En 1909, est né un investisseur qui allait connaître beaucoup de succès à la Bourse, en sélectionnant surtout des titres d'assureurs, comme AIG. Il s'agit de Shelby Davis, qui débuta plutôt tardivement à investir, à l'âge de 38 ans. Il démarra avec 50 000$ en 1947 et accumula plus de 800 millions de dollars en 47 ans.
M. Davis s'intéressa particulièrement au secteur de l'assurance, car il travaillait au département d'assurance de New-York dans les années 40. Il épluchait les états financiers des sociétés, et s'aperçut que les prix demandés en Bourse ne reflétaient pas leurs vraies valeurs. Il quitta alors son emploi, et investit pour son propre compte, principalement dans des titres d'assureurs qu'il connaissait bien. Notons qu'à l'époque, le secteur était boudé en général. Un peu comme aujourd'hui, les portefeuilles de placement des assureurs généraient peu de rendements, étant donné les bas taux d'intérêt. En outre, le caractère ''ennuyeux'' de cette industrie attirait peu d'investisseurs.
Le double effet ''Davis''
Qu'est-ce que le double effet ''Davis'' (nous avons traduit ce terme de l'anglais ''Davis Double Play'')? Il réfère à l'augmentation des profits jumelée à une hausse de l'évaluation de ces mêmes profits. Lorsqu'une entreprise connaît plusieurs années fastes, le réflexe des investisseurs consiste à attribuer un multiple des profits plus élevé. Supposons un titre générant 2$ de bénéfices par action et se transigeant à un ratio de 10 fois. Le prix initial est donc de 20$. Si les profits augmentent de 15% par an sur une période de 5 ans, ils atteindront 4$ par action en supposant le réinvestissement des bénéfices par la société. Suite à une telle performance, il y a fort à parier que les investisseurs attribueront un ratio cours / bénéfices plus élevé. À 20 fois, le titre touchera les 80$, procurant un rendement hautement magnifié à l'investisseur.
Notons que dans bien des cas, et tout particulièrement pour les secteurs cycliques tel que les financières, on observera ce phénomène en utilisant le ratio cours / valeur au livre. Par exemple, W. R. Berkley (WRB-N) a enregistré une croissance de ses profits au cours des 5 dernières années. Le titre passa de 1x la valeur au livre à 1,4x (sans ajuster les actifs intangibles). D'une part, tout profit retenu par la société accroît la valeur des actions puisque la valeur nette s'est appréciée. D'autre part, les investisseurs paient maintenant un prix plus élevé pour chaque dollar d'actif net.
Le double effet s'avère tellement simple et répandu qu'on peut difficilement le désigner comme étant une découverte. Cependant, M. Davis le pratiquait à une époque où l'investissement valeur commençait à être popularisé. Rappelons-nous que Benjamin Graham publia son premier ouvrage dans les années 30, et que son deuxième livre ''L'investisseur Intelligent'' vit le jour en 1949.
Le double effet à l'inverse
Fait intéressant : M. Davis détenait des actions de l'assureur Crum & Forster à ses débuts, qui fut achetée par Xerox en 1983, et revendue à Fairfax Financial en 1998. Xerox avait payé 1,6G$ pour la société, et elle la céda pour le prix modique de 680M$ quinze ans plus tard. Crum & Forster avait engendré des profits de 145M$ en 1983. Ils se sont évaporés l'année suivante, alors qu'on assista à une perte. En octobre 1985, Xerox annonça qu'elle devra renforcer le capital de la société en injectant 200M$. Voilà le double effet ''Davis'' à l'inverse. D'une part, les profits se sont effondrés. D'autre part, si Xerox avait voulu se défaire de la société, elle aurait probablement obtenu un prix tenant compte de ses déboires et de la fragilité soudaine de son modèle d'affaires.
À la Bourse, regardons l'exemple du détaillant canadien Le Château (CTU.A-TO). Puisque les profits s'avèrent maintenant négatifs, utilisons plutôt les ventes. En 5 ans, ces dernières sont passées de 346M$ à 257M$. Quant au ratio du cours sur les ventes, il connut une chute spectaculaire, dégringolant de 1x à 0,1x. Par conséquent, le titre subit une chute encore plus spectaculaire, allant de 14$ à 0,75$.
Pour conclure, notons que cet effet double convient parfaitement à l'achat de titres avec marge de sécurité. Lorsque les actifs à liquider de la société ne constituent pas un élément important dans la société convoitée, vous devez miser sur une progression des profits ainsi que sur une faible évaluation de ceux-ci au moment de l'achat. Par conséquent, vous bénéficierez d'un rendement accru, tout en assumant moins de risques.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com