BLOGUE. C’est aujourd’hui que sort en salles le film en 3D intitulé Les Schtroumpfs, dont les héros sont les petits lutins bleus inventés en 1958 par le bédéiste belge Peyo. L’histoire est très simple : chassés de leur village champignon par le méchant Gargamel, les Schtroumpfs se retrouvent à New York et vont tout faire pour retrouver le chemin de leur contrée natale. L’intérêt de ce film pour qui se pique de management? Réfléchir au fonctionnement de leur groupe, pour le moins original, mais riche d’enseignements…
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Ainsi, les Schtroumpfs vivent en communauté, isolés dans une forêt inaccessible aux êtres humains. Ils sont tous identiques sur le plan physique, étant âgés d’une centaine d’années, à l’exception du Grand Schtroumpf qui a 542 ans et du Bébé Schtroumpf, dont l'âge n'a jamais été divulgué. On dénombre une centaine de Schtroumpfs, qui se distinguent les uns des autres par un trait de caractère qui leur est propre, les principaux étant le Grand Schtroumpf (le leader de la communauté), la Schtroumpfette, le Schtroumpf à lunettes et autres Schtroumpf bricoleur.
La communauté des Schtroumpfs repose sur des valeurs morales et un grand respect mutuel, avec des règles pour le moins floues. D'ailleurs, lorsqu'ils tentent d'en adopter de similaires à ceux des êtres humains (comme dans Le Schtroumpf financier, Le Schtroumpfissime, On ne schtroumpfe pas le progrès, etc.), cela ne fonctionne guère : ils comprennent vite que ces règles ne sont pas faites pour eux, et qu’ils vivaient bien plus heureux auparavant, avec leur système à eux.
Ce qui met du piment dans les histoires, c'est le sorcier Gargamel et son chat Azraël, les pires ennemis des Schtroumpfs. Le premier veut en capturer pour pouvoir fabriquer la Pierre Philosophale tandis qu'Azraël, lui, veut tout bonnement les croquer.
On le voit bien, on trouve chez les Schtroumpfs tous les stéréotypes généralement présents au sein d’une équipe ou d’une entreprise. Je ne vais prendre qu'un exemple, mais un exemple lumineux, celui du Grand Schtroumpf. Avec sa barbe blanche, celui-ci est un leader légitime, du moins au sens de la typologie établie par le sociologue et économiste allemand Max Weber :
> Il bénéficie d’une légitimité traditionnelle : il a toujours été le plus vieux et a toujours dirigé les autres, ce qui en fait le leader naturel;
> Il jouit d’une légitimité charismatique : son grand âge fait de lui une incarnation de la sagesse et de l’expérience;
> Il a aussi une légitimité légale : son savoir scientifique et magique lui donne un ascendant considérable sur les autres Schtroumpfs.
Fait remarquable, le Grand Schtroumpf ne prétend pas au leadership de la communauté. Ce n’est pas lui qui donne des directives, qui affiche une vision, ou encore qui pousse les uns et les autres dans un sens. Non, il n’intervient que lorsqu’il y a urgence ou lorsqu’un Schtroumpf fait appel à ses connaissances. Il incite alors chacun à trouver une solution par lui-même, issue de sa propre expérience et de ses propres talents, et invite les autres à l’aider dans la mesure de leurs possibilités. C’est tous ensemble qu’ils réussiront à résoudre le problème rencontré. Jamais, au grand jamais, grâce au seul Grand Schtroumpf. Un modèle de gouvernance, du moins telle qu'on la trouvait à Athènes du temps de Solon, aux alentours de 600 avant J.C.…
Prenons un exemple, tel qu'il est résumé dans Wikipedia… Dans Le Schtroumpfissime, le Grand Schtroumpf doit quitter le village pour se procurer de l'euphorbe pour ses expériences. En son absence, les Schtroumpfs décident de se choisir un nouveau chef et organisent une élection au suffrage universel. Mais voilà, comme chacun ne veut voter que pour lui, un Schtroumpf décide d’user de démagogie pour être élu. Une fois victorieux, celui-ci s'habille de couleur or, se déclare Schtroumpfissime et devient un dictateur mégalomane. Un vent de révolte se met à gronder, une garde personnelle est montée pour défendre le Schtroumpf au pouvoir et la bataille débute lorsque le Grand Schtroumpf revient subitement et met fin aux troubles. Comme quoi, une équipe peut vite imploser en l’absence de son leader naturel…
Prenons maintenant un autre exemple… Dans Les Schtroumpfs noirs, un Schtroumpf se fait piquer par une mouche Bzz. Il perd aussitôt sa couleur bleue, devient tout noir, fou et agressif, tandis que son langage se limite d’un coup à «Gnap!». Le Schtroumpf noir n’a alors qu’une envie : mordre la queue des autres, et ainsi les transformer en Schtroumpfs noirs. L’épidémie se propage à la vitesse de l’éclair au sein de la petite communauté. Le Grand Schtroumpf parvient heureusement à capturer une mouche Bzz et à l’étudier, ce qui lui permet de mettre au point un antidote avant qu’il ne soit trop tard. Conclusion : un élément perturbateur peut suffire à contaminer une équipe au point de la faire mourir…
Une question vient alors à l’esprit : devrions-nous nous inspirer des Schtroumpfs pour mieux diriger notre équipe ou notre entreprise? Ce à quoi je répondrais : «Et pourquoi pas?»…
De fait, on peut trouver dans ces histoires rigolotes des leçons intéressantes pour notre quotidien au travail. Les traits sont gros, la portée sociologique et philosophique limitée, c’est vrai, mais je suis convaincu que, vous comme moi, nous pouvons y dénicher, au détour d’une page, le pollen adapté à notre miel de prédilection. Ne serait-ce, disons, que le Schtroumpf grognon, dont nous cotoyons tous un exemplaire au quotidien, n’est-ce pas?...
Le président américain Theodore Roosevelt avait dit bien avant l’apparition des Schtroumpfs et du Grand Schtroumpf : «Le meilleur leader est celui qui sait trouver les talents pour faire les choses, et qui sait aussi réfréner son envie de s’en mêler»… Troublant, non?
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