Le géant de l’informatique en nuages Salesforce.com n’utiliserait que 3 000 serveurs. C’est du moins le chiffre lancé par Peter Coffee, directeur de la recherche pour la plateforme de l’entreprise, de passage à Montréal le 7 avril dernier. Valorisée à pas moins de 17,4 milliards dollars, l’entreprise ne dessert pas moins que 92 300 clients répartis un peu partout dans le monde. Toutefois, pour évaluer le trafic qui afflue sur sa plateforme en ligne, il faut mentionner que, dans les faits, ce sont quelque trois millions de personnes qui l’utilisent, dans la mesure où plusieurs de ses clients comptent plusieurs employés.
Les serveurs de Salesforce.com, dont l’application infonuagique de gestion des relations avec la clientèle et la plateforme de développement Force.com sont très populaires auprès des PME, sont ainsi un poste de dépense négligeable pour l’entreprise. Qui plus est, si l’entreprise est propriétaire de ses 3 000 serveurs, elle n’opère aucun centre de données, puisque ces derniers sont répartis sur quatre sites différents opérés par des tiers, qui louent à SalesForce.com une fraction de leur espace. Grâce à ces installations, les données de l’entreprise sont en redondance sur plusieurs sites et l’entreprise, qui ne connaît pas vraiment de pics d’utilisation significatifs, n’utilise pas plus de 40 % des capacités de traitement de données de son équipement.
Le faible appétit du géant Salesforce.com pour les serveurs a de quoi faire déchanter les opérateurs de centres de données et les fournisseurs d’infrastructures, qui disent être bien positionnés pour profiter de l’engouement pour l’informatique en nuages… dans la mesure où, ultimement, toutes les données traitées « dans les nuages » passent par de véritables serveurs. Les fabricants de PC et de serveurs comme Dell ou HP, les opérateurs de centre de données ou ceux qui veulent entrer dans ce marché, comme Bell, surestiment ainsi grandement la taille de l’infrastructure dont les différents fournisseurs d’informatique en nuages auront besoin.
Pire encore, les joueurs les plus gourmands de l’industrie, comme Google et Facebook, construisent eux-mêmes leurs propres serveurs. Le second a même dévoilé au monde, le 7 avril dernier, la technologie qu’il utilise dans son centre de données, que d’autres entreprises pourraient adopter. L’Open Compute Project permettrait ainsi aux entreprises de développer des centres de données plus efficaces sans devoir investir en recherche et développement.
Le manque de vision de ces entreprises me fait penser à la déclaration d’un dirigeant de Quebecor World, à l’époque où le fleuron québécois d’alors, qui s’est placé sous la protection de la loi sur les faillites en 2008, était le plus important imprimeur du monde. Le dirigeant en question expliquait alors le plus sérieusement du monde qu’Internet n’était en aucun cas une menace pour l’entreprise… puisqu’un site Internet quelconque avait fait imprimer des dépliants publicitaires chez Quebecor World.