Il n’y a aucun doute que la situation des finances publiques requiert un coup de barre. Le gouvernement Couillard doit cependant se garder d’improviser (fusion de commissions scolaires), de profiter de la situation pour centraliser à outrance (système de santé) et de faire des compressions mal avisées (soutien du développement économique local).
Le pacte fiscal transitoire (ainsi nommé, car il ne vaut que pour 2015), qui se révèle maintenant une source de bisbille entre le gouvernement et plusieurs municipalités, prévoit une réduction de 40 millions de dollars des crédits alloués aux centres locaux de développement (CLD), que l’on retrouve à la grandeur du Québec, et aux corporations de développement économique communautaire (CDEC), qui existent à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières. Comme le budget de ces organismes avait déjà été amputé de 8 M$ le printemps dernier, ce sont maintenant 32 M$ qui seront partagés entre les munipalités régionales de comté (MRC), les villes qui prendront la relève et les CLD et les CDEC qui survivront. C’est une baisse de 60 % sur les 80,4 M$ que le gouvernement finançait. De leur côté, les MRC et les villes ont contribué cette année pour 31,2 M$.
Le pacte fiscal prévoit aussi l’abolition des conférences régionales des élus, dont les responsabilités seront transférées aux MRC, à des agglomérations et à certaines grandes villes.
Il en va toutefois autrement pour les CLD et des CDEC, qui sont des corporations privées constituées en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies. Cela veut dire que leur survie dépendra non pas directement du gouvernement, mais des villes et des MRC, qui pourraient leur couper les vivres en s’appropriant leurs budgets. Pour certains CLD, le transfert du développement économique local aux MRC leur enlèvera leur seule ou principale activité, ce qui devrait conduire à leur dissolution par leur conseil d’administration respectif. D’autres CLD survivront, mais seront affaiblis. Dans certaines MRC et certaines villes industrielles, où des sociétés de développement économique diversifiées avaient intégré un mandat de CLD, la mission de développement économique local pourra se perpétuer sans trop de mal.
Le cas de Montréal
La situation de Montréal est différente. L’île compte neuf CLD, créés dans les arrondissements issus des villes fusionnées, et neuf CDEC, dont trois (dans le Sud-Ouest, dans l’Est et dans le Centre-Sud) ont été fondées en 1985, soit bien avant l’avènement des CLD en 1997. Au fil des ans, le réseau des CDEC s’est aussi doté d’outils collectifs, tels un fonds de développement de l’emploi et un fonds de financement (créé avec le Fonds de solidarité). Certaines CDEC gèrent un Carrefour Jeunesse Emploi, financé par Emploi-Québec, des services d’aide aux entreprises en démarrage et de soutien à l’économie sociale, etc. À elle seule, la CDEC du Sud-Ouest, appelée communément le RESO, compte 50 employés. Ces gens-là ne se tournent pas les pouces.
Les CDEC œuvrent surtout dans des quartiers en redéploiement et reposent sur le dynamisme de leaders locaux, entrepreneurs, commerçants et autres acteurs des milieux sociaux et culturels.
Les CLD et les CDEC administrent aussi des fonds locaux d’investissement, qui bénéficient d’une enveloppe globale de 165 M$ pour l’ensemble du Québec. Dans certaines régions et certains quartiers, l’impact de ces entités est majeur. Celles-ci s’appuient sur un réseau de 3 000 bénévoles, souvent des gens d’affaires et des leaders du milieu communautaire, qui mettent leurs compétences et leurs réseaux au service des nouveaux entrepreneurs. Il serait contre-productif de torpiller cette dynamique.
À Montréal, les CDEC ont soutenu au fil des ans des centaines de projets dans les domaines économique, social et culturel, dont certains sont de véritables points d’ancrage et d’importants vecteurs pour ce qui est de la consolidation et de la revitalisation de certains quartiers, sans compter leur impact sur l’emploi et l’inclusion sociale.
Les dirigeants politiques qui auront à prendre des décisions sur le futur des CLD et des CDEC devront être extrêmement prudents. C’est très souvent sur le terrain que la véritable partie se joue, et non dans les officines des planificateurs. C’est aussi dans les PME qu’il se crée le plus d’emplois au Québec, sans oublier que ceux-ci coûtent beaucoup moins cher que certains emplois de filiales de grandes multinationales, dont le sort est souvent décidé à l’étranger.
Certes, c’est un cliché de dire qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais c’est bien la menace qui pèse sur plusieurs communautés, alors que le sort des CLD et des CDEC se trouve à la merci d’intérêts qui n’ont pas toujours à voir avec le développement économique local.
Le bilan désastreux de l’emploi au Québec depuis deux ans indique qu’il serait irresponsable de ne pas soutenir le développement économique local. Les CLD et les CDEC ont fait les frais du pacte fiscal Québec-municipalités. Il appartient à ces dernières de prendre la relève de Québec.
J’aime
Alors que les pays ne savent pas comment contrer l’attrait des paradis fiscaux, George Osborne, ministre des Finances britannique, vient d’annoncer « une taxe de 25 % sur les bénéfices générés au Royaume-Uni par les multinationales et qu’elles font sortir artificiellement du pays ». Cette « taxe Google » doit rapporter 1,8 milliard de dollars canadiens en cinq ans.
Je n’aime pas
Malgré les engagements répétés des gouvernements du Québec de ramener à 3 % du PIB de la province les dépenses de recherche et développement, ce ratio diminue depuis 2006, alors qu’il avait atteint 2,72 %. Selon l’Institut de la statistique du Québec, ce ratio a baissé à 2,27 % en 2012. Le Québec s’en tire mieux toutefois que les autres régions du pays, mais il est loin derrière d’autres pays, comme la Corée du Sud (4,36 %), Israël (3,93 %), la Finlande (3,55 %), la Suède (3,41 %), le Japon (3,35 %) et l’Allemagne (2,98 %).