BLOGUE. Ne viens pas chez moi, j’habite chez mes parents…
Pour le journal Le Monde, qui a mené une enquête sur ce sujet, ce n’est rien de moins qu’un « fléau planétaire».
En Espagne, en Italie et au Portugal, de 40 à 50 % des jeunes gens de 25 à 34 ans vivent ou sont revenus vivre chez leurs parents. La proportion est encore plus élevée en Grèce, en Bulgarie, en Slovaquie et à Malte.
Pour l’Europe, ce sont les pourcentages les plus élevés, mais ils grimpent un peu partout dans le monde. Aux États-Unis, le taux atteint maintenant 21,6 %. Il n’était que de 11 % en 1980. Même des pays dont l’économie a été moins affectée, comme le Canada et l’Australie, voient de plus en plus de grands enfants réintégrer le foyer familial. Au Japon, la tendance touche même des cohortes plus âgées : 16 % des 34 à 44 ans cohabitent désormais avec leurs parents. Et ce sont toujours majoritairement des hommes.
Les facteurs peuvent être en partie culturels, mais ils sont surtout économiques : c’est dans l’Europe du Sud, durement touchée par la crise, que le phénomène est le plus évident. Sans revenus, sans perspective de retrouver du travail à court terme, revenir à la maison demeure la seule option si on veut éviter d'échouer dans la rue.
Le journal note que ce ne sont pas des Tanguy, en référence au personnage plutôt fainéant du film d’Étienne Chatiliez qui prolongeait son séjour chez ses parents pour se faire vivre. Ces nouveaux dépendants sont plutôt malheureux. « En vivant chez mes parents, je deviens un sujet de mépris », dit l’un d’entre eux. Et la suite ne sera pas jolie. À perdre ainsi confiance, on entre dans un cercle vicieux dont il est bien difficile de sortir.
Et les parents, justement ? Ils apprécient modérément. C’est toujours bien d’aider ses enfants, mais les ravoir dans les pattes ne fait pas l’affaire de tout le monde. On fait d’ailleurs référence à un site mexicain, supermujer.com.mx où on peut lire la question suivante : « Enfants à la maison, jusqu’à quand ?» Même les mamas italiennes affichent leur ras-le-bol, paraît-il…
Naissent en plus des tensions de part et d’autre. C’est difficile d’inviter ses amis, son copain ou sa copine, quand on loge chez papa et maman. On s’attend d’ailleurs à une chute du taux de natalité dans ces pays où elle n’est déjà plus élevée.
Des effets collatéraux de la crise ? Sans doute, mais c’est plus grave. Ces jeunes gens écopent du laisser-faire et de l’insouciance des gouvernements qu’ont justement élus leurs parents. Ils écopent de ce réflexe maintenant universel de pelleter par en avant. Oui, certains ont peut-être manifesté dans la rue et brandi des pancartes durant leur jeunesse pour « protéger des acquis », mais les dirigeants auraient pu, ou auraient dû, prendre malgré tout leurs responsabilités et réagir pendant qu’il étaient encore temps.
La rigueur des programmes d’austérité mis en place des dernières années pour éviter l’explosion des économies fait maintenant bien plus mal.
On peut déjà parler d’une génération perdue. Il est encore difficile d'en évaluer l'impact, mais il sera assurément énorme et malheureusement durable. Nous n’en sommes pas encore là, Dieu merci. Mais ce qui se passe en Europe et ailleurs devrait faire réfléchir nos chers gouvernements à nous, qui choisissent souvent d'y aller avec des politiques plaisantes sur le moment sans trop se soucier des inévitables dérives à venir plus tard.