En attendant la réaction des analystes à l'offre non sollicitée déposée par Lowe's pour la chaîne québécoise Rona, LesAffaires.com vous propose de lire le texte que nous avons publié dans le cahier Investir de Les Affaires dans l'édition du 14 avril dernier, qui présentait différents scénarios de transaction. Vous verrez, les analystes étaient assez partagés!
Rona (Tor., RON) n'est pas à vendre, martèle la direction de la chaîne montréalaise. Ça n'empêche pas pour autant sept financiers d'échafauder des scénarios potentiels, à un moment où Rona veut vendre 10 magasins à l'extérieur du Québec et où le détaillant américain Lowe's (NY, LOW) manifeste publiquement un intérêt pour le quincaillier québécois.
La spéculation pourrait persister, puisque le communiqué publié par Rona le 3 avril dit «qu'elle ne considère pas, à l'heure actuelle, qu'un regroupement avec une autre société serait dans le meilleur intérêt de Rona et de ses parties prenantes».
Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale, estime à seulement 25 % les probabilités que Lowe's acquière Rona, d'ici un an. «Nous croyons que Lowe's envisage d'acheter Rona, mais nous ne savons pas à quel point Lowe's est prête à changer son mode de fonctionnement, ni le prix qu'elle accepterait de payer pour s'acheter de la croissance», écrit M. Shreedhar.
«Les deux organisations ne sont pas très compatibles. L'achat de Rona contribuerait donc peu aux bénéfices de Lowe's. Toutefois, nous ne pouvons écarter la possibilité d'une transaction, étant donné les difficultés que connaît Lowe's à croître au Canada», dit cet analyste.
M. Shreedhar augmente son cours cible de 10,50 à 12 $ pour intégrer la possibilité d'une offre, soit 4,25 $ pour la probabilité de 25 % d'une offre de 15 à 19 $ par action, plus un multiple de 10 fois les bénéfices de 2013.
Anthony Zicha, de la Banque Scotia, estime à 60 % les chances que Lowe's fasse une offre de 14,70 $ par action pour Rona. Il fait donc passer son cours cible d'un an de 10,50 à 13 $. «Le moment est propice, puisque le déclin des ventes des magasins ouverts depuis plus d'un an ralentit depuis trois trimestres.»
Il note au passage que, depuis 2005, les activités internationales de Lowe's, principalement ses 31 magasins canadiens, avaient cumulé des pertes d'exploitation de 379 millions de dollars américains au 3 février 2012.
Irene Nattel, de RBC Marchés des Capitaux, ne croit pas à une transaction entre Lowe's et Rona, en raison de la structure de propriété très différente des magasins des deux entreprises. Cela dit, elle évalue que Rona vaudrait 14 $ dans le cadre d'une offre.
La vente des grandes surfaces plus probable
«Une offre de Lowe's est peu probable. L'achat de magasins l'est davantage, mais serait très compliqué. Lowe's s'intéresse aux grands magasins du Québec, mais ce sont les plus rentables et ils fournissent à Rona des flux et la masse critique essentiels au reste du réseau», dit Mark Petrie, de CIBC.
Jim Durran, de Barclays Capital, avance qu'une fusion entre Lowe's et Rona constituerait la meilleure avenue pour les deux entreprises. Il doute cependant que Rona soit prête à se mettre en vente. Il ne croit pas non plus que Lowe's comprenne l'intérêt stratégique qu'elle aurait à mettre la main sur un groupe intégré qui englobe la distribution de quincaillerie à des magasins affiliés et aux clients commerciaux, ainsi que différents formats de magasins pour concurrencer Home Depot Canada.
«La volonté de Rona de mener à bien son recentrage et la préférence de Lowe's pour les magasins à grande surface prolongeront probablement l'impasse existante et affaibliront la valeur des deux sociétés», écrit-il.
Si jamais une transaction se matérialisait toutefois, l'option préférée de Lowe's serait d'acheter les 60 magasins de grande surface de Rona, dont la superficie s'apparente à ses propres magasins. M. Durran accorde une valeur de 6,50 à 7,50 $ par action de Rona à ses magasins de grande surface, soit un multiple de 6 à 7 fois leur bénéfice d'exploitation.
Rona pourrait ensuite redistribuer à ses actionnaires le produit de 630 à 970 millions de dollars d'une telle transaction. Rona ne voit sûrement pas la vente de ses grands magasins d'un bon oeil, car elle réduirait son pouvoir d'achat, diminuerait l'efficacité de ses activités de distribution, renforcerait un concurrent et lui laisserait une division moins rentable, fait valoir M. Durran.
Les actionnaires de Rona se retrouveraient avec les activités de gros et commerciales de Rona d'une valeur d'environ 6,50 à 8 $ par action, soit 5 à 6 fois leur bénéfice d'exploitation, précise cet analyste.
Derek Dley, de Canaccord Genuity, croit peu à une transaction, mais la vente de ses 57 magasins à grande surface résiduels lui semble plus probable qu'une offre pour toute la société. «Un multiple de 7 à 8 fois leur bénéfice d'exploitation de 86,5 M$ plus un multiple de 6 fois le bénéfice d'exploitation des activités résiduelles donnent une valeur de 11,16 et 11,83 $ par action à Rona, si la société utilise le produit de la vente pour réduire sa dette», précise-t-il.
Diverses possibilités sont envisageables, selon Keith Howlett, de Valeurs mobilières. «Il est positif pour les actionnaires de Rona qu'une société de la taille de Lowe's soit disposée à discuter d'ententes commerciales avantageuses pour les deux sociétés et offre ainsi une solution de rechange au nouveau plan stratégique de Rona. Les options incluent une coentreprise et l'achat d'actif combinés à une entente de distribution», écrit-il.
Rona pourrait par exemple vendre ses grands magasins hors du Québec à Lowe's et conclure ensuite une entente pour les approvisionner, semblable à celle qui existe entre Sobeys et Target, au Canada.
À son avis, il serait préférable que Lowe's bouge avant que Rona ne ferme 10 magasins de grande surface et qu'elle ne réduise la taille de 13 autres.
«C'est la deuxième fois depuis le début de mars que Lowe's signale qu'elle repense au type et au format de ses magasins afin de croître plus rapidement et de façon plus rentable, au Canada.» - Keith Howlett, analyste, Valeurs mobilières Desjardins
6,50 $ à 7,50 $ par action
Le prix que pourrait offrir Lowe's pour les magasins de grande surface de Rona
Source : Jim Durran, Barclays Capital
11 $ à 19 $ par action
Le prix que pourrait offrir Lowe's pour l'ensemble de Rona
Source : Les quatre analystes consultés par Les Affaires.
«Les actionnaires de Lowe's pénaliseraient la société si elle achetait Rona. Ça ne veut pas dire que Lowe's n'est pas intéressée à certains établissements de Rona.» - Wayne Hood, analyste, BMO Marchés des capitaux