Devenir un bon investisseur peut-il s'apprendre? Le succès est-il prédéterminé par notre tempérament dès l'adolescence? Mark Sellers, un investisseur qui fonda un fonds de couverture en 2003, croit que c'est le cas. En 2007, il donna un discours à des étudiants de Harvard, dans lequel il souligna les faibles probabilités que certains d'entre eux deviennent le prochain ''Warren Buffett'' (cliquer ici pour accéder à son discours).
M. Sellers cita trois éléments généralement hautement priorisés par la société afin de déterminer le succès probable d'un gestionnaire de portefeuille ou d'un investisseur : la scolarité, l'intelligence et l'expérience. Quoi de plus naturel que de s'attendre à une grande réussite lorsque ces trois éléments sont réunis?
Lors de son assemblée annuelle de 1996, Warren Buffett fit allusion aux études en disant : ''les cours de finances peuvent vous aider à atteindre la moyenne''. Le commentaire de M. Sellers face à la scolarité va dans le même sens. Quant à l'expérience, elle n'apportera aucune utilité à l'investisseur si celui-ci n'affiche pas le bon tempérament. Finalement, par ''intelligence'', on fait surtout référence au côté gauche du cerveau, celle qui permet d'effectuer des calculs impressionnants. Rappelons-nous que la firme Long Term Capital Management bénéficiait des cerveaux d'une soixantaine de détenteurs de doctorats lorsqu'elle sombra en 1998 et dût être sauvée. Ces gens hautement scolarisés avaient élaboré des modèles de calculs complexes, mais ils n'avaient pas été en mesure d'apprécier les dangers reliés au recours excessif à l'effet levier.
La lecture : pas un gage de succès?
M. Sellers fit une déclaration un peu surprenante. Selon lui, les lectures assidues de littérature financière ne constituent point un gage de succès. Par conséquent, si un individu n'a pas ce qu'il faut à l'âge de 12 ans, c'est peine perdue. Même s'il lit tous les ouvrages qui traitent de la philosophie de M. Buffett ou de ceux qui ont réussi en Bourse, il ne fera au mieux que se mettre à niveau avec les autres individus.
En fait, notre réflexe serait plutôt d'affirmer qu'un investisseur qui ne possède pas les qualités requises pour réussir ne possèdera pas la passion et la patience pour s'adonner aux lectures nécessaires sur une base continue. Lorsque M. Buffett s'était fait poser la question à savoir quel était le secret de son succès lorsqu'il était dans la trentaine, il avait répondu simplement en disant qu'il lisait quelque 2000 états financiers annuellement.
Si un investisseur se donne la peine de consacrer autant de temps à lire des rapports financiers et des livres pertinents sur la Bourse, il a probablement ce qu'il faut pour prospérer dans ce domaine. Dans le cas contraire, il s'avère fort probable qu'il se découragerait! Par conséquent, dire aux étudiants que la lecture ne leur apportera pas un avantage par rapport aux autres nous paraît erroné. La plupart des investisseurs qui prennent de mauvaises décisions en Bourse n'ont soi pas assez fait de recherches sur les sociétés dans lesquelles ils investissent, soi ils n'ont pas assez approfondi leurs connaissances sur la psychologie et le tempérament nécessaire pour éviter d'effectuer les mêmes erreurs.
Dans le premier cas, consacrer plus de temps aux états financiers et à l'étude des sociétés et de leurs concurrents ne peut qu'améliorer les résultats. Dans le deuxième cas, une personne devrait éventuellement réaliser par elle-même, à force de lire, qu'elle ne possède pas les qualités requises. Sinon, elle finirait par s'ennuyer à outrance en tentant de comprendre des concepts pour lesquels elle ne saisit pas l'essence même. Tôt ou tard, le temps consacré à la lecture diminuerait.
La nécessité de la lecture, peu importe le tempérament
Bref, nous avons tendance nous aussi à penser qu'un certain tempérament est requis, et qu'il se forme très tôt dans notre vie. Toutefois, vous pouvez statuer longtemps sur le fait que vous ayez ce fameux tempérament ou non. La meilleure façon de le découvrir repose sur une lecture assidue et pertinente (étudier ceux qui ont réussi et lire des états financiers), tout en tentant votre propre expérience à la Bourse. Certains investisseurs qui échouent ont peut-être la bonne attitude pour prospérer, mais sans les efforts et le travail nécessaire, ils ne parviendront pas à leurs fins. Comme nous estimons que trop peu de gens s'y adonnent, peut-être qu'il existe davantage de bons investisseurs potentiels dans notre société que M. Sellers ne le croit!
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com