille estime qu'il est toujours attrayant et qu'il recèle encore une plus-value. Au cours actuel, le titre de WSP Global offre un rendement de 3,49 %.
Val. bours. : 3,85 G$ | Dividende : 1,52 $