Les planètes sont alignées pour le gouvernement de Stephen Harper. Malgré une baisse de 1,1 milliard de dollars, ou de 2,9 % - des recettes provenant de l'impôt des sociétés en raison de la baisse du prix du pétrole -, le ministre des Finances Joe Oliver a livré un budget en excédent de 1,4 G$ pour l'exercice en cours.
Ce surplus est fragile, étant donné que le gouvernement a réduit sa réserve financière pour imprévus de 3 à 1 G$ - sur un budget de 290 G$ - et qu'il a profité de la vente de certains actifs pour boucler son budget. Le ministre soutient qu'il a été prudent, mais il est clair qu'il a fait preuve de créativité pour séduire certaines clientèles à six mois des prochaines élections.
L'excédent budgétaire croîtra modestement par la suite jusqu'à 4,8 G$ au printemps 2020, ce qui devrait permettre au gouvernement de faire passer sa dette à 25,5 % du PIB. Ce ratio est de 31 % actuellement.
Le redressement financier du gouvernement proviendra d'une hausse moyenne de ses revenus de 4 % d'ici 2019-2020, ce qui correspond au taux de croissance nominal du PIB, alors que ses dépenses progresseront légèrement moins. Le resserrement des règles fiscales et l'élimination d'échappatoires fiscales doivent procurer 1,86 G$ sur cinq ans. À long terme, le gouvernement veut en arriver à équilibrer le budget fédéral, et une loi sera présentée à cet effet.
Aux mesures fiscales déjà annoncées pour les particuliers, telles que le fractionnement du revenu des familles, susceptible de leur procurer jusqu'à 2 000 $ d'économies d'impôt, le ministre a relevé le maximum du compte d'épargne libre d'impôt (CELI) à 10 000 $ par année dès 2015. Cela ouvre la porte à une cotisation additionnelle de 4 500 $ de la part des épargnants qui ont déjà versé leur contribution maximale de 5 500 $ pour l'année en cours. Cette mesure permettra des économies d'impôt de 1,14 G$ sur cinq ans. Le gouvernement fédéral estime que 60 % des économies d'impôt résultant de cette hausse profiteront aux personnes de 65 ans et plus. Tout un cadeau pour les 10,7 millions de Canadiens qui tirent parti du CELI.
Pour les retraités qui ont un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) et ceux qui devront éventuellement convertir leur régime enregistré d'épargne-retraite (REER), le minimum annuel qui doit être retiré d'un FERR sera abaissé pour tenir compte d'un rendement moindre des placements et d'un taux d'indexation inférieur. Ainsi, le retrait minimum de 7,38 % de l'actif du FERR pour une personne 72 ans (1re année de retrait obligatoire) passera à 5,28 %. Le facteur de retrait minimal annuel atteindra 20 % pour les personnes âgées de 95 à 99 ans, ce qui veut dire que le FERR sera vide à 100 ans. Cette mesure comporte des économies d'impôts de 670 millions de dollars sur cinq ans.
Les aînés et les handicapés bénéficieront également d'un crédit d'impôt pour améliorer l'accessibilité et la sécurité de leur logement, ce qui les encouragera à y demeurer plus longtemps. Coût de la mesure : 180 M$ sur cinq ans.
Productivité et entrepreneuriat
Alors que le taux d'impôt des sociétés est déjà de 15 % depuis 2012, les manufacturiers seront incités à investir dans la machinerie et les équipements, dont les dépenses bénéficieront d'une déduction pour amortissement accéléré de 10 ans. Cette mesure, qui coûtera 1,2 G$ sur 5 ans, permettra d'accroître la productivité de nos entreprises.
Les PME ne sont pas oubliées. Leurs premiers 500 000 $ de bénéfices, qui sont imposés au taux de 11 %, auront droit à une baisse de ce taux de 0,5 % par année, jusqu'à 9 % en 2019. Les 700 000 PME qui profiteront de cette mesure allégeront leur facture fiscale de 2,7 G$. Elles deviendront elles aussi plus concurrentielles, ce qui sera favorable à la création d'emplois.
L'entrepreneuriat féminin n'a pas été oublié. Des fonds supplémentaires de 700 M$, par l'intermédiaire de la Banque de développement du Canada, sera mis à la disposition des femmes d'affaires. Toujours pour les femmes entrepreneures, Ottawa appuiera la mise en ligne d'une plateforme de réseautage, une campagne pour stimuler le mentorat et la participation à des missions commerciales.
Infrastructures et collectivités
Au programme Chantiers Canada, qui compte contribuer pour 53 G$ aux investissements dans les infrastructures des provinces et des municipalités sur 10 ans, Ottawa ajoutera un Fonds pour le transport collectif, qui récoltera des crédits de 250 M$ en 2017-2018, de 750 M$ en 2018-2019 et de 1 G$ par la suite.
La R-D bénéficie également de nouveaux crédits, dont 100 M$ pour appuyer l'infrastructure de recherche numérique et 105 M$ pour le réseau national de communications Internet à haute vitesse.
Ottawa investira pour favoriser la sécurité du transport de l'énergie (80 M$) et le transport maritime (31 M$).
À l'instar de plusieurs lois du gouvernement de Stephen Harper, ce budget est fortement aligné sur ses valeurs conservatrices et ses engagements. Cela devrait l'aider à se démarquer lors des prochaines élections, prévues cet automne.
J'aime
Les changements survenus à la direction de Bombardier et le mandat donné à des banques internationales de trouver une façon de valoriser sa division Transport montrent que la société entend poser les gestes nécessaires pour assurer sa pérennité. Le CSeries est prometteur, mais son coût de développement a beaucoup augmenté, d'où le besoin d'accroître les liquidités de la société.
Je n'aime pas
En mars 2014, le gouvernement fédéral instituait un cadre d'intégrité qui prive les sociétés condamnées pour corruption à l'étranger de contrats fédéraux, et ce, pour une période pouvant atteindre 10 ans. Ce cadre est de nouveau mis en doute, à la suite du choix du consortium de construction du pont Champlain, dont fait partie SNC-Lavalin, accusée de malversation en Libye. Qu'arriverait-il si SNC-Lavalin était condamnée pendant la construction du pont ? Ottawa chercherait à atténuer la portée de sa loi, que tout le monde juge excessive.