L'avenir du Montréal financier est présentement à se jouer et les derniers développements ne lui apparaissent pas très favorables.
La guerre est à son zénith entre le Groupe Maple (consortium de 13 institutions canadiennes) et la Bourse de Londres pour l'obtention du contrôle du Groupe TMX, qui détient les bourses de Montréal et Toronto.
Les actionnaires du Groupe TMX ont jusqu'à jeudi pour faire savoir s'ils acceptent l'offre de la Bourse de Londres. Dans l'affirmative, l'offre du groupe Maple deviendra caduque, et, à moins d'un feu rouge réglementaire, les bourses de Montréal et de Toronto passeront sous contrôle étranger.
Surenchère
Les derniers jours ont permis d'assister à une surenchère entre Londres et Canada inc. En retard sur la mise, Londres a supposément majoré son offre de 4$ par action, jeudi, la portant ainsi à près de 49$, selon l'interprétation courante. Le lendemain, Maple majorait à son tour son offre pour la porter à 50$.
Il y a dans ces opérations une difficulté de lecture importante.
La majoration de 4$ de Londres nous a bien fait sourire. Il s'agit en fait de prendre 4$ par action dans les coffres du Groupe TMX et de le retourner sous forme de dividende aux actionnaires. S'il est vrai que des sociétés doivent parfois agir ainsi pour faire ressortir la valeur intrinsèque de leurs activités, on ne peut nullement parler ici d'une bonification de l'offre. Cet argent risque en effet d'être en bonne partie déduit par le marché de la valeur du Groupe TMX une fois la fusion complétée. Si vous sortez 4$ de la compagnie, celle-ci devrait en effet théoriquement valoir 4$ de moins, ou à peu près. D'où l'absence d'une bonification.
Pendant ce temps, le Groupe Maple bonifie son offre. Celle-ci est cependant déjà accompagnée d'un important transport d'endettement dans le Groupe TMX. Cet endettement fait en sorte que la valeur que le groupe Maple attribue aux actions une fois l'acquisition complétée pourrait ne pas être celle que leur accordera le marché.
Ça se corse pour Maple
Ça se corse pour Maple
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les choses se sont corsées ces dernières heures pour le groupe Maple.
Sa proposition a certes reçu l'appui du renommé Stephen Jarislowsky, qui y voit une meilleure affaire au plan financier et, surtout, une meilleure option pour le Canada.
La décision d'Institutional Shareholder Services (ISS) de recommander l'offre de Londres vient cependant jeter une douche d'eau froide sur les espoirs de Maple. La firme est l'une des plus influentes - si ce n'est la plus influente - maisons conseil sur le vote des procurations. Son verdict s'ajoute à celui de Glass Lewis, une firme concurrente, qui voyait les choses du même œil.
Qui plus est, une douzaine de firmes canadiennes et personnalités, dont Raymond James, Caldwell Securities et CI Financial, sont sorties lundi sur la place publique pour dire qu'elles appuyaient Londres. Ces firmes redoutent notamment que le plan de fusion d'Alpha avec la Bourse de Toronto ne crée un monopole sur la négociation des actions.
La surprise
Assez curieusement, la firme ISS en arrive au même constat que le nôtre, mais pas à la même conclusion.
À court terme, l'offre de Maple est la plus intéressante en valeur, mais à long terme, celle de Londres apparaît plus avantageuse, dit-elle. On ne concluait pas personnellement qu'à long terme l'offre de Londres était plus avantageuse, mais certainement pas inférieure.
La surprise vient de ce que l'on se serait attendu à ce que ISS favorise l'offre financière la plus intéressante à court terme, le long terme étant hypothétique dans les deux cas.
Quel impact pour Montréal?
À court terme, une fusion avec Londres ne serait pas nécessairement une mauvaise affaire. Montréal deviendrait en effet la plaque tournante du développement des produits dérivés pour la nouvelle entité. C'est une avenue de développement intéressante.
Le risque est à plus long terme, si jamais une nouvelle OPA devait être lancée sur l'entité Londres-Toronto-Montréal. Nous risquerions alors de perdre tout ce qui aurait été construit par une délocalisation des activités chez l'acquéreur.
Se pose aussi en parallèle la question de la localisation de la future chambre de compensation des swaps canadiennes. Il y a actuellement une réflexion en cours sur la nécessité de localiser cette chambre de compensation au Canada (comprendre Montréal). Sans entrer dans les détails, une OPA sur Londres-Toronto-Montréal risquerait d'encore plus compliquer l'instauration de celle-ci ici. Cette chambre dut-elle être implantée à l'étranger, la Banque du Canada se retrouverait alors dans une drôle de situation, avec bien peu d'influence et de supervision sur la mécanique opérationnelle de produits dont elle serait pourtant l'ultime pourvoyeuse en liquidités.
C'est pourquoi la proposition de Maple est la meilleure.
Malheureusement, les dés ne semblent pas bien rouler. Retenons notre souffle.