Nouveau rebondissement dans le dossier Osisko. La Caisse de dépôt et le Fonds de pension du Canada se retirent et Agnico-Eagle fait désormais équipe avec Yamana. Conclusion: le Québec minier fait un pas en arrière et on est sur le point de véritablement savoir avec quelle force bat le cœur nationaliste de Québec inc.
D'abord un regard sur les offres en présence et sur qui l'emportera.
Qui l'emportera?
C'est un peu technique, mais seulement pour quelques paragraphes. On revient rapidement au plus important.
Officiellement, le tandem Yamana/Agnico-Eagle offre 8,15$ par action d'Osisko alors que Goldcorp offre 7,65$.
Ces chiffres sont cependant mobiles en raison des composantes en actions de chacune des offres. Ainsi, en journée mercredi, le titre d'Agnico-Eagle a perdu 8% sur la nouvelle, ce qui a fait diminuer la valeur de son offre. Pendant ce temps, l'action de Goldcorp reprenait du terrain perdu, ce qui venait valoriser la sienne.
À la clôture de la journée, l'offre de Goldcorp était à 7,37$, et celle de Yamana/Agnico à 7,85$. Il n'est pas si évident que la proposition de Yamana/Agnico est nettement plus élevée. Les analystes sont plus optimistes sur le titre de Goldcorp dans l'avenir que sur celui d'Agnico-Eagle (ce qui donne un peu plus de levier à la première offre). S'ajoute le fait que l'offre du tandem comporte une nouvelle action d'Osisko, dont la valeur, de 1,20$, est incertaine (puisqu'elle ne se négocie pas encore au marché).
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L'offre de Yamana/Agnico est probablement celle que préféreront les investisseurs, mais il ne faudrait pas nécessairement une très forte majoration de celle de Goldcorp pour que le vent ne tourne.
Souhaitons Yamana-Agnico, mais le mal est fait
Pour le Québec il est préférable que l'offre de Yamana-Agnico soit celle choisie par les actionnaires.
La transaction ferait en sorte que le siège social d'Osisko survivrait.
On dit "survivre", car c'est bien de cela qu'il s'agit.
C'est certes une bonne transaction que réalise la direction d'Osisko dans les circonstances.
La nouvelle entité serait constituée de la propriété mexicaine Gerrero, qui est jugée prometteuse. Elle compterait sur 155 M$ d'encaisse, et sur un flux de revenus équivalent à 5% de la production annuelle de la mine Malartic. À 1 300$ US l'once d'or, c'est probablement autour de 40M$ par année de rentrées. Le rêve de toute société d'exploration.
Le malheur est que c'est effectivement ce que devient Osisko: une société d'exploration aux coffres bien garnis, mais une société d'exploration quand même. C'est un important pas en arrière pour celle que l'on considérait comme l'espoir aurifère du Québec.
Osisko était en bonne partie constituée de l'ancienne équipe de Cambior, et il était espéré qu'avec la mise en service de Malartic, elle pourrait s'appuyer sur les importants revenus de la mine et prendre de l'expansion au Québec et de par le monde.
Il faut cette fois pratiquement recommencer à zéro.
Il ne s'agit pas de dire qu'Agnico-Eagle n'a pas une forte représentation québécoise dans ses rangs. Elle a trois mines au Québec (Goldex, Lapa, LaRonde) et ceux qui connaissent l'industrie savent que son équipe québécoise veut très fort pour la province. Malheureusement, ce n'est pas cette équipe qui est chargée de l'allocation du capital, et ce n'est pas au Québec que grandira le siège social d'Agnico-Eagle.
La Caisse pouvait-elle faire plus?
La Caisse pouvait-elle faire plus?
Certains ont laissé entendre que la Caisse de dépôt n'avait pas fait assez dans ce dossier et que l'échec du sauvetage d'Osisko lui était en partie imputable.
C'est être injuste envers la Caisse.
De concert avec la direction d'Osisko, elle a en effet fait montre d'une grande créativité pour tenter de préserver le siège social. La bouchée était simplement trop importante.
Pour s'assurer de la conservation du siège social à Montréal, il fallait obligatoirement qu'un groupe d'actionnaires contrôle 50% +1 de la société. Avec une capitalisation boursière de plus de 3 G$, c'était plus de 1,5 G$ qu'il fallait trouver chez des investisseurs non-minier (une minière ne viendrait pas sous les 50% et la faire entrer à plus de 50% signifiait la disparition automatique du siège social…). Or, quel avantage pouvait bien avoir un investisseur ordinaire à entrer à prime au capital d'Osisko? Aucun.
Il aurait fallu que la Caisse y aille d'un investissement dépassant nettement le milliard de dollars. Une entrée à prime, avec de nombreux risques de recul subséquent, qu'il n'aurait pas été sage de faire porter au patrimoine des déposants.
Pour mettre en oeuvre le deuxième objectif de sa mission (développement économique), la Caisse serait alors allée à l'encontre du premier (rendement).
Alors, où en est-on?
Vraisemblablement de retour à cette proposition qui consiste à donner plus de pouvoir aux conseils d'administration pour bloquer une offre d'achat lorsqu'ils considèrent que celle-ci n'est pas dans l'intérêt des parties prenantes (actionnaires, employés, créanciers, milieu).
Au lendemain du dépôt du rapport Séguin, le ministre des finances, Nicolas Marceau, se proposait d'introduire une disposition du genre dans la loi québécoise. Le mécanisme aurait cependant été optionnel, les huit sociétés publiques constituées en vertu de la loi du Québec (Metro, Cominar, Richelieu, Rona, Amaya, Semafo, Uni-Sélect et Canam) ayant la possibilité de l'incorporer à leurs statuts ou non.
La balle est donc aujourd'hui dans trois camps:
-celui du Parti libéral, dont on ne connaît pas trop la position sur le sujet, mais qui devra décider s'il permet aux CA de bloquer des OPA au motif qu'elles sont inadéquates;
-le camp des huit sociétés québécoises, qui devront accepter d'incorporer ce mécanisme à leurs statuts;
-le camps, enfin, des 17 sociétés québécoises incorporées en vertu de la loi canadienne (SNC, Dollarama, Gildan, CAE, etc.), qui devront faire pression pour que le cadre réglementaire soit aussi amendé dans le reste du Canada.
Il ne s'agit pas de dire que les conseils d'administration devraient bloquer toutes les OPA. Seulement se donner les moyens de mieux apprécier le pour et le contre. Et permettre que des organisations comme celle d'Osisko, qui croyait pouvoir bâtir plus de valeur pour les actionnaires à long terme que ce qu'ils reçoivent aujourd'hui, puissent pouvoir mener leur plan de match à terme.
Intéressant débat à venir, qui devrait bientôt permettre de voir si le cœur nationaliste de Québec inc. bat encore avec autant de force que jadis.
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