BLOGUE. Certains ont le don de s'attirer la sympathie et l'admiration des autres au point de leur faire faire à peu près n'importe quoi, d'autres suscitent au contraire méfiance et scepticisme. Pourquoi? Qu'est-ce qui fait que les uns ont une influence considérable sur autrui, et les autres, aucune? C'est très simple : les premiers inspirent confiance, pas les autres.
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Pas de leadership sans confiance, donc. Le hic? C'est que ceux qui devraient inspirer confiance ne le font pas. Le Baromètre de la confiance 2013 de l'agence de relations publiques Edelman a en effet mis au jour un fait renversant : moins de 1 personne sur 5 a confiance dans ce que dit publiquement un PDG. Pis, les gens accordent moins de crédit aux propos d'un PDG qu'à ceux de l'un de ses employés!
«Nous assistons ces temps-ci à l'effondrement de la traditionnelle "pyramide de l'influence", qui considérait depuis des décennies que l'autorité venait d'en haut, et par suite que plus on était situé haut dans la structure organisationnelle pyramidale d'une entreprise, plus on inspirait confiance. Cette pyramide est en train d'être supplantée par une autre, la "pyramide de la communauté", où les acteurs les plus influents sont les activistes sociaux (dirigeant d'une ONG,…), les consommateurs et les employés. Cette toute nouvelle pyramide reflète la démocratisation de l'influence que nous vivons de nos jours», explique Ben Boyd, président global, pratiques d'affaires, d'Edelman.
Ainsi, nous assistons à deux phénomènes concomitants :
> Une crise de confiance envers les leaders. L'étude montre à ce sujet que les principaux reproches qui leur sont adressés au Canada sont :
– Ils ne donnent pas les vraies raisons de leurs décisions d'affaires (30%);
– Ils se livrent à la corruption et/ou à la fraude (29%);
– Ils affichent une faible performance et/ou font preuve d'incompétence (15%);
– Ils manquent de transparence (13%);
– Il n'y a pas de vrai contrôle sur leurs décisions d'affaires (12%).
> Un bouleversement majeur dans les zones d'influence. Les PDG, entre autres, ont perdu de leur aura.
Pour mieux comprendre ce qui se déroule sous nos yeux incrédules, il convient de regarder de près l'un des tableaux de l'étude, celui qui montre les écarts incroyables qu'il existe entre les attentes du grand public et la performance réelle des entreprises. Prenons le Top 5 des plus grandes attentes :
1. Faire passer les clients avant les profits. L'importance de ce point aux yeux des consommateurs canadiens est de 72%, mais la performance, de seulement 22%. Un écart de 50 points de pourcentage.
2. Avoir des pratiques d'affaires éthiques. Les deux pourcentages sont respectivement de 72% et de 27% (-45 points).
3. Agir de façon responsable face à une crise ou un problème. Les deux pourcentages sont respectivement de 71% et de 27% (-44 points).
4. Écouter les besoins et la rétroaction du client. Les deux pourcentages sont respectivement de 70% et de 30% (-41 points).
5. Bien traiter les employés. Les deux pourcentages sont respectivement de 70% et de 22% (-48 points).
Que remarque-t-on surtout dans ce Top 5? Eh bien, que trois des cinq points concernent l'engagement de l'entreprise (les points 1, 4 et 5), et que les deux autres (les points 2 et 3) ont trait à l'intégrité de celle-ci. Si les entreprises, et leurs leaders, souhaitent donc mieux répondre aux attentes des consommateurs, et donc améliorer leur crédibilité à leurs yeux, il leur faut agir sur ces deux leviers fondamentaux de la confiance, soit l'engagement et l'intégrité.
L'engagement et l'intégrité? Cela passe par des gestes concrets qui comptent vraiment pour les consommateurs. Edelman en cite quelques exemples :
> Engagement. Il s'exprime par une écoute attentive, des marques de respect et une communication fréquente et sincère.
> Intégrité. Elle se voit à des décisions empreintes d'éthique et à une communication transparente.
Maintenant, survient la difficulté croissante pour les entreprises de trouver les bons influenceurs pour faire passer leurs messages mettant en avant leurs efforts en matière d'engagement et d'intégrité. D'où l'intérêt, une fois de plus, de l'étude d'Edelman, dans laquelle on découvre les réponses à la question : «En qui avez-vous le plus confiance pour vous donner de l'information crédible et honnête»?
Ces réponses montrent que dès qu'il s'agit d'engagement, les consommateurs font surtout confiance à l'employé de l'entreprise et au consommateur, c'est-à-dire à un "autre moi-même". Mieux vaut, dès lors, oublier l'idée de faire passer les messages par le PDG de l'entreprise, par un expert "indépendant", ou encore par un porte-parole officiel, bien souvent une vedette recrutée pour sa notoriété et son image de marque.
En revanche, quand il s'agit d'intégrité, tous les influenceurs semblent se valoir. Les consommateurs vont aussi bien écouter le PDG que le porte-parole officiel ou l'employé.
«Avec l'avènement de la pyramide de la communauté, nous passons du petit au grand nombre d'influenceurs, du diktat à la cocréation, du monologue au dialogue et du contrôle à l'autonomisation [empowerment, en anglais]», résume Ben Boyd.
Comment s'y prendre concrètement? L'expert d'Edelman suggère aux leaders d'adopter ce qu'il appelle le management inclusif, qui se présente sous la forme de quatre étapes à suivre :
1. Vision et partage. Établissez votre vision du projet que vous voulez lancer, puis partagez-la avec ceux qui vous entourent de manière transparente, en particulier les raisons qui vous poussent à miser sur ce projet, les buts que vous voulez ainsi viser et même les résultats chiffrés que vous voulez atteindre.
2. Liste. Dressez la liste la plus large possible de tous les influenceurs qu'il serait pertinent d'engager dans votre projet.
3. Communication. Informez honnêtement de votre projet tous les influenceurs pertinents, cherchez à avoir leur opinion à son sujet et adaptez vos plans aux commentaires recueillis.
4. Action. Passez de la vision à la réalisation de votre projet, en veillant notamment à ce que transparaissent votre engagement et votre intégrité.
Et le tour est joué! Si vous réussissez à adopter le management inclusif, votre cote de confiance ne cessera de grimper aux yeux d'autrui, c'est garanti. Vous deviendrez alors un véritable influenceur, pour ne pas dire un véritable leader.
En passant, l'éthologue français Boris Cyrulnik a dit dans Les Nourritures affectives : «Le paradoxe de la condition humaine, c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres».
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