Il ne se passe pas une semaine sans que je reçoive par la poste une proposition pour une nouvelle carte de crédit. Je ne dois pas être le seul à être ainsi courtisé.
Les institutions financières se comportent d’une drôle de façon : officiellement, elles s’inquiètent de l’endettement des citoyens, mais elles n’arrêtent pas de nous solliciter de toutes les façons possibles. Cette insistance à vouloir gonfler notre portefeuille de nouvelles cartes explique en partie pourquoi l’endettement des Canadiens continue de grimper.
Il y a quelques jours, la firme Moneris a fait savoir que les dépenses des Canadiens au cours du quatrième trimestre de 2012 ont augmenté de 3,45 % comparativement à la même période l'année précédente. Elle doit être au courant, c’est elle qui gère la plupart des paiements par cartes de débit et de crédit au pays.
Et même si a croissance a été plus faible en décembre (+ 2,16 %), les jours qui ont suivi Noël ont vu les dépenses bondir (+ 5,35 %). Autrement dit, les gens ont profité des soldes de la fin décembre. Tant mieux pour eux. Mais les factures de cartes de crédit à payer en janvier et février seront quand même costaudes.
À peu près en même temps, à la mi janvier, nos collègues de Finance et Investissement dévoilaient les résultats de Perspectives 2013, le sondage qu’ils conduisent annuellement auprès du lectorat du magazine, composé surtout de professionnels de l’industrie financière. Je retiens notamment un texte de Léonie Laflamme-Savoie. Dans cet article, intitulé L’endettement, cette menace, on peut lire ce commentaire d’un participant, un conseiller financier : « Le taux d'endettement des clients est [tellement] élevé qu'ils ne peuvent parfois même pas se procurer une protection d'assurance vie ou maladie pour eux et pour leur famille. Les gens se laissent influencer par notre société de consommation et font rouler l'économie à leurs dépens. » Un autre écrit que « Tous les gens s'endettent et se disent qu'après tout, si les politiciens le font [avec l'argent public], ils peuvent le faire eux aussi ».
On part de loin… et même les professionnels déplorent la tendance. On pourrait toujours leur rappeler qu’ils ont un rôle à jouer dans l’éducation de leurs clients, ils sont bien placés pour le faire, mais le proverbe le dit : on peut toujours amener un cheval à l’abreuvoir, mais on ne peut pas le forcer à boire. Si les citoyens, pardon, les consommateurs, veulent consommer, on ne peut pas les en empêcher.
À moins qu’ils ne finissent par réaliser l’ampleur du désastre imminent, comme ce tout premier participant à Déficit Zéro, dont on pouvait suivre l’histoire au cours du premier épisode diffusé le 9 janvier à Télé-Québec. Avec près de 30 000 $ de dettes accumulées sur ses cartes, dont il n’avait jamais payé un seul solde en 16 ans, il travaillait à se reprendre en main pour éviter la faillite.
Va-t-il persister dans sa volonté de modifier son mode de vie ? Ceux et celles qui sont également accros à l’argent de plastique vont-ils un jour comprendre que c’est là une voie sans issue ? Quand le gouverneur de la Banque centrale du Canada répète sur toutes les tribunes que l’endettement des ménages demeure le premier risque que court l’économie du pays, il doit bien y avoir urgence de changer de cap, non ?
Mais c’est vrai que nos gouvernements ne sont pas précisément des modèles… et les soldes d’après-Noël sont tellement tentantes… Bof, on se modérera plus tard. Un de ces jours.