Le dernier Baromètre industriel québécois, que vient de présenter Sous-Traitance Industrielle du Québec (STIQ), fait état d'une légère remontée de la part de la production manufacturière dans le PIB québécois. Cette proportion est passée de 14,1 à 14,3 % de 2013 à 2014.
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C'est tout aussi satisfaisant qu'étonnant. Satisfaisant, parce que les travailleurs du secteur de la fabrication gagnent en moyenne plus que tous les autres. L'écart moyen dépasse 20 %. Leur contribution à l'économie est appréciable, ne serait-ce que pour des raisons fiscales.
Étonnant, parce que la participation du milieu manufacturier au PIB québécois déclinait depuis l'an 2000, où elle avait atteint 23,6 %. Elle n'a cessé de reculer par la suite. De là l'intérêt de ce renversement de tendance.
Mais ce n'est rien par rapport à l'importance qu'elle revendiquait du temps où les grandes usines, manufactures et filatures dominaient le paysage industriel du Québec. À part les fermes, le Québec s'activait à tout transformer ce qu'on lui présentait, du cuir au cuivre.
C'était l'époque des villes à cheminées.
Une époque glorieuse et prospère, selon certains, marquée par la pollution et les écarts de richesse, selon d'autres. Chose certaine, les cheminées étaient actives. Même après le règne de la vapeur, elles ont continué de faire partie intégrante du milieu industriel.
Puis est venu le lent déclin industriel. On a compris comment transporter l'électricité sur de longues distances, ce qui a éliminé l'avantage de la proximité des centrales hydroélectriques. La concurrence des pays émergents, avec leurs plus bas salaires, a entraîné des délocalisations. Le passage à la nouvelle économie, numérique, a mis à mal tout ce qui concernait le papier.
Et c'est probablement à Shawinigan, au coeur de la Mauricie, que le choc a été ressenti le plus durement. Il fut un temps où c'était la ville la plus prospère du Québec. À tel point que la Shawinigan Water and Power, dominante, avait confié la conception de l'aménagement de la ville à la firme d'architecture new-yorkaise de Frederick Law Olmsted. Pour mémoire, c'est Olmsted qui a conçu le Central Park, à New York, et le parc du Mont-Royal, à Montréal.
Les grandes entreprises qui s'y sont graduellement installées pourraient faire partie d'un Who's Who : Gulf, Dupont, BF Goodrich, Alcan, CIL, Belgo, Wabasso, Carborundum... Les cheminées crachaient la boucane et le feu. L'air n'était pas toujours de qualité, mais on s'en souciait moins en ce temps-là. Des milliers d'ouvriers y gagnaient une bonne paie.
Toutes ont disparu, sans exception. Imaginez le désarroi de la population.
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Le scénario s'est répété d'un bout à l'autre du Québec. Jadis haut lieu des filatures au Québec, la reine des Cantons-de-l'Est, Sherbrooke et ses environs, a dû se refaire une identité en misant sur l'innovation et sur son université.
Pareil pour l'axe Beauharnois-Valleyfield, où régnait l'industrie lourde. Les usines de métallurgie et de produits chimiques y avaient érigé de grandes cheminées. Certaines sont toujours en fonction. Mais les squelettes des anciens complexes revivent aujourd'hui grâce à l'arrivée en force de nouveaux acteurs en technologies de l'information (TI), comme la française OVH, qui y a installé le plus grand centre d'hébergement de sites Web du monde.
La mutation est en train de se produire un peu partout au Québec. Il y aura toujours des cheminées, et les collectivités qui en dépendent se croisent les doigts pour qu'elles restent en activité. D'autant plus qu'elles ont dû se plier aux nouvelles normes environnementales. Dans ces conditions, elles finissent par y gagner.
Et Shawinigan ? Savez-vous que c'est là que progresse le secteur de l'électrification des transports au Québec, avec des acteurs de pointe comme AddÉnergie ? La tradition électrique se poursuit, mais à la mode du 21e siècle.
En même temps, l'immense complexe de la Wabasso a été réaménagé pour servir d'incubateur d'entreprises. Ce Digihub, axé sur les entreprises en TI, offre un environnement branché de qualité. Quelques locataires sont déjà en place. Le Collège Shawinigan y donne des cours en programmation d'applications mobiles. Et on ne manque pas d'ambition : on souhaite notamment voir ce lieu unique devenir un véritable pôle pour le développement de divertissements numériques, avec un accent mis sur la recherche.
C'est sans compter CGI qui vient d'installer à Shawinigan un centre d'excellence qui, à terme, comptera 300 employés, soit autant de travailleurs qu'on en trouvait chez plusieurs multinationales, à l'époque.
Des entrepreneurs locaux contribuent aussi à la renaissance, comme ceux qui ont fondé l'excellente microbrasserie Le Trou du diable.
Sans renier son passé, la ville a dû oublier le textile et le papier journal pour miser plutôt sur la gestion de sites Web, les bornes de recharge, la bière artisanale et d'autres initiatives tournées vers le 21e siècle. Au lieu de sombrer dans la nostalgie, elle travaille à confectionner son avenir.
Allez, mieux vaut regarder droit devant comme on le fait à Shawinigan. Il faut y voir un microcosme du Québec : ça passe ou ça casse. Et nous avons tout à gagner si les anciennes villes à cheminées réussissent leur transformation.
Bombardier: les dommages collatéraux des licenciements
Bombardier Aéronautique prétend que la dernière annonce de licenciements (1 000 postes dans le Grand Montréal) aura peu de conséquences pour ses fournisseurs québécois. Le ralentissement de la production des Global 5000/6000 ne devrait pas causer trop de dommages collatéraux, puisque moins de 10 % des pièces qui le composent proviennent de sous-traitants d’ici. Le regroupement Aéro Montréal se veut également rassurant. Ce n’est pas la première annonce du genre, dit-on ; l’industrie s’en est toujours remise, et les deux tiers des PME québécoises du milieu ont des clients situés au-delà des frontières [...] Je me permets quand même de douter du caractère bénin des impacts de cette annonce.
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