Avez-vous senti le malaise?
C'est curieux, mais bien peu dans notre entourage semblaient à l'aise, mardi, avec le résultat des élections.
Si vous êtes à droite du spectre politique, vous n'êtes probablement pas très satisfait du fait que plus de 80% de la province n'est pas prête à adhérer à vos vues. Si vous êtes à gauche, vous tremblez probablement du fait que, finalement, le glissement du Québec à gauche semble avoir en bonne partie contribué à porter la droite au pouvoir (en donnant l'idée aux Ontariens de nous suivre, ce qui a grugé dans le vote libéral là bas).
Il est saisissant aussi de voir le Parti libéral si ébranlé et le Bloc… pulvérisé.
Avec tout le respect dû au programme du NPD, il est tout aussi saisissant de voir qu'en quelques jours une idéologie puisse autant étendre ses tentacules en s'appuyant sur nombre de "candidats poteaux".
Bref, cette élection est déstabilisatrice et celui qui dit ne pas ressentir d'inconfort est probablement un fieffé menteur.
Il n'est pas dans nos habitudes de faire du commentaire politique, mais, comme tout le monde le fait, on va faire une petite exception et, en plus de notre lecture économique, livrer notre lecture politique.
Le Parti libéral a-t-il un avenir?
À court terme, le passage sera pénible, mais si le parti était une société cotée en bourse, on y mettrait probablement quelques billes. "Buy low, sell high", dit l'adage. Le vote de lundi apparaît davantage une saute d'humeur électorale.
Beaucoup de nos amis qui passent le test de Radio-Canada sur leur appartenance idéologique se retrouvent qualifiés de Libéraux. Le scandale des commandites a été oublié, mais monsieur Ignatieff n'avait pas le charisme pour catalyser le vote. En fait, sa personnalité l'a probablement plutôt fait fuir.
Le message est au centre, il ne faudrait qu'un meilleur porteur de ballon.
Le Bloc a-t-il un avenir?
Le Bloc a-t-il un avenir?
Dans l'état actuel des choses, ça apparaît plutôt douteux. On n'enterrerait pas le parti, parce que cinq ans c'est long et qu'il peut toujours se présenter un charismatique sauveur dans trois ans. Mais, dans le meilleur des scénarios, il passera les prochaines années sur le respirateur artificiel, faute d'argent.
Si on était au Bloc, on proposerait l'abandon de l'idée de la souveraineté pour se concentrer uniquement sur le nationalisme québécois. Un nouveau parti social démocrate, qui défendrait les intérêts du Québec et se dirait prêt à gouverner en s'alliant à d'autres partis de même idéologie sociale. Il y aurait des compromis à faire, mais quelque chose nous dit que beaucoup plus de Québécois s'y retrouveraient et que les suffrages de l'élection de lundi auraient été passablement différents partout au pays.
Y aura-t-il un impact sur la scène provinciale?
Un collègue nous faisait remarquer ce matin que s'il était François Legault, il serait content. Et s'il était Pauline Marois et Jean Charest, il s'inquiéterait.
Il pourrait bien avoir raison. De la façon dont est structuré le nouveau parlement, le Québec apparaît ne plus y avoir beaucoup d'influence. Le grade des ministres québécois risque de ne pas être très élevé et, dans l'opposition, la ligne de parti du NPD devra être respectée.
On ne serait pas surpris d'assister dans quelque temps à une résurgence du nationalisme québécois. Et étant donné la faiblesse du Bloc, de voir le sentiment se transporter sur la scène provinciale.
Or, il pourrait bien y avoir de la place au Québec pour un parti nationaliste de centre, mais non souverainiste.
Un parti qui jouerait davantage sur la fierté identitaire que les libéraux, mais qui n'irait pas jusqu'à réclamer la sécession.
Évidemment, il faut un projet identitaire à construire.
Difficile?
Annoncez une refonte de votre système de l'éducation en créant un gros programme de financement pour une année ou deux d'études à l'étranger. Faîtes valoir qu'il s'agit de construire au Québec une société ou prédomine le français mais qui table sur une main-d'œuvre polyglotte. Que l'on fera ainsi du Québec un centre névralgique nord américain pour l'établissement de sièges sociaux nord américains et un exemple d'intégration pour les communautés d'immigrants. Bref, un nouveau modèle de développement économique et social qui n'existe pas ailleurs.
Vous aurez un projet de société à construire qui vous permettra de parler d'affirmation nationale d'une toute nouvelle façon. Par la création d'une richesse financière et sociale, plutôt que par la revendication.
Il n'est pas sûr que ce soit ce que monsieur Legault ait à l'esprit, ni qu'il soit le leader approprié, mais il n'est probablement pas malheureux du résultat de l'élection.
Le NPD a-t-il de l'avenir?
Le NPD a-t-il de l'avenir?
De l'avenir très certainement. Mais beaucoup moins rose que ce qui paraît aujourd'hui. C'est bien davantage sur un vote de protestation que sur un vote de conviction que le NPD a fait des gains au Québec. On ne peut pas dire que les bases soient très solides.
Faut-il trembler devant des conservateurs majoritaires?
D'un point de vue budgétaire, non. C'est même une bonne nouvelle. Au cours de sa campagne, le Parti conservateur est apparu être celui qui était le plus sensible à la situation des finances publiques. Sa proposition de continuer à abaisser les impôts des entreprises n'a aucun sens (nous sommes déjà compétitifs) et ne contribue qu'à creuser le déficit. Mais au moins il ne sera plus obligé de faire quelques distributions de bonbons à saveur électorale pour se maintenir.
Les craintes quant à de grandes coupes financières dans les programmes sociaux et culturels nous apparaissent aussi prématurées. Du moins si l'économie tient le coup. Le cheminement du retour à l'équilibre budgétaire est assez bien balisé jusqu'en 2014-2015, et repose en grande partie sur un examen stratégique des dépenses de tous les ministères (qui doivent contribuer à hauteur de 5%). Normalement, tout risque de souffrir en proportion, pas un secteur plus que l'autre.
Nos inquiétudes à nous sont plutôt du côté transparence et accès à l'information, l'essence même de la démocratie.
On ne peut pas dire qu'en cette matière les conservateurs aient mérité leur réélection.