Le moins que l'on puisse dire, c'est que Québec inc. est en ébullition. Couche-Tard qui achète en Norvège, CGI et Genivar qui achètent en Europe, la Banque Laurentienne qui acquiert Fiducie AGF. La Caisse est dans trois des transactions : devrait-on la suivre ?
Il s'est dit et écrit beaucoup de choses sur les derniers investissements de l'institution. Certains y voient une nouvelle stratégie d'accompagnement des entreprises québécoises. Ce n'est pas le cas. La Caisse répète depuis un bon moment déjà qu'elle souhaite accompagner des entreprises d'ici dans leur croissance. On opterait bien davantage pour la coïncidence.
Cela dit, si c'est bon pour la Caisse, est-ce aussi bon pour nous ? La question se pose. Tentons d'y voir de plus près.
CGI (GIB.A, 22,71 $) achète Logica
On a déjà traité de la transaction il y a quelques semaines. Elle est intéressante sous plusieurs aspects.
Avec Logica, CGI peut maintenant espérer offrir son expertise au marché européen et proposer celle de Logica à son marché nord-américain. Les gros clients de l'une et de l'autre pourront en outre désormais être accompagnés sur chacun des continents. Concrètement : CGI a Rio Tinto (Alcan) et Bombardier comme clientes au Canada. Il lui est cependant difficile de les accompagner ailleurs, et ce sont des contrats potentiels perdus. Elle devrait maintenant avoir les capacités de le faire.
Côté expertise, CGI se distingue en finance et dans la santé, alors que Logica a des solutions pour les services aux collectivités.
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Plus intéressant encore, la transaction doit être accréditive de 25 % à 30 % au bénéfice par action, avant même les synergies de revenus. Or, le titre n'a avancé que de 8-10 % depuis l'annonce.
Le risque ? Pour que la transaction soit accréditive, le marché européen ne doit pas tomber. À long terme, c'est une transaction fort intéressante, mais une forte récession en Europe pourrait avoir de fâcheuses conséquences passagères.
Verdict : on aime, mais il faut être tolérant au risque.
Genivar (GNV, 22,96 $) acquiert WSP Group
La plus curieuse des situations que l'on ait rencontré dans notre carrière. Combien d'analystes ont commenté au lendemain de l'annonce de l'acquisition de la londonienne WSP Group ? Zéro ! Toutes les firmes de courtage qui suivent le titre sont dans le financement. Il serait surprenant de voir des recommandations de vente émises sur le titre prochainement...
Cela dit, la transaction est ici aussi intéressante et ressemble en partie à celle de CGI.
Genivar pourra offrir en Europe ses compétences en minier, en environnement et en énergie et tirer bénéfices ici de celles de WSP en construction de gratte-ciel, de ponts et d'infrastructures ferroviaires.
La société québécoise a maintenant en outre un profil mondial, ce qui lui permettra d'approcher de plus gros clients et d'accompagner les siens à l'international.
À la différence de CGI, la transaction n'est cependant accréditive au bénéfice par action que de 6 %, avant les synergies de revenus.
Ce n'est pas pour rien que le titre est passé de 25 $ à son cours actuel sur la nouvelle. Les synergies de revenus restent à prouver. Dans l'intervalle, le potentiel de bénéfice est sensiblement le même qu'avant la transaction, mais sa dette augmente, ce qui accentue le risque.
Cet investissement de la Caisse semble effectué sur un horizon de plus long terme et il n'est pas impossible qu'il conduise à une déception dans ses premières années si la situation économique se dégrade de façon importante en Europe.
Banque Laurentienne (LB, 45,94 $) qui achète Fiducie AGF
Plus compliqué ici.
La filiale B2B de la Laurentienne achète en fait un autre fournisseur de certificats de dépôt, de prêts investissements et de prêts hypothécaires à des courtiers et conseillers financiers indépendants. En tenant compte des duplications, le nombre de conseillers indépendants distribuant les produits B2B devrait augmenter de 17 %, à 27 000.
L'opération sort en quelque sorte un concurrent du décor et consolide le marché.
Les analystes voient généralement un apport au bénéfice de 7 à 10 % en 2014, après que des synergies de coûts eurent été obtenues.
C'est difficile à dire. On a toujours eu de la difficulté à suivre les bénéfices des banques. Tous les conseillers qui offraient des services AGF suivront-ils ? Sans doute, mais si ce n'est pas le cas, il y a un risque de recul de la rentabilité. On n'est pas les seuls à être incertains. Desjardins estime que les investisseurs voudront voir les bénéfices de cette transaction se matérialiser avant de payer pour.
Le titre a certes progressé de 8-10 % depuis l'annonce, mais la progression pourrait bien simplement s'expliquer par le fait que la Laurentienne a battu les attentes du marché sur ses résultats trimestriels.
Là se trouve d'ailleurs en fait le principal risque de l'investissement.
Que fera le marché hypothécaire dans les prochains mois ? Et celui du prêt sur investissement ? Stratégiquement, la transaction semble bonne (elle permet à la Banque de sortir davantage de son modèle traditionnel où elle est géographiquement enclavée), mais le potentiel bancaire canadien est vraiment difficile à cerner.
Il est même possible que la Caisse ait diminué son exposition au secteur financier tout en faisant cette transaction.
Dans le doute, on passerait.
DANS LE DÉTAIL
Sur le radar
Le titre sur cinq ans
CGI (GIB.A ; 23,00 $)
Recommandation des analystes
Achat 2
Surperformance 9
Conserver 5
Conserver 1
Cible moyenne : 26,50 $
Le titre sur cinq ans
GENIVAR (GNV ; 23,21 $)
Recommandation des analystes
Achat 0
Surperformance 5
Conserver 6
Cible moyenne : 28,50 $
Le titre sur cinq ans
BANQUE LAURENTIENNE
(LB ; 46,28 $)
Recommandation des analystes
Achat 1
Surperformance 5
Conserver 5
Cible moyenne : 51,60 $
Sources : Bloomberg, Thomson Reuters
francois.pouliot@tc.tc
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