Quebecor aura donc passé au fil le tandem BCE-evenko. Qui fait la meilleure affaire: la Ville de Québec ou Quebecor?
Voyons-y.
Ce qu'obtient la Ville
S'il ne vient pas d'équipe de la LNH à Québec, le maire Labeaume estime que sur 20 ans, il n'en coûtera en moyenne aux contribuables de la Ville que 600 000$ par année. S'il vient une équipe, la Ville devrait faire près de 5 M$ de bénéfices.
Ce n'est pas le portrait de situation que l'on préfère. Le calcul tient notamment compte de la récupération qu'obtiendra la Ville en sabrant dans ses services. Il ajoute aussi une tarification supplémentaire de billets (4$). Ce qui n'est pas automatiquement à mettre en relation avec le coût réel du bâtiment pour le milieu.
Cela étant, restons sur l'entente.
En allant chercher 33 M$ pour le nom de l'établissement sans une équipe et 63,5 M$ avec une équipe, M. Labeaume semble réussir un super coup.
Le scénario optimal de l'étude de Ernst & Young postulait des revenus de 500 000$ par an, avec ou sans équipe. Actualisé au taux d'inflation des dernières années, on projetait donc que la Ville pourrait recevoir 15 M$ sur 25 ans (notre calcul). Elle obtient plutôt dès maintenant un minimum de 33 M$. Et peut-être même près de 65 M$ si une équipe de la LNH vient.
Non, le maire n'est pas magicien. L'écart de prix s'explique en fait surtout par le fait que le droit d'avoir les clefs du Colisée pour en faire ce qu'on en veut (pendant 25 ans) est ici.
Sur le loyer, M. Labeaume ne semble pas faire une mauvaise affaire. C'est cependant moins criant. En ajustant les chiffres de Ernst & Young pour tenir compte de l'inflation, on aurait pu s'attendre à un loyer de 2,18 M$ sans équipe et 4,68 M$ avec équipe. La ville gagne avec un loyer à 2,5 M$ sans équipe, mais perd un peu à 4,5 M$ avec une équipe (quoique l'attente était toujours pour un scénario optimal).
À noter que ce loyer est peut-être à risque s'il n'y a pas d'équipe de la LNH, puisqu'en cas de déficit, la Ville abandonne son loyer pour diminuer les pertes de Quebecor. Mais elle reçoit en contrepartie la garantie que si l'exploitation de l'amphithéâtre est déficitaire, elle n'a pas à casquer plus d'argent que ce qu'elle met initialement dans ce projet.
Elle a même réussi à se négocier une participation aux bénéfices. On ne miserait cependant pas trop sur ce poste budgétaire. Sans équipe, il y a un risque de rouge important pour Quebecor. Quelque chose nous dit en outre que, avec ou sans équipe, le gestionnaire de l'immeuble aura tendance à organiser les centres de coûts et de revenus de manière à ce que le plus d'argent possible reste en amont des états financiers de l'amphithéâtre (le bail à l'équipe de hockey pourrait par exemple être pour 1$, ce qui augmenterait la rentabilité de l'équipe, à 100% détenue par le gestionnaire, et diminuerait celle de l'amphithéâtre où il doit partager le bénéfice…).
Somme toute cependant, une entente qui apparaît gagnante pour la Ville. Elle vient placer un plafond maximal au risque financier et abaisser davantage la contribution prévue des contribuables. S'il y a une équipe, l'entente en elle-même fait en sorte que le projet ne coûte pratiquement rien aux contribuables (coûts de financements – revenus de location = 1M$ par année).
Et pour Quebecor?
Et pour Quebecor?
En conférence, M. Péladeau semblait trouver que la négociation avait été exigeante.
À première vue, la Ville semble effectivement être la grande gagnante. Si BCE et evenko n'ont pas suivi l'enchère, on peut penser qu'ils trouvaient que les conditions demandées ne leur permettaient plus d'obtenir un juste équilibre risque/rendement.
Cela dit, le plan de match n'est pas nécessairement le même. Et il y a toutes sortes de façon de regarder la situation.
Pour l'heure, l'entente engage Quebecor pour 33 M$, plus un loyer de 2,5 M$ par année (sur les 5 première années) et le risque de pertes quant à la gestion de l'amphithéâtre.
Ernst & Young prévoyait un surplus de 1 M$ sur l'exploitation d'un amphithéâtre avec ou sans équipe. Soyons un peu plus conservateur et parlons d'une situation de "break even" (après tout, il faut notamment enlever les revenus liés au nom).
Dans cette situation, en excluant le 33 M$, Quebecor se retrouve annuellement dans le rouge pour 2,5 M$ (le coût de son loyer).
Vous croyez qu'on est trop généreux que le Colisée sera déficitaire de 2,5 M$. Ca change peu pour Quebecor. Elle n'a plus alors à payer que la moitié de son loyer et il lui en coûte au final 3,75 M$.
Le déficit de la bâtisse ne devrait pas être de plus de 2,5 M$. Le budget d'exploitation de l'amphithéâtre prévu par Ernst & Young est en effet de 8 M$. Il faudrait vraiment être piètre gestionnaire pour perdre plus que cela (on ne parle pas ici des activités à titre de producteur, mais de gestionnaire).
Retenons donc que dans le pire des scénarios, cette entente engage Quebecor dans une dépense de 33 M$ immédiatement, plus 2,5 M$ chaque année.
Des gros sous, dîtes vous?
On n'est pas spécialiste de la vente du nom, mais les premiers échos de spécialistes, donnent à croire que le prix payé pour le nom est dans la moyenne de ce qui se fait ailleurs (voir La Presse de ce matin). Bien qu'ailleurs le rayonnement s'effectue sur des marchés plus importants, les commanditaires ne bénéficient pas d'un droit de vie ou de mort sur tous les événements qui y seront produits.
À première vue, l'entente n'apparait donc pas mauvaise non plus pour Quebecor.
Ce sont cependant ses autres ententes, à titre de producteur et diffuseur, qui détermineront si elle fait vraiment une bonne affaire avec le nouveau Colisée.