Après Rona, qui a été vendue à Lowe's, voilà que le Groupe St-Hubert est cédé à Cara Operations.
Même si Rona et St-Hubert sont des sociétés importantes et des marques qui nous sont chères, il n'aurait pas été justifié que l'État tente par tous les moyens d'empêcher ces transactions. Ces entreprises sont loin d'être aussi structurantes, par exemple, que Bombardier, qui a le plus important budget de recherche et développement du Canada.
Pourtant, plusieurs ne cessent de critiquer les actions à droits de vote multiples de Bombardier, qui assurent que son contrôle restera entre des mains québécoises aussi longtemps que le voudront les familles Bombardier et Beaudoin. C'est aussi le cas d'autres sociétés québécoises, telles Power Corporation, CGI, Québecor, Jean Coutu, Alimentation Couche-Tard, Cogeco, Saputo et Transcontinental (propriétaire de Les Affaires), dont le contrôle de la propriété est assuré par des familles.
Rona n'avait ni une telle structure de capital ni d'actionnaire de contrôle, ce qui la rendait vulnérable à une offre d'acquisition. Une transaction devenait donc inévitable si son conseil d'administration acceptait une telle offre, ce qui a été le cas. On ne peut pas aller à l'encontre des lois, et il n'appartient pas à l'État de prendre le contrôle d'entreprises.
Évidemment, les sièges sociaux de Rona et de St-Hubert ne seront plus les mêmes. Ceux-ci serviront essentiellement à diriger leurs activités commerciales. Les fonctions financières, légales et technologiques seront gérées ailleurs, ce qui aura un impact sur les sociétés de services professionnels. Par contre, d'autres occasions pourront se présenter pour des fournisseurs de biens grâce aux réseaux de Lowe's et de Cara.
Par exemple, Cascades a pu devenir un important fournisseur de Costco grâce à l'arrivée de ce géant au Canada, et la porte est certainement ouverte à une plus grande pénétration des produits de Cascades dans d'autres magasins de la chaîne.
Il arrive aussi que nos fournisseurs apprennent des exigences de ces nouveaux clients, accèdent à de nouveaux marchés, deviennent de meilleures entreprises et assurent ainsi leur pérennité. Par conséquent, il est dans l'ordre des choses que les usines et les centres de distribution de St-Hubert puissent fabriquer et distribuer des produits des marques de Cara dans les magasins de détail déjà servis par St-Hubert et dans des réseaux de détail hors Québec.
Pour une fiscalité plus imaginative
Certes, il n'est jamais intéressant de perdre un siège social. Cela explique pourquoi les lois de certains États américains permettent de bloquer les prises de contrôle étrangères dans les cas d'offres d'acquisition jugées hostiles par le CA de la société visée. Seul, le Québec ne peut rien faire de réaliste à cet égard, puisque les sociétés peuvent s'incorporer selon la loi fédérale qui, elle aussi, limite grandement les pouvoirs de blocage des CA. Il y aurait donc lieu que le fédéral et les provinces travaillent ensemble à une solution conjointe.
Une structure de capital comprenant des actions à droits de vote multiples est utile, mais une société qui n'a pas un dispositif semblable serait mal vue de tenter de modifier sa structure à cette fin. Il vaut mieux créer ce dispositif lors d'une émission publique d'actions, comme l'ont fait Stingray et Groupe Distinction.
On pourrait permettre au CA d'une société ciblée, lors d'une offre d'acquisition, de limiter les droits de vote des actionnaires de passage ou d'accroître les droits de ceux qui détiennent leurs titres depuis un certain temps.
Pour sa part, le groupe de travail présidé par Claude Séguin a proposé en 2014 des mesures fiscales réalistes pour faciliter la conservation de nos sièges sociaux. Il est toutefois déplorable que le gouvernement du Québec ignore ces propositions.
On pourrait faciliter les transferts intergénérationnels en permettant aux sociétés familiales de reporter le gain en capital aussi longtemps que celles-ci restent la propriété de la famille. Québec propose d'étendre cet avantage aux sociétés des secteurs primaire et manufacturier, mais le besoin est beaucoup plus grand pour celui des services. En effet, dans ce secteur, plusieurs sociétés importantes contrôlées par des familles sont à un stade où elles risquent de tomber entre des mains étrangères.
L'idéal serait qu'Ottawa agisse aussi de son côté, puisque les deux gouvernements se partagent l'impôt sur le gain en capital. Or, cette facture peut être très salée. Paul Desmarais a vendu pour 228 millions de dollars d'actions pour sa planification fiscale avant son décès, et le comité gérant sa succession a dû ensuite en vendre pour 500 M$.
Par ailleurs, le fait que le traitement du gain en capital sur les options d'achat d'actions soit beaucoup plus lourd au Québec n'aide pas à retenir chez nous les dirigeants des sièges sociaux et à en recruter de l'extérieur.
Bref, on peut agir pour aider à maintenir nos sièges sociaux au Québec. L'apathie des gouvernements est très décevante.
J'aime
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a agi avec diligence lorsqu'elle a eu l'assurance que des dirigeants d'Amaya et certains de leurs amis avaient profité d'informations privilégiées pour réaliser des gains en capital. Ce faisant, l'AMF prouve que le système actuel d'encadrement et de surveillance des marchés financiers peut faire le travail qu'on attend de lui.
Je n'aime pas
Le report du projet de loi sur la réglementation du taxi à Montréal laisse croire qu'il y a une divergence d'opinions au sein du gouvernement du Québec. On ne semble pas s'entendre sur la façon d'encadrer le travail au noir des chauffeurs d'UberX et de compenser la perte de valeur des permis des chauffeurs actuels. Bien qu'il faille s'ouvrir aux nouvelles technologies, il est injuste que celles-ci permettent à des individus de travailler sans permis et sans payer de taxes ni d'impôts.