«Qu'êtes-vous donc allez voir ? Un prophète ? Oui vous-dis-je, et plus qu'un prophète...» - Luc 7 : 26-28
Voici revenu le moment où le prophète sort ses feuilles de thé, et demande éclairage aux hautes instances célestes pour tenter d'anticiper la direction que prendra le troupeau dans les prochains 12 mois.
C'est chaque année l'exercice le plus difficile du prophète, et il est contre-indiqué pour tout investisseur sérieux. L'investisseur ne devrait pas en effet rechercher le rendement à court terme. Il devrait plutôt essayer de repérer des sociétés qui ont un rendement incertain sur un an, mais qui, sur une plus longue période (cinq ans), ont un potentiel quasiassuré. L'approche est moins risquée parce que les multiples sont plus faibles. Ils multiplient en outre le rendement lorsqu'ils se redressent dans le temps.
Puisque la fonction réclame un pronostic, allons-y néanmoins.
Mais d'abord, un retour sur la prophétie 2014.
Ce qu'on avait prédit
Le consensus de Bloomberg prévoyait une progression des bénéfices de 10,5 % aux États-Unis et de 13 % au Canada.
Nous étions assez d'accord avec la prévision pour le marché américain et avions décidé d'adopter le consensus. Les perspectives économiques étaient nettement meilleures que dans les mois précédents, et quelque chose nous disait que le moteur de l'oncle Sam était sur le point d'accélérer.
Bingo ! À quelques semaines de la fin de l'année, le consensus 2014 fait état d'aujourd'hui d'une progression de 11 % des bénéfices par rapport à notre cible initiale. On est en plein dessus.
En ce qui concerne le Canada, nous étions en désaccord avec le consensus et avions plutôt choisi d'opter pour une progression des bénéfices de 8 %. Il semblait difficile d'imaginer que le Canada puisse offrir une croissance des profits supérieure à celle du marché américain, alors que ce marché devait être la locomotive économique.
Ça regarde mal pour le prophète : le consensus des analystes pour 2014 au Canada prévoyait une progression de 13 %. On cherche encore l'erreur.
Cela dit, ce n'est pas sur les bénéfices que se joue la réputation du prévisionniste. Plutôt sur les indices.
Aux États-Unis, on prévoyait un indice S&P 500 autour de 2 015 points, en hausse de 12 %. Au Canada, le pronostic pour le S&P/TSX était pour un gain de 13 %, à 15 100 points.
Résultat des courses ?
À quelques jours de la ligne d'arrivée, le S&P 500 est à 2 070 points et le S&P/TSX, à 14 746 points. L'indice américain devrait être en hausse de 14,5 %, tandis qu'on prévoyait 12 %. L'indice canadien devrait avancer de 11 %, alors que l'on avait prédit 13 %. L'honneur est sauf : prophétie un peu loin du centre, mais somme toute dans la cible.
La prophétie 2015
Ce qui nous amène au plus difficile de l'exercice.
Le consensus des analystes pour 2015 fait état actuellement d'une progression des bénéfices d'un peu plus de 8 % aux États-Unis et de 9,5 % au Canada.
C'est surprenant.
Quelque chose nous dit qu'au cours des prochaines semaines, les espoirs canadiens vont reculer à la suite de la récente décision de l'OPEP de ne pas abaisser sa production.
Parce que les titres énergétiques représentent plus de 20 % de l'indice S&P/TSX, c'est un fort contingent de l'indice qui, malgré les ventes à terme, pourrait reculer de façon sentie en cours d'année. Il serait donc tout aussi étonnant que les bénéfices de l'indice TSX avancent plus que les bénéfices du S&P 500.
De combien progresseront les bénéfices du TSX ? On ira ici à contre-courant du consensus en le réduisant de moitié : 5 %.
Aux États-Unis, pendant ce temps ?
À 8 %, le consensus nous semble un peu faible, étant donné un PIB qui devrait être en croissance d'environ 2,7 %. Les bénéfices doivent en effet bondir de 11 % en 2014, alors que le PIB devrait progresser de 2,2 %. On tablera donc sur un bond de 10 %.
Cela veut dire un bénéfice 2015 qui devrait se situer à environ 130 $ aux États-Unis et à 975 $ au Canada.
Il reste maintenant à choisir un multiple à accoler à chacune des prévisions.
Historiquement, le marché s'est négocié à 15 fois les bénéfices en moyenne. Il est actuellement à plus de 17 fois la prévision de 2014 aux États-Unis, et à près de 16 fois au Canada. Chez l'oncle Sam, notre sentiment est que ce niveau supérieur d'optimisme sera encore présent lorsque l'on tournera la dernière page du calendrier 2015. Les taux d'intérêt ne devraient pas remonter de manière effrénée. Si les autorités monétaires décident de resserrer les conditions de crédit, c'est que la croissance économique sera sur une bonne lancée et que l'on agira pour prévenir une surchauffe dans les années à venir. On garde le multiple de 17 pour les États-Unis. Au Canada, on adopterait plutôt le multiple moyen de 15.
Ce qui veut dire que le S&P 500 devrait terminer 2015 autour de 2 210 points, en progression de 6 % à 7 %. Le S&P/TSX devrait de son côté finir 2015 à 14 625 points, en recul de 1 %.
«Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux , et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines...» - 1 Timothée 6 :17