Tour à tour, les États-Unis et le Canada viennent de tenir des sommets sur l'Afrique. Ces initiatives sont toutefois de pâles imitations des grandes offensives de séduction organisées par l'Europe et la Chine auprès de ce continent de 1,1 milliard d'habitants.
Le sommet canado-africain a été tenu à Toronto par le Conseil canadien pour l'Afrique, un organisme privé qui se consacre à la promotion du commerce entre les deux régions. Les participants étaient surtout des représentants d'États africains et des dirigeants d'entreprises canadiennes faisant affaire en Afrique. L'événement a permis de resserrer les liens commerciaux et de débusquer de nouvelles occasions d'affaires. Un seul ministre fédéral, Christian Paradis, y a participé.
Le sommet américain a été beaucoup plus impressionnant. Présidé par Barack Obama, il a réuni à Washington des présidents, premiers ministres et autres hauts dirigeants africains provenant de 48 pays. Le président américain a voulu en faire un événement d'envergure visant à montrer l'intérêt de son pays pour ce continent.
Avec la fin de la guerre froide, les États-Unis se sont beaucoup préoccupés du Moyen-Orient, une région instable d'où ils importaient une forte proportion de leur pétrole. D'ailleurs, il est vraisemblable que c'est surtout pour sécuriser leurs approvisionnements en hydrocarbures qu'ils se sont portés à la défense du Koweït en 1991 et qu'ils ont attaqué l'Irak en 2003, une guerre dont ils ne sont pas encore sortis.
Washington et plusieurs entreprises américaines ont pris à l'égard de l'Afrique des engagements approchant les 40 milliards de dollars américains dans différents domaines : aide humanitaire, sécurité (développement de forces d'intervention et de technologies), construction d'infrastructures, etc.
Les États-Unis ont une importante côte à remonter en Afrique, le commerce entre les deux entités ayant glissé de 125 à 85 G $ US de 2011 à 2013, une baisse surtout due à la chute du prix du pétrole et du volume importé.
Les États-Unis reculent, la Chine avance
Au cours de la même période, le commerce entre la Chine et l'Afrique a progressé de 166 G $ US à 210 G $ US. L'écart entre la Chine et les États-Unis est aussi considérable sur le plan de leurs investissements directs en Afrique. Ceux des États-Unis y sont évalués à 89 G $ US, mais ceux de la Chine, à 206 G $ US.
Autre difficulté, les dirigeants africains voient les Américains comme de vils exploiteurs de leurs ressources naturelles. Leur perception à l'égard des sociétés chinoises est plus positive : les leaders africains estiment qu'elles créent de la richesse pour leur pays. La corruption facilite les relations et le développement des affaires, une façon de faire qu'une loi interdit aux sociétés américaines oeuvrant à l'étranger.
De 30 à 50 % de l'aide étrangère chinoise est dirigée vers l'Afrique. Cette aide a procuré beaucoup de petites infrastructures et d'équipements à des communautés locales. Il y aurait un million de Chinois en Afrique. On en trouve même dans des endroits reculés. Ils travaillent à des projets et exploitent des commerces.
Depuis 2000, la Chine a tenu cinq grands sommets avec l'Afrique. Les plus hautes autorités politiques chinoises y participent pour bien montrer l'importance qu'ils accordent à ce continent. La Chine a de fortes ambitions : porter à 400 G $ US son commerce avec l'Afrique. La Chine y voit un débouché pour ses produits (85 millions de ménages chinois auraient un revenu annuel de 5 000 $ US), mais aussi la possibilité d'y fabriquer des textiles, vêtements, appareils ménagers, etc., destinés aux marchés étrangers. La population de l'Afrique est jeune et croît rapidement, constituant un bassin de main-d'oeuvre considérable.
L'Europe, qui a colonisé la plupart des pays du continent noir, y dispose encore de forts tentacules, même si elle traîne une image de prédateur. L'Europe cultive néanmoins activement ses relations avec l'Afrique, avec laquelle elle a réalisé des échanges commerciaux de 450 G $ US en 2012, soit 37 % du commerce international du continent africain. La valeur des investissements des sociétés européennes en Afrique est d'au moins 300 G $ US (soit près de 50 % de tous les investissements étrangers dans ce continent).
Après la chute du mur de Berlin (en novembre 1989), l'Europe s'est tournée vers les pays de l'Europe de l'Est pour profiter de l'abondance ainsi que de la qualité et du faible coût de leur main-d'oeuvre. Toutefois, ayant constaté ces dernières années l'influence grandissante de la Chine en Afrique, l'Europe a renforcé ses activités de séduction auprès des Africains. En août dernier, elle a réalisé à Bruxelles un quatrième grand sommet auquel ont participé de nombreux chefs de gouvernement européens et africains.
Plusieurs autres pays, dont le Japon, l'Inde, le Brésil et la Turquie, ont aussi entrepris de séduire l'Afrique.
Au moment où plusieurs pays multiplient les initiatives pour participer à l'immense potentiel de développement du continent africain, Ottawa se contente de regarder passer le défilé. C'est à la fois regrettable et incompréhensible.