«Il faut acheter quand le sang coule dans les rues» aurait apparemment déclaré le baron Nathan Rothschild, au lendemain de la bataille de Waterloo. Serait-ce le moment de suivre la maxime en ce qui concerne le secteur pétrolier ?
Depuis juin, le baril de pétrole est fortement secoué sur les marchés. De 115 $ US, le Brent se négocie aujourd'hui à environ 83 $ US. De 107 $ US, le WTI ne vaut plus que 77 $ US.
Au cours de la même période, le sous-indice pétrole et gaz de la Bourse de Toronto est en baisse de plus de 20 %.
Que se passe-t-il ? La production a trop d'élan et il y a des craintes que l'économie en manque.
Voyons-y plus en détail.
À quoi ça ressemble actuellement
La demande mondiale anticipée par l'OPEP en 2014 est de 91,2 millions de barils par jour (Mb/j), et le cartel doit en fournir 29,5 Mb/j. En septembre, la production de l'OPEP est montée à 30,96 Mb/j, dit Josef Schachter, de Maison Placement Canada. L'organisation produit maintenant près de 1,5 Mb/j de trop, et le marché en a pris note.
Ce à quoi ça pourrait bientôt ressembler
L'augmentation de production de l'OPEP en septembre est venue principalement de la reprise des exportations de la Libye et d'une augmentation de celles de l'Irak.
Des discussions fort complexes ont actuellement cours entre l'Irak et le Kurdistan, qui pourraient amener au moins 400 000 barils supplémentaires.
L'offre des pays non membres étant pour l'instant conforme aux attentes, l'excédent de production de l'OPEP devrait, en fin d'année, être de 2 Mb/j. Davantage, si la demande mondiale faiblit, comme le redoutent certains.
Les conséquences
À première vue, le problème ne semble pas si important. L'excédent n'équivaut qu'à 2 % de la demande mondiale.
Les choses se compliquent cependant lorsqu'il s'agit de regarder qui réduira sa production. Historiquement, l'OPEP s'est toujours chargée de l'affaire. Les prix demeurant forts, les pays non membres n'avaient qu'à continuer de produire. Si, comme par le passé, c'est à l'OPEP de réduire, l'effort grimpe à 7 % (2 Mb sur 29,5). C'est plus senti. Surtout, il n'est plus clair que ce soit finalement dans son intérêt.
Comment mater les Canadiens et les Américains ?
C'est que la recette commence à semer des doutes dans les esprits de bien des pays membres. De 37,5 % qu'elle était en 2009, la part de marché de l'OPEP a aujourd'hui glissé à 32 %. Et certains voient mal comment la glissade pourrait s'interrompre si l'on continue de réduire la production pour maintenir des prix élevés. Le Canada cherche en effet de plus en plus à accroître sa production bitumineuse. Les États-Unis aussi augmentent radicalement leur production.
Bien qu'elle n'ait pas fait de déclaration formelle, l'Arabie saoudite est réputée pour ne pas vouloir abaisser ses volumes et souhaiterait que les prix demeurent autour de 80 $ US le baril. Elle serait prête à faire moins d'argent afin de protéger ses parts de marché. L'Arabie compte pour le tiers de la production de l'OPEP. Le Koweït, qui fournit 10 % de la production du cartel, partage apparemment la position de l'Arabie. C'est dire que la réduction à absorber pour les autres producteurs monte maintenant à au moins 12 % de leurs volumes actuels. Ça devient trop pesant et injuste pour les autres.
Que faire dans les circonstances ?
La situation n'est pas aisée pour l'investisseur. Cependant, elle pourrait représenter une occasion intéressante.
Quelques chiffres.
Le Fonds monétaire international estime que l'Arabie saoudite a besoin d'un baril à environ 84 $ US pour que le budget du pays soit équilibré. D'autres pays, comme le Venezuela et l'Iran, ont besoin d'un prix plus élevé. La maison Edgecrest Capital note que le coût d'un certain nombre de projets de sables bitumineux au Canada ou de pétrole de schiste aux États-Unis est autour de 80 $ US le baril.
On le voit, il y a quelques motifs pour que les prix ne descendent pas beaucoup plus bas. À 80 $ US le baril, la croissance de la production américaine et canadienne devrait être freinée. Plus bas, l'Arabie serait forcée de procéder à des compressions budgétaires importantes.
Pendant ce temps, une majorité d'analystes estiment que les cours actuels des titres pétroliers tablent sur un prix du pétrole d'environ 80 $ US à 85 $ US le baril (Brent).
Dit autrement, la valeur des actions semble alignée sur ce qui pourrait être un prix plancher à long terme et, conséquemment, être également à un prix plancher.
On se garderait de soutenir qu'à court terme, la descente est terminée. Les craintes d'une inaction de l'OPEP pourraient s'intensifier à l'approche de sa réunion du 27 novembre. Lorsque la panique s'installe, il n'est pas rare de voir le marché donner dans l'excès.
À long terme, le risque semble cependant limité. Et il est probable que l'on assistera dans le futur à des problèmes d'interruption ou de reprise économique qui, pour un temps, redonneront de l'élan au secteur.
Qui jouer ?
BMO Marchés des capitaux s'est intéressée à une situation où le pétrole oscillerait entre 80 $ US et 90 $ US le baril en 2015. Elle aime bien notamment les titres suivants : Canadian Natural, Cimarex Energy, Concho Resources, Enerplus et Suncor.
Sur le radar
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Canadian Natural Resources
2 Conserver
5 Acheter
15 Surperformance
1 Sous-performance
Cours cible : 50,65 $
Source : Bloomberg