Richard Kovacevich a été à la tête de la grande banque souvent considérée comme étant la plus performante aux États-Unis, Wells Fargo (WFC, 55,96$ US), de 1998 à 2007. Il demeura au sein de l'entreprise, en tant que chef du conseil d'administration jusqu'en 2009. Au préalable, il dirigea la banque Norwest, avec laquelle il connût beaucoup de succès. Rappelons-nous que Norwest fit l'acquisition de Wells Fargo en 1998, mais que le nom de cette dernière ainsi que le lieu du siège social furent conservés.
Comme M. Kovacevich n'agit plus activement dans le milieu, ses opinions sont moins influencées par son travail. Il peut parler plus libremment. Il passa en entrevue à CNBC la semaine dernière. Il expliqua que l'économie américaine devrait normalement croître de 3% par année. Après une sévère récession, la récupération aurait dû s'accélérer beaucoup plus rapidement selon lui. Actuellement, la présente reprise économique constitue la plus lente jamais connue dans l'histoire américaine. Soulignons que vendredi dernier, le produit national brut a reculé de 0,7% au premier trimestre, après avoir été révisé.
Voici les commentaires de M. Kovacevich que nous avons relevés:
- C'est la première fois qu'une reprise économique n'est pas entraînée essentiellement par les petites entreprises;
- La réglementation, incluant les nouvelles mesures telles que ObamaCare, constitue un frein à la croissance économique;
- La réglementation favorise grandement les grandes compagnies;
- Depuis la création du «Dodd-Frank Act», 1500 banques ont disparu;
- Chez les grandes banques, les vrais coupables ne vont pas en prison: les actionnaires paient à leur place.
Concernant les trois premiers points, on peut facilement en comprendre les raisons. Les différentes nouvelles règles qui ont été mises en place requièrent l'embauche de personnes affectées à ces tâches qui ne produisent pas de nouvelles ventes ou qui ne travaillent pas à la fabrication de biens. Ces coûts comportent une base fixe significative, et représentent un pourcentage des revenus plus élevé chez les petites entreprises que les grandes.
Élever la barre nuit aux plus petits
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À titre de comparaison, il suffit de lorgner du côté des frais juridiques. Si vous avez utilisé les services d'un avocat à quelques reprises, vous savez qu'ils coûtent cher. Nos lois et notre système judiciaire se sont complexifiés, rendant les poursuites onéreuses. Il n'est point difficile de s'imaginer que les gens riches détiennent un net avantage. Plus les procédures traînent, plus le parti le plus «pauvre» souffre. Il en est de même pour les petites entreprises qui tentent de concurrencer les géants.
La faible demande des prêts due à la crise ainsi que la réglementation ont conduit à des fusions et acquisitions de banques, résultant en une diminution de 1500 institutions. Donc, face à un environnement plus difficile, le gouvernement n'a fait que rajouter de l'huile sur le feu.
Punir les coupables: problème politique
Au sujet des punitions à l'endroit des banques fautives, M. Kovacevich explique qu'il s'agit d'une question de politique. Prouver la culpabilité d'un ou plusieurs individus prend du temps, et le résultat en Cour ne sera connu que dans 5 ans. Par conséquent, les politiciens en place ne se verront pas attribuer le crédit après un délai aussi long. Charger une pénalité en revanche se fait rapidement; les régulateurs et les politiciens bénéficient immédiatement de l'impact dans les médias.
Cette réalité met en lumière l'effort constant que les autorités exercent pour satisfaire le public, afin de se faire octroyer davantage de pouvoir. Les dommages collatéraux se retrouvent surtout chez les petites entreprises. Les grandes possèdent les moyens de payer et de continuer leurs activités, en plus d'aborber la hausse des frais de conformité. Si les nouvelles réglementations ne visaient que les grosses corporations, la situation serait différente.
En conclusion, nous pensons nous aussi que la croissance aux États-Unis fait piètre figure par rapport à son potentiel. Certes, ce pays fait l'envie de bien d'autres à l'heure actuelle, étant donné le marasme économique dans lequel patauge l'Europe. Toutefois, se comparer à pire que soi n'améliore rien. Il existera toujours des comparaisons possibles si l'on veut se consoler en suivant cette voie!
P.S.: Malgré tout, en tant qu'investisseur, nous continuons de trouver nos meilleures idées au sud de la frontière.
Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com