La santé et les services sociaux comptent maintenant pour 49 % des dépenses de programmes du gouvernement du Québec. Cette part s'accroît sans cesse, de telle sorte que, si on laisse les choses aller, celle-ci finira par atteindre 55 %, 60 %, 65 %, etc. C'est une tendance intenable qu'il faut bloquer.
Il y a deux grands facteurs responsables de cette explosion. Le premier, c'est le vieillissement de la population. Alors que la chute brutale du taux de natalité a empêché le renouvellement de la main-d'oeuvre, les baby-boomers arrivent en masse à la retraite. Évidemment, il en coûte beaucoup plus cher pour s'occuper de la santé des personnes âgées que de celle des jeunes travailleurs.
La deuxième grande cause de l'escalade des dépenses de santé est le coût des nouvelles technologies et des médicaments. Ils prolongent la vie, mais coûtent cher. Contrairement à ce qui se passait il y a 50 ans, une personne peut maintenant subir plusieurs incidents de santé avant de mourir : une crise cardiaque, un cancer et finalement l'Alzheimer, en plus d'avoir été soignée longtemps pour des maladies chroniques - diabète, hypertension, arthrose - ou dégénératives. En échangeant des vies plus courtes et des morts plus rapides contre des vies plus longues et des morts plus lentes, un nombre croissant d'aînés accapareront une part accrue des budgets de santé.
Selon une récente étude de l'Institut C.D. Howe, le coût des soins de santé de longue durée assumé par nos gouvernements passera de 24 milliards de dollars, cette année, à 71 G$ en 2050 (en dollars constants). Quant à la part des soins payés dans le secteur privé, elle augmentera de 44 G$ à 116 G$ au cours de la même période. Il faudra beaucoup d'épargne.
Or, cette croissance des dépenses de santé surviendra alors que le nombre de personnes qui ont un emploi commencera à baisser et qu'elles seront de moins en moins nombreuses pour financer les soins de santé. Jusqu'où celles-ci accepteront-elles de payer pour l'acharnement thérapeutique auprès des aînés ? Après le défi financier, voilà un enjeu bioéthique de premier plan.Pour une meilleure gouvernance
Indépendamment des pressions à court terme, nos décideurs politiques et nos gestionnaires devraient prendre les moyens pour limiter la hausse des coûts de santé à la croissance du produit intérieur brut et à l'évolution de la démographie. En d'autres termes, il faudrait que les autres facteurs de croissance des coûts soient absorbés par des gains de productivité.
Il y a certes lieu de revoir la gouvernance du système de santé, comme le propose le ministre Gaétan Barrette, mais il ne s'agit là que d'un élément de réforme, même s'ils'impose.
Le regroupement de 182 établissements en 28 entités, dont 19 centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), l'abolition des agences, la suppression des conseils d'administration des établissements actuels et la suppression de 1 300 postes de bureaucrates sont tous des initiatives pertinentes. Les conseils des CISSS et des établissements qui seraient maintenus seraient moins nombreux, formés majoritairement de membres indépendants et rémunérés, ce qui serait une nette amélioration par rapport à la gouvernance actuelle.
Par contre, la forte centralisation du pouvoir entre les mains du ministre risque de politiser la gestion du système et de déresponsabiliser les dirigeants des futurs CISSS et des établissements de soins de santé. Il faut au contraire les responsabiliser et faire en sorte qu'ils rendent compte davantage.Optimiser, optimiser, optimiser
Même si la gouvernance dont rêve le ministre devait faire économiser 220 M$ par année à compter de 2017, il faudra bien plus que cela pour freiner l'explosion des coûts de santé.
Selon l'Institute for Healthcare Improvement, 20 % des dépenses de santé aux États-Unis pourraient être évitées. En appliquant la moitié de ce pourcentage au Québec, ce sont 2,5 G$ de gaspillage qui pourraient être évités, selon l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Toujours aux États-Unis, où le système est essentiellement privé, de 17 % à 30 % des interventions médicales pourraient être évitées. Il y en a sûrement trop aussi chez vous.
Voici quelques moyens d'optimiser la gestion des soins de santé :
> revoir le mode de rémunération à l'acte des médecins, qui n'incite pas à la modération ;
> instaurer un ticket modérateur dans les urgences des hôpitaux, comme cela se fait ailleurs ;
> contrer le surdiagnostic et ses dérivés, la surmédicalisation (tests, surmédication, etc.) ;
> déléguer plus d'actes médicaux à des infirmières et à des pharmaciens ;
> encourager les soins à domicile ;
> mieux gérer la sélection des médicaments assurés et regrouper leurs achats.
Il faudra certes du courage pour revoir nos façons de faire, mais le ministre Barrette a déjà prouvé qu'il sait négocier et convaincre. L'important budget de son ministère devrait l'inciter à faire plus que de revoir la gouvernance du système. C'est en effet dans l'optimisation de la livraison des soins que se trouvent les milliards d'économies que l'État cherche.J'aime
C'est payant d'étudier. Une étude de l'économiste Lawrence Katz de Harvard révèle que l'écart entre le revenu d'une famille de deux diplômés universitaires et celui d'un couple de diplômés d'un cours secondaire a augmenté de 30 000 $ US après inflation, de 1979 à 2012.
Je n'aime pas
Ottawa finançait près de 40 % des dépenses des programmes de santé des provinces dans les années 1970. Selon l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, cette part était rendue à 20,4 % en 2011-2012. Elle passera à une moyenne de 18,6 % pour les 25 années suivantes et à 13,8 % pour le quart de siècle qui suivra. Cette tendance inquiète. Non seulement Ottawa continue d'obliger les provinces à respecter les critères de sa loi sur la santé, mais il compte de plus en plus sur les provinces pour veiller à la santé des Canadiens.