" Les résultats de 2010 ont été décevants en raison de plusieurs FACTEURS EXTERNES, y compris : une dette des consommateurs qui atteint un niveau jamais vu et qui touche les dépenses dans la majeure partie des gros articles (électroménagers), un automne chaud qui a diminué les ventes de plusieurs catégories de vêtements, une industrie qui continue d'offrir de forts escomptes. "
Tel est le communiqué de Sears Canada, publié il y a quelques jours, dans lequel la société tente d'expliquer le recul de plus de 25 % de ses bénéfices au dernier trimestre.
Voici une petite histoire de vie
Des facteurs externes, dit-on, n'est-ce pas? Voici une petite histoire vécue.
Décembre 2010, c'est la course au stationnement dans un centre commercial. On tourne depuis quelques minutes.
- Tiens, allons de l'autre côté, vers chez Sears. Les allées de leurs magasins sont souvent encombrées, mais celles de leur stationnement, beaucoup moins...
Quelques minutes plus tard, surprise, voici un habit qui nous convient.
Et le conseiller qui offre en prime un rabais de 20 $ sur des vêtements de marque Levi's, valable quelques semaines plus tard.
- Ah, intéressant. Ils sont fins stratèges. Ils te forcent à revenir plus tard dans le magasin en pariant qu'ils t'accrocheront avec autre chose. Pas fou.
Quelques semaines plus tard, en passant au hasard devant un autre Sears : " C'est vrai, les 20 $, allons voir... " Constat : un seul (et minuscule) étalage Levi's. Rien de potable.
Même scénario, la fin de semaine suivante, dans un autre Sears. Comme le coupon arrive à échéance, on achète finalement une chemise. " On la mettra pour aller dans le bois. "
Au moment de s'éloigner, les haut-parleurs annoncent que tous les clients se présentant à l'allée XYZ auront droit à un cadeau surprise, qui n'est pas encore vendu en magasin. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Roulement de tambour : un nouveau tissu pour nettoyer les verres de lunette. Présenté par une employée de Sears... uniquement en anglais.
Direction, la caisse centrale :
- Je viens me plaindre de la promotion du cadeau. Tout ça s'est fait uniquement en anglais.
Réponse de la préposée : vous voyez bien que ce n'est pas vraiment un cadeau !
Tout un coup de barre à donner
On le voit, ce ne sont pas que des facteurs externes qui posent problème chez Sears. Depuis plusieurs années déjà, l'entreprise désinvestit dans son personnel et ses établissements, au point où elle affiche maintenant de très nettes carences organisationnelles. Un exemple : les dépenses annuelles en capital chez Sears en 2004 s'élevaient à 161 M$; elles sont aujourd'hui de 52 M$.
Les choses pourraient cependant être sur le point de changer, du moins s'il faut en croire un récent article du Globe and Mail.Sears Canada vise une clientèle plus jeune en adoptant la stratégie du détaillant britannique John Lewis. Celui-ci a réussi à renaître en partie en attirant de jeunes familles avec une nouvelle offre de produits de marques privées et de marques connues, pour tous les âges.
Baptisé Modern Shop, le concept a jusqu'à maintenant été implanté dans 43 des 122 établissements visés de Sears Canada. Autour de la nouvelle marque privée Attitude, qui vise les trentenaires, on fait graviter des marques plus connues comme Calvin Klein, Guess, Buffalo, tout en conservant la ligne Jessica, qui vise une clientèle plus âgée.
Est-ce que le virage fonctionnera ? Peut-être. Le hic, c'est qu'arrive aussi une dénommée Target, qui semble viser à peu près la même cible. Il n'est pas du tout évident que, malgré ses efforts, Sears sera capable de maintenir un niveau de clientèle semblable.
Aux États-Unis, où elle doit déjà concurrencer Target, la société-mère Sears Holding ne parvient pas à obtenir de résultats.
Jouer sur Sears malgré tout ?
Jusqu'à preuve du contraire, l'objectif d'Edward Lampert, actionnaire de contrôle de Sears Holding, qui détient 92 % de Sears Canada, semble être de pomper les capitaux canadiens vers la société-mère. En font foi, deux dividendes spéciaux de 3,50 $ par action (chacun) déclarés en 2010 (plus de 750 M$).
Keith Howlett, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, note que, malgré les difficultés opérationnelles, les flux de trésorerie de la société demeurent importants et que d'autres dividendes spéciaux pourraient être sporadiquement déclarés. Ce qui pourrait satisfaire certains investisseurs.
Possible, mais on passerait quand même notre tour. Jusqu'à ce que Sears réussisse à remplir... son stationnement.
francois.pouliot@transcontinental.ca