Cherchez l’erreur.
Lors de la dernière campagne, les représentants de Québec Solidaire ont mis de l’avant un plan pour « sortir le Québec du pétrole » d’ici 30 ans, en renforçant notamment l’offre de transport en commun. Le projet est pour le moins ambitieux, surtout quand on connaît la pauvreté relative de l’offre en région, mais passons.
Or, après la réduction de services annoncée par Via Rail il y a quelques mois, avec la fermeture de la plupart de ses gares au Québec, c’est au tour d’Orléans Express, filiale de la multinationale française Keolis, d’envisager la suppression de certains parcours. Elle dit ne plus pouvoir continuer à accumuler les déficits sur les trajets non rentables.
L’hypothèse est accueillie froidement dans les municipalités qui seraient touchées. Certaines sont loin des grands centres, comme Percé et La Tuque, mais d’autres sont situées dans le sud du Québec, comme Thetford-Mines et Victoriaville. Elles risquent quand même d’être mises de côté. Les gens grondent déjà. Mais l’encre rouge entache effectivement le bilan d’Orléans.
Pour 2013, le déficit a atteint 3,5 millions de dollars, selon Marc-André Varin, vice-président développement des affaires, marketing et communication, Keolis Canada. En passant, Keolis (France) appartient à la Caisse de dépôt et à la SNCF.
Il y a toujours eu des routes moins rentables dans le réseau d’Orléans Express. Mais on pouvait vivre avec du fait de l’interfinancement : les trajets plus payants, notamment la liaison Montréal-Québec, l’étaient suffisamment pour compenser pour les autres.
Au fil du temps, cette rentabilité s’est érodée. La concurrence, elle, est devenue plus rude. Via Rail a amélioré son service et offre des promotions à prix avantageux, « aidée en cela par 300 millions de dollars en subventions d’Ottawa », dit Marc-André Varin. De plus, le phénomène du covoiturage a pris de l’ampleur. On évalue maintenant à 188 000 le nombre de personnes qui voyagent ainsi chaque année. « C’est l’équivalent de huit autobus pleins par jour », ajoute-t-il.
Orléans Express a déposé en mai devant la Commission des transports une requête pour éliminer les routes les plus déficitaires et réduire ailleurs le nombre de départs. À trop perdre d’argent, dit-on, on fragilise l’ensemble du service. Mais ce serait désastreux pour les communautés concernées. Le transport en commun, pour elles, c’est l’autobus interurbain.
« Orléans Express n’est pas seule dans cette situation, affirme Marc-André Varin. Intercar éprouve aussi des problèmes au Lac Saint-Jean et sur la Côte-Nord. C’est pareil pour Autobus Maheux en Abitibi. Le malaise est généralisé. »
D’accord, mais cette démarche devant la Commission des transports porte comme une odeur d’ultimatum. Et ce n’est pas réjouissant. Pourrait-on faire autrement ?
Pour Keolis Canada, il y aurait une option. Mais les pouvoirs publics devront contribuer. « Si les communautés en cause décident qu’il s’agit d’un service essentiel, elles pourraient faire appel aux programmes d’aide au transport qui existent, précise Marc-André Varin. Le transporteur n’y a pas droit directement. Mais les municipalités, oui, en autant qu’elles contribuent avec une mise de fonds. Nous pourrions alors tenter de trouver une solution ».
Il existe déjà des précédents. Orléans a conclu une entente avec le Conseil régional de transport (CRT) de Lanaudière, et exploite pour lui le circuit Joliette-Montréal. Il existe aussi des formules où l’autocar arrête moins souvent, mais ses haltes servent de points de correspondance et une forme de transport collectif local prend le relais, comme c’est le cas dans certaines municipalités de la Gaspésie.
De toutes façons, la pâte dentifrice vient de sortir du tube. On ne pourra pas l’y réinsérer. Keolis Canada n’a pas l’intention de faire marche arrière. Des audiences de la Commission de transport sont prévues en août et en septembre. Et si on ne trouve pas de voie de sortie ?
« Nous avons entrepris dès 2009 le même genre de démarches dans les Maritimes en regard de notre filiale Acadian. En 2011, on ne nous avait toujours pas consenti d’allègements. Nous avons interrompu nos activités. » Des repreneurs locaux se sont manifesté, mais le service n’est plus que parcellaire.
Menaces en l’air ? Probablement pas. Sans être belliqueuse, la position de l’entreprise est ferme. Elle ne veut plus perdre de l’argent.
Devrait-on l’étatiser ? C’est ce que certains vont proposer. Mais imaginez la gestion d’un tel réseau dans le système public… ce serait un méchant casse-tête. Sauf qu'il faudra quand même trouver une façon de venir à la rescousse des communautés touchées.
Et tout ça survient au moment où on nous annonce la mort de la voiture conventionnelle, avec l’extension du transport collectif, et électrique svp, vers les régions… Allô ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ?