Le gouvernement du Québec confirme finalement le financement de la cimenterie McInnis de Port-Daniel. Bonne ou mauvaise nouvelle? Plutôt bonne, mais il y a 100 M$ en trop d'argent public.
Ce qui nous avait le plus surpris lors de l'annonce du projet de 1,1 G$, en mars, c'est une déclaration de Laurent Beaudoin à l'effet que le gouvernement du Québec avait demandé à avoir une participation en actions de 100 M$. En plus du prêt de 250 M$ effectué par Investissement Québec. Autrement dit, la Caisse de dépôt et la famille Beaudoin, qui sont les principaux actionnaires du projet, ne croyaient pas avoir besoin de ce 100 M$ et avaient refait leur montage financier pour accommoder le désir du gouvernement d'être actionnaire.
Avec tout le bruit entourant la révision du projet, quelque chose nous disait que Québec cherchait sans doute à se désengager de cette participation.
En entrevue, le ministre Jacques Daoust a reconnu que c'est ce qu'il aurait souhaité. Il a toutefois précisé que la chose s'était avérée impossible à cause du niveau d'avancement du projet. "On ne peut pas changer les règles de la partie de hockey à la fin de la troisième période", nous a-t-il dit.
Traduction: pour une raison ou une autre, les actionnaires initiaux ne semblaient pas être prêts à remettre plus d'argent dans le projet.
Dommage. Ce n'est pas le rôle de l'État d'investir dans des projets spécifiques (et de mettre du capital à risque) lorsque des investisseurs privés sont prêts à le faire.
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Un projet identique?
Le montage financier du projet ne change donc pas. Le projet révisé par le gouvernement libéral est-il dans ce cas identique à celui approuvé par le gouvernement péquiste?
Pas tout à fait. Il semble y avoir des exigences supplémentaires en cas de dérapage. Ainsi, comprend-t-on, la Caisse et la famille Beaudoin seront forcées de décaisser l'ensemble de la mise qu'ils ont annoncé. Ils ne pourront se retirer en n'ayant décaissé par exemple que le quart de leur promesse. Pareille mesure permettra d'avancer davantage le projet et lui accordera une meilleure valeur de revente ou d'attraction de nouveaux investisseurs.
Québec dit aussi qu'il est plus satisfait de la conformité du projet aux règles internationales du commerce. "Les taux d'intérêt que recevra Investissement Québec sont similaires à ceux que recevraient une institution privée spécialisée dans du financement à risque. Il n'y a pas d'aide de consentie", a dit monsieur Daoust.
Ce n'est pas vraiment un changement de situation par rapport à ce qui était sous le gouvernement péquiste, mais c'est une précision intéressante dans l'histoire. Le fait qu'il n'y ait pas au Québec d'institutions privées prêtes à prendre le risque senior d'Investissement Québec ne devrait pas être vu comme un avantage indu accordé par l'État.
La décision de poursuivre le projet est-elle justifiée?
La décision de poursuivre le projet est-elle justifiée?
Il est assuré qu'elle ne fera pas l'affaire des autres cimentiers du Québec, et même de ceux du nord-est américain, territoire sur lequel doit principalement être vendu le ciment de McInnis.
Aux dernières nouvelles, les cimenteries québécoises tournaient à 60% de leur capacité. Et une étude commandée par l'industrie prévoit que l'industrie nord-américaine du ciment demeurera en situation de surcapacité jusque vers 2020-21. McInnis doit, elle, entrer en production à compter de 2016.
On peut comprendre les cimenteries d'ici de ne pas voir d'un bon œil l'arrivée de Port-Daniel. Même si McInnis dit ne viser que le nord-est américain et les maritimes, près de 30% du ciment québécois actuel prend la direction du nord-est américain.
Deux ou trois choses amènent cependant à juger pertinente la décision de Québec d'aller de l'avant.
Dans le contexte d'une éventuelle fusion Holcim-Lafarge, il est loin d'être assuré que les cimenteries québécoises seront de toute façon aussi nombreuses dans deux ou trois ans. Si une industrie ne fonctionne qu'à 60% de sa capacité, et que son principal marché (le Québec) ne donne pas signe d'une très grande reprise, il est probable qu'à la suite d'une fusion on préférera consolider la production dans les installations les plus performantes.
S'ajoute le fait que le principal acheteur de ciment au Québec, Béton Provincial, est réputé importer à peu près tout son ciment par bateau, parfois même de l'Asie.
Si l'Asie est capable de venir vendre du ciment de façon concurrentielle par bateau au Québec, on voit mal comment Port-Daniel, qui devrait être l'une des cimenteries les plus performantes du continent, ne serait pas en mesure de se tailler une place avec de bonnes marges sur le nord-est américain.
Dit autrement, Port-Daniel a peut-être effectivement le potentiel de faire disparaître un certain nombre d'emplois, mais, dans le contexte de la fusion Holcim-Lafarge, et celui d'un positionnement concurrentiel douteux de l'industrie, il a aussi celui d'en créer de solides pour remplacer ceux qui chancellent et risquent prochainement de tomber.
La décision du gouvernement semble la bonne.
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