(Analyse) - Après s'être retirée le temps d'une cure d'amaigrissement, voilà GM qui revient sur le marché public. Le gouvernement peut-il récupérer son argent? Et un investisseur, en faire?
L'émission devait initialement s'effectuer entre 26$ et 29$ US l'action. Devant une enthousiaste demande, elle arrive à 33$ US.
Avec celle-ci, le gouvernement américain en profite pour abaisser de 61% à 37% sa participation dans la société. Les gouvernements de l'Ontario et du Canada voient la leur passer de 11,7% à 9,6%.
L'arrivée en bourse permet aux pouvoirs publics canadiens de récolter un peu plus de 1G$, eux qui avaient injecté 9,5 G$ en juillet 2009 afin de permettre au constructeur de passer à travers la crise.
Des analystes estiment que pour que le Canada puisse récupérer l'ensemble de sa mise, le titre de GM devra grimper autour de 44$ par action.
Peut-il s'y rendre?
Plus du tout le même bolide
Une chose est certaine, c'est une General Motors grandement améliorée qui revient dans l'arène.
Elle qui pliait sous les dettes, a vu celles-ci considérablement réduites. En fait, au 30 septembre 2010, GM détenait des liquidités de 33,5 G$ US alors que ses emprunts ne totalisaient que 8,6 G$ US.
Il y a toujours pour plus de 27 G$ de sous-financement dans les régimes de retraite, mais, à ce chapitre, GM n'est pas pire que bien d'autres.
Quel est le plan de match?
Il peut être assez simplement résumé: vendre plus de véhicules, en le faisant cette fois de façon rentable.
Évidemment, la société aspire à prendre des parts de marché. Comme tous y aspirent, il vaut cependant mieux ne pas trop miser là-dessus et plutôt s'interroger sur le potentiel de croissance du parc automobile mondial. Si la marée monte, la rentabilité de GM et son titre devraient aussi monter.
Trois zones à surveiller. Les États-Unis, l'Europe de l'Ouest et… le reste du monde. En 2009, il s'est vendu 10,6 millions de véhicules aux États-Unis, 15,1 millions en Europe de l'Ouest et 37,9 millions ailleurs sur la planète.
Oublions l'Europe où GM n'a pas une si grande exposition.
Aux États-Unis, où elle détient 19% du marché, depuis septembre, les ventes automobiles roulent à un rythme de plus de 12 millions d'unités. C'est encore loin du sommet de 17 millions atteint en 2005. Mais c'est quand même mieux que la moyenne de 11,4 millions des derniers mois. L'écart laisse entrevoir un certain potentiel de croissance lorsque l'économie connaîtra de meilleurs jours.
Dans le reste du monde, GM est particulièrement bien positionnée au Brésil, où sa part de marché est aussi de 19%; et en Chine, où ses joint-ventures avec trois sociétés locales lui donnent une part de plus de 13%.
Le marché chinois est particulièrement intéressant alors qu'il croît à une vitesse grand V. En 2009, il s'y est vendu 13,5 millions de véhicules, une hausse de 45% sur un an! Il s'y vend maintenant plus de véhicules qu'aux États-Unis et le plafond semble encore assez loin. L'Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM) estimait en effet récemment que les ventes devraient atteindre 17 millions d'unités en 2010.
L'un dans l'autre?
Il s'agit maintenant d'essayer de situer la valeur de GM dans ce contexte.
Ce n'est pas simple, car le prospectus de GM contient des écritures extraordinaires et toutes sortes de périodes de résultats qui requièrent un certain nombre de rétablissements et d'hypothèses.
Une fois ces opérations effectuées, la maison BTIG estime cependant que, pour 2010, GM devrait rapporter un bénéfice par action de 3$ US. C'est dire que le titre arrive en bourse (33$) à un multiple de 11 fois le bénéfice. À titre de comparaison, Ford est à 8 fois, Honda à 10 fois et Toyota à 14,5 fois.
À prime abord, GM n'arrive donc pas sur le marché comme une aubaine. À un peu plus de 25$, comme on pensait initialement l'amener, sa valeur aurait été à peu près égale à celle de Ford. Elle lui est cette fois de plus de 35% supérieure.
Il faut cependant savoir que GM apparaît avoir plus de potentiel que Ford. Du simple fait d'une dette moins importante et de la flexibilité que lui a accordé une restructuration plus en profondeur.
Le consensus des analystes s'attend d'ailleurs à ce que le bénéfice de Ford stagne l'année prochaine, alors que BTIG voit celui de GM passer à 5,30$.
La prémisse de la maison est que globalement les ventes d'automobiles US (tous constructeurs confondus) passeront de 11,4 millions d'unités à 12,2 millions, et que les ventes internationales poursuivront leur robuste progression.
Jouons conservateur et appliquons le multiple de Ford à GM (8 fois). On obtient une cible à 42,50$ US.
BTIG voit encore plus loin et pense que le bénéfice pourrait grimper à 7,10$ l'année suivante, alors que les ventes de véhicules aux États-Unis atteindraient 13,3 millions d'unités.
Conclusion?
Le dernier scénario apparaît trop optimiste. Le premier plus réaliste. Il ne serait pas étonnant de voir l'action de GM se rapprocher des 42,50$ dans un an ou un peu plus. Le gouvernement américain et la FED devraient maintenir les mesures de stimulation sur la période, et, bien que l'on soit sur de l'artifice, les ventes se poursuivre. L'hypothèse de 12,2 millions de véhicules est justement la tendance actuelle.
Le gouvernement devrait sur papier recouvrer son argent et les investisseurs d'aujourd'hui en faire. Sortir de GM risque cependant d'être une toute autre histoire pour l'État.
On ne chasserait pas le titre ce jeudi.