BLOGUE. Dans un environnement où les taux d’intérêt sont très bas (une obligation 10 ans du gouvernement du Canada offre présentement un maigre rendement de 2,00 %; un cpg offre guère mieux), de nombreux investisseurs recherchent des sociétés en bourse qui offrent des dividendes élevés. En général, cette stratégie les a plutôt bien servis depuis quelques années compte tenu de la hausse généralisée des marchés boursiers et en particulier des titres dits « défensifs » qui versent souvent de généreux dividendes.
À mon avis, cette stratégie pourrait continuer de bien les servir au cours des prochaines années mais, comme dans toute stratégie d’investissement, il faut faire preuve de prudence et de discernement car tous les titres à dividendes ne sont pas de qualité égale. Si l’objectif d’un investisseur est de s’assurer un rendement en dividende attrayant tout en obtenant une bonne probabilité d’appréciation du capital à long terme, il devrait garder quelques règles de base en tête :
1- Favoriser les sociétés qui oeuvrent dans des secteurs stables à long terme. Si vous recherchez une entreprise susceptible de vous verser des dividendes réguliers, année après année, autant regarder du côté des entreprises qui oeuvrent dans des secteurs peu cycliques et stables à long terme comme l’alimentation, les services publics, les télécommunications, les banques, etc. Les sociétés actives dans les divers secteurs des ressources naturelles ne cadrent généralement pas avec cette stratégie.
2- Sélectionner les sociétés en bonne santé financière. Même les entreprises actives dans des secteurs stables sont sujettes aux mauvaises années, aux revers de fortune. Celles qui ont des bilans très solides et peu endettés sauront généralement se sortir du pétrin alors que celles qui sont endettées risquent de s’enliser en permanence.
3- Choisir des titres de société qui versent des dividendes à la mesure de leurs moyens. Il y a une façon simple de savoir si une entreprise a les moyens de verser son dividende : le taux de distribution des bénéfices (en anglais, le payout ratio) qui exprime le pourcentage des profits qui sont versés en dividendes (= dividende par action / profits par action). Évidemment, plus ce ratio est bas, plus le dividende est sécuritaire et vice versa. En revanche, les entreprises qui versent la totalité (voire plus) de leurs profits en dividendes ne se donnent aucune flexibilité financière et sont sujettes à couper ou éliminer leur dividende en cas de pépins financiers.
4- Ne pas oublier la croissance. Un dividende élevé est certes intéressant mais un dividende qui augmente année après année peut être encore plus attrayant pour l’investisseur à long terme. Il ne faut pas oublier qu’une entreprise qui verse la quasi totalité de ses profits en dividendes limite sensiblement le potentiel de croissance à long terme de ses profits… et de ses dividendes. Il peut parfois être plus payant d’investir dans un titre qui offre un dividende moins élevé mais qui connaîtra une croissance robuste de ses profits à long terme.
À mon avis, la quête de dividendes élevés incite bien des investisseurs à courir des risques élevés. De fait, il faut généralement se méfier des sociétés qui offrent des taux de dividendes anormalement élevés (pensez à Yellow Media qui offrait il y a un an plus de 10 % en dividendes). Attention également aux produits financiers comme certains fonds communs qui promettent des rendements en dividendes élevés. Dans la majorité des cas, ces fonds versent en dividendes bien plus que ce qu’ils ne reçoivent de leurs investissements sous-jacents, ce qui assure une baisse de leur valeur à long terme.
Par ailleurs, plusieurs entreprises en bourse, probablement dans le but de courtiser les investisseurs qui recherchent des dividendes, font l’erreur de verser trop de dividendes à leurs actionnaires. Souvent, ces entreprises sont d’anciennes fiducies de revenu qui ont habitué leurs actionnaires aux dividendes élevés. Dans certains cas, des entreprises de croissance versent la majorité de leurs profits en dividendes. C’est le cas d’une entreprise comme Genivar qui, en 2011, a versé plus de 80 % de ses profits en dividendes alors qu'elle multiplie les acquisitions. Son titre offre un rendement en dividende de 5,7 % à son cours récent. De telles entreprises de croissance devraient à mon avis conserver leurs profits pour investir dans leur croissance; en faisant le contraire, ils augmentent sensiblement les risques pour leurs actionnaires et sont à la merci des marchés des capitaux pour financer leur développement.
En somme, les titres à dividendes peuvent être une bonne façon d’obtenir des revenus intéressants dans un contexte de taux d’intérêt anémiques. Par contre, il ne faut pas se laisser leurrer par tous les titres qui offrent des rendements élevés. Encore une fois, la sélection est de mise.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).