BLOGUE. Les récentes semaines nous ont appris, que l’on vive au Québec ou en France, que la chasse aux riches est officiellement ouverte. La présente conjoncture économique, combinée à une dette et à des déficits qui ne cessent de croître, fait en sorte que les gouvernements se tournent de plus en plus vers les riches avec l’espoir que des politiques fiscales plus acérées puissent combler le manque à gagner.
Chose intéressante la définition de «ce qu’est un riche au Québec» semble, à tout le moins, se décliner à géométrie variable. Ainsi, dans son projet initial, celui qui comportait une clause de rétroactivité, le ministre Marceau définissait les riches comme étant les citoyens gagnant plus de 130,000$.
Sans revenir sur les chiffres qui ont largement été diffusés, ces riches, au Québec, représentent à peine 5% de la population. Or, après avoir reculé sur sa promesse d’abolir la «taxe santé» le ministre Marceau se ravisait en déclarant qu’il y avait essentiellement trois catégories de revenus. Ceux gagnant moins de 20,000$, ceux gagnant entre 20 et 40,000$ et enfin ceux gagnant plus de 40,000$ ces derniers ayant été qualifiés par le ministre non pas de riches, mais de «plus fortunés».
En l’espace de quelques semaines on venait de passer d’un cheptel représentant 5% de la population à un cheptel en représentant près de la moitié. Le pâturage venait de s’agrandir. Bref on le voit bien on n’est avant tout riche que par rapport aux autres, notamment quand vient le temps de définir des politiques fiscales.
Je ne souhaite pas reprendre le débat de la richesse au Québec, d’autre le font bien mieux que je ne saurais le faire. Je me limiterai uniquement à redire que s’il y a une statistique sur cette question qui nous interpelle c’est bien celle montrant qu’il y a moins de riches au Québec, alors que ceux qui le sont moins que leurs congénères du reste du Canada.
Honte! dirons certains pour qui le fait d’avoir moins des riches équivaut à une perte pour notre société. Honte! dirons les autres pour qui le seul fait que des riches continuent à vivre au Québec est la preuve que la longue marche devant nous mener à l’équité sociale n’est par achevée.
Les «riches» ne dépensent pas nécessairement plus
Pour ma part, la question que je me pose depuis le début de ce débat est différente. La question qui m’allume est la suivante: mais que peuvent bien faire les riches de toute cette richesse? Cette question, bien que naïve en apparence, sert de révélateur aux deux grands préjugés qui se situent à la base de la position que l’on a par rapport aux riches.
Pour certains, les riches sont, par le biais de leur consommation ou de leurs investissements, les caryatides de notre économie. Pour d’autres ce sont au mieux des bouffeurs de ressources au pire des goinfres. Or qu’en est-il en réalité?
Statistique Canada publie depuis des décennies l’une des séries les plus intéressantes et les plus utiles que je connaisse. Nous y reviendrons souvent au cours de mes prochaines chroniques. Cette série, basée sur l’Études des dépenses des ménages au Canada (EDM), nous donne le profil de ce que consomment les Canadien et les Québécois et ce, année après année, le tout ventilé selon diverses variables socio démographiques dont les quintiles de revenus.
On y publie les dépenses moyennes pour plus de 2000 catégories de biens et de services. Le tableau, en lien à ce blogue, présente la dépense moyenne des ménages Québécois pour les principales catégories de produits et de services ainsi que les dépenses moyennes pour les ménages se situant dans le cinquième quintile de revenus, soit les 20% les plus riches.
Précision dès le départ que les revenus moyens des ménages québécois étaient, en 2010 de 70,000$ et que les revenus du quintile supérieur se situaient, en moyenne, à 140,000$. De manière simplifiée on peut donc dire que les riches, au Québec, soit les 20% de la population qui gagnent les revenus les plus élevés, gagnent en moyenne le double du ménage québécois moyen. On pourrait donc s’attendre à ce qu’ils dépensent le double de ces derniers, en bref une variation de 100% par rapport à la moyenne.
L’observation attentive de la donnée de Statistique Canada nous indique qu’au total, bien que les ménages les plus riches du Québec gagnent le double du ménage moyen, leur consommation de produits et de services est loin d’être le double de celle du ménage moyen.
Si pour tous ces produits il dépasse la dépense moyenne, il ne la dépasse rarement de plus de 50%. Ainsi, pour un dollar dépensé en épicerie par le ménage moyen, le ménage riche en dépense 1,45$. Pour l’habitation, pour 1$ dépensé par le ménage moyen, le ménage riche ne dépense 1,55$. En restaurants, pour 1$ les riches dépensent 1,77$ et enfin pour les vêtements pour 1$ dépensé par le ménage moyen les riches en dépensent 1,84$. Bref, si les riches dépensent plus on est assez loin de parler de sur consommation et encore moins de goinfrerie.
Alors se pose la question: que font donc les riches de tout leur argent? Puisque leurs revenus sont le double de celui du ménage moyen et que, sur les principaux produits et services, leurs dépenses sont loin de représenter le double, ils doivent bien en faire quelque chose!
La réponse on la connaît. Les riches paient de trois à quatre fois plus d’impôts que la moyenne des ménages, ils investissent 2,3 fois plus dans leurs épargnes notamment dans leur fonds de retraite, deux fois plus dans leur éducation ou celle de leurs enfants et donnent deux fois plus à des causes caritatives. En somme, les riches du Québec ont en quelque sorte la vie que l’on décrirait au sujet de la classe moyenne dans bien d’autres régions du Canada. Par leurs impôts ils contribuent à l’équité sociale et par ce qu’ils réussissent à investir ils contribuent au développement économique.
Certes des privilégiés mais surement pas des goinfres!