Le nouveau ministre fédéral des finances, Joe Oliver, doit-il faire preuve de réserve face à la concurrence que se livrent les banques sur les taux d'intérêts, ou devrait-il, à l'instar de son prédécesseur Jim Flaherty, être beaucoup plus proactif?
La question est dans le marché ces jours-ci à la suite d'un commentaire d'un gestionnaire de la Sun Life à l'agence Bloomberg.
"L'ancien ministre Flaherty n'aurait jamais permis aux taux d'intérêt d'aller aussi bas", soutient Sadiq Adatia, chef des investissements chez Sun Life Global, un fonds de 8,1 G$. La critique n'y va pas par quatre chemins.
Au cours du printemps, les taux d'intérêt cinq ans sont descendus sous les 3%, et contribuent désormais à alimenter davantage ce qui semble être une surchauffe de l'immobilier dans plusieurs régions du Canada. Au mois de mai, par exemple, la valeur de la maison moyenne sur le marché de la revente à Toronto a augmenté de 8,3%, selon Realtors.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Joe Oliver dit suivre la situation. Au mois de mars 2013, dans une situation identique, l'ancien ministre Flaherty avait cependant demandé à son personnel de téléphoner à Manuvie. Celle-ci venait d'annoncer que son taux fixe cinq ans passait de 3,09% à 2,89%. Les taux étaient immédiatement remontés au-dessus des 3%.
Monsieur Adatia redoute que l'endettement des ménages ne continue de s'accroître à la faveur de taux encore plus faibles. Il vaudrait mieux à son avis amener les ménages à se désendetter. Les taux devraient grimper pour que le consommateur comprenne que l'environnement est inflationniste, dit-il. S'ils demeurent bas, la chute des prix de l'immobilier risque d'être plus brutale plus tard parce qu'elle partira d'un niveau encore plus élevé. L'endettement, lui, demeurera (à un niveau plus élevé qu'aujourd'hui) et son coût aura évidemment augmenté.
Que doit faire Joe Oliver?
Que doit faire Joe Oliver?
C'est une situation difficile pour le ministre des finances actuel. La sortie de monsieur Flaherty, l'an dernier, nous avait quelque peu fait sourciller. C'était la première fois que l'on voyait un gouvernement intervenir pour empêcher la concurrence de jouer. C'est d'ordinaire plutôt l'inverse.
Il est vrai cependant que la situation commence à être préoccupante.
Au même moment où le gestionnaire de la Sun Life faisait sa déclaration, l'ancien conseiller économique de Ronald Reagan et professeur de Harvard, Martin Felstein, écrivait dans le Wall Street Journal que l'inflation menaçait de nouveau les États-Unis. De évaluations préliminaires laissent entendre que depuis février elle grimpe au-dessus des 2%, alors que la Fed planifie qu'elle demeurera sous les 2% jusqu'en 2016.
Si les prochains mois confirment la tendance, on peut se demander si les taux à long terme ne se mettront pas bientôt à grimper plus fortement que ne l'anticipent les autorités monétaires (les investisseurs demanderont du rendement pour compenser l'inflation). Ce qui risque de causer un choc plus important que celui que l'on anticipait et que l'on croyait pouvoir gérer.
On n'est personnellement pas très chaud à voir un ministre des finances intervenir directement dans un secteur pour diminuer la concurrence. Il serait cependant avisé que monsieur Oliver ne se limite pas à dire qu'il suit la situation et qu'il mette plus fortement le consommateur en garde contre les dangers d'un endettement excessif.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT