Il y a beaucoup de messages à tirer du budget que vient de présenter le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao :
1. À l'image de son chef, Philippe Couillard, le gouvernement se montre courageux et déterminé. Le chef libéral avait promis l'équilibre à la fin de l'exercice en cours. C'est ce qu'il entend livrer coûte que coûte cette année, la deuxième de son mandat. Ce sera difficile, mais il mise sur le retour d'une marge de manoeuvre au cours des deux exercices financiers qui précéderont la prochaine élection.
Tenace et flegmatique, Philippe Couillard s'inspire peut-être de l'ancien président américain Harry S. Truman, qui avait placé sur son bureau une plaque sur laquelle il était écrit : «The Buck Stops Here». Il voulait ainsi se rappeler qu'il ne devait rejeter sur personne d'autre la responsabilité d'une décision qui lui appartenait comme président.
2. Il faut cesser de vivre au-dessus de nos moyens. Alors que notre économie croît plus lentement que celle du reste du Canada, nos gouvernements nous ont donné les programmes sociaux les plus généreux du pays. Irresponsables et imprudents, nous avons emprunté pendant des décennies pour payer l'épicerie. Un nouveau moment de vérité est arrivé. Après six années consécutives de déficit, il faut à nouveau se protéger de la menace d'une dévaluation de notre note de crédit. Bien entendu, nous ne connaîtrions pas le sort de la Grèce, car nous avons une bien meilleure gouvernance et nous appartenons à la fédération canadienne. Depuis quelques années, le Québec bénéficie d'un excédent net annuel de 16 milliards de dollars, dont 8 G$ de péréquation, dans tous les transferts d'argent entre le fédéral et l'ensemble des intervenants économiques québécois (le gouvernement, les particuliers, les entreprises, les municipalités, etc.).
3. Il faut s'attaquer résolument à notre endettement. Évaluée à 54 % du PIB du Québec, la dette brute du Québec est, par habitant, la plus élevée de celle de toutes les provinces. Si les Québécois avaient à assumer leur part de la dette fédérale (par exemple, dans l'éventualité de la séparation du Québec), l'endettement du nouvel État représenterait environ 100 % de son PIB.
Cet enjeu est d'autant plus important que Québec prévoit dépenser 88 G$ d'ici 2015 pour réparer ses infrastructures et financer de nouvelles immobilisations. Pour juguler cet endettement, le gouvernement continuera de verser au Fonds des générations le fruit de l'indexation du prix de l'électricité provenant du bloc patrimonial et les redevances minières. C'est un geste responsable puisque ce fonds, qui est géré par la Caisse de dépôt et placement, doit produire un rendement supérieur au coût de la dette du gouvernement.
Le service de la dette publique coûtera cette année 10,5 G$ (soit 10,5 % des revenus du gouvernement), ce qui en fait le troisième poste de dépenses en importance après la santé (38 G$) et l'éducation et la culture (21 G$). Puisque ces trois postes de dépenses absorbent 69 % des revenus de l'État, il ne reste que 31 % de cette assiette pour tous les autres ministères. Cette proportion ne cesse de diminuer et, si la glissade n'est pas arrêtée, le gouvernement sera bientôt empêché de jouer un rôle déterminant dans ses autres missions (aide aux personnes, sécurité publique, développement économique, administration de la justice, protection de l'environnement, etc.).
4. Il y aura une réforme fiscale. Le gouvernement a accueilli favorablement le rapport de la commission Godbout et a déjà fait siennes plusieurs recommandations, même si leur mise en oeuvre tardera. D'autres propositions de cette réforme seront certainement retenues.
5. On ne peut pas éliminer en quelques années un écart de 7,3 G$ entre les revenus et les dépenses du gouvernement du Québec sans causer de dommages collatéraux. De même, limiter à 1,4 % et à 0,8 % respectivement la croissance des crédits affectés à la santé et à l'éducation n'est pas sans conséquence. Il est téméraire de penser qu'on puisse faire cela sans toucher certains services ni exiger un effort supplémentaire des employés de l'État (baisse de l'effectif, productivité accrue, gel des salaires) et des contribuables (hausses des taxes scolaires et municipales, des tarifs d'électricité, etc.).
6. La livraison des services aux citoyens et la gestion du gouvernement doivent se faire de façon plus efficace. Méthodique et rigoureux, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, veut rendre l'appareil de l'État plus responsable et plus respectueux des contribuables, un objectif ambitieux, mais absolument nécessaire.
Autre enjeu important de l'année en cours : Québec doit renégocier les conventions collectives de ses 540 000 employés, dont les demandes sont aux antipodes de ses propres offres.
La façon dont le gouvernement relèvera les défis qui s'annoncent nous permettra de prendre la pleine mesure de son leadership et de sa robustesse. S'il parvient à maintenir le cap sur ses objectifs sans laisser trop de morceaux, il aura obtenu la légitimité requise pour demander et obtenir un second mandat.
J'aime
Après les premiers ministres Philippe Couillard (Québec) et Kathleen Wynne (Ontario), qui se sont engagés à coopérer davantage, voilà que le maire de Montréal, Denis Coderre, et son homologue torontois, John Tory, promettent de travailler ensemble sur des enjeux nationaux. Ces collaborations sont de bon augure. Il faut arrêter de gérer le Québec et Montréal comme s'ils pouvaient se développer en vase clos.
Je n'aime pas
La décision de la Cour suprême d'autoriser le fédéral à détruire son registre des armes d'épaule et à refuser de transférer certaines données à l'État québécois, ce qui coûtera cher aux contribuables du Québec. À cause de la mesquinerie d'Ottawa dans ce dossier, Québec veut créer son propre registre. Un bel exemple du manque de sensibilité du gouvernement Harper à l'égard du Québec et des contribuables.